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1 semence 1 espoir favorise l’entrepreneuriat dans les zones rurales d’Afrique
1 semence 1 espoir finance le lancement d’activités entrepreneuriales dans des villages du Sénégal. Profitant en grande majorité à des femmes isolées. Alors que le projet s’appuyait lors de sa première année sur les fonds propres de son fondateur Mor-Anna Sokhna, il prend une nouvelle dimension avec le lancement d’une campagne Ulule.
Sur le continent africain, ce n’est pas l’envie d’entreprendre qui manque. Ce sont les financements. D’après l’Agence française de développement, seules 20% des petites et moyennes entreprises ont accès au prêt bancaire. Et 87% des start-up n’ont accès à aucun financement. Pour les entreprises de petite taille, portées par des femmes notamment, le microcrédit peut être une solution. Mais ses taux d’intérêt sont généralement plus élevés qu’un prêt classique.
Ces problématiques, Mor-Anna Sokhna les découvre au fil de ses rencontres. De ses lectures. De ses voyages au Sénégal d’où sont originaires ses parents. Marseillais de naissance, apporteur d’affaires en Suisse, il est animé depuis son plus jeune âge d’une soif d’entreprendre. Une envie qui, au fil du temps, se teinte d’une quête d’utilité sociale.

Pouvoir d’agir
« Je pense que mon envie d’agir a commencé en 2015, quand j’ai lu le livre de Fatou Diome : Le Ventre de l’Atlantique », raconte-t-il depuis les locaux marseillais de l’association Les Déterminés qui l’accompagne dans son aventure d’entrepreneur social. « Ce livre traite des flux migratoires par voie dangereuse entre l’Afrique et l’Europe. Quand je l’ai lu, je me suis demandé ce que je pouvais faire à mon échelle ». L’Afrique, il n’y est allé que deux fois à ce moment-là. Ses parents sont sénégalais, arrivés en France dans les années 1980. « Je me suis promis de créer une centaine d’emplois sur ce continent d’ici la fin de ma carrière ».
En 2016, il s’embarque dans des projets d’investissements avec ses cousins. Sans grand succès. Trop jeune. Pas sur place… Qu’à cela ne tienne, il en garde le sentiment qu’il est bel et bien possible d’agir pour soutenir le développement économique en Afrique. Continent qu’il apprend petit à petit à connaître. En en saisissant les différentes nuances.
Goût de l’entrepreneuriat social
Son esprit s’enrichit d’influences nouvelles. Comme le footballer Sadio Mané, auréolé du Prix Socrates pour son engagement dans sa ville natale de Bambali, en Casamance. « Il a œuvré comme un maire avec ses propres moyens ». Puis en 2022, il assiste à une masterclass de Thione Niang. Entrepreneur social et conférencier sénégalais, ce dernier a suivi Barack Obama lors de ses deux campagnes présidentielles en tant qu’organisateur de l’équipe de campagne. « Il a créé une ferme où l’on forme à plein de métiers. Une école pour les femmes qui entreprennent… Grâce à lui, j’ai compris à quel point on peut allier entrepreneuriat et impact social ». Le discours l’inspire tellement que, l’été qui suit, il décide de s’envoler pour le Sénégal. Avec des messages à faire passer. Et un constat.
« Les petites sommes que l’on dépense en France peuvent changer la vie de quelqu’un là-bas. J’ai vu un entrepreneur démarrer avec 20 000 francs CFA, soit 30 euros. Il a acheté un carton de bananes, puis s’est constitué un stock pour finalement investir dans une boutique ». Et il choisit d’utiliser Youtube pour en faire la démonstration. C’est ainsi que naît 1 semence 1 espoir.
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Tissus, boissons, couches pour bébé, restauration…
Dans chaque vidéo, le mode opératoire est le même. « On présente un entrepreneur. On l’accompagne chez un fournisseur pour lui acheter un premier stock de matière première et le lendemain, il se crée un espace de travail. Il a ensuite deux jours pour chercher ses premiers clients ». Une sorte de télé-réalité de l’entrepreneuriat. « Avec les moyens du bord », précise dans un sourire Mor-Anna.
Au départ, 12 porteurs de projets sont sélectionnés parmi une vingtaine de candidats dans le village de Diourbel, 3500 âmes, situé à 150 km à l’est de Dakar.
Parmi les premiers porteurs : Fatou Faye, qui a mis sur pied sa boutique de friperie. Ou Maty Seck qui opère dans le commerce de tissus. On trouve aussi de la vente de boissons fraîches, du commerce de couches pour bébés ou encore de la restauration.
29 projets dans un même village
Une fois leur activité enclenchée, ceux-ci rendent l’argent prêté à taux zéro. Et cet argent permet de lancer d’autres projets. De quoi enclencher une spirale vertueuse qui contribue à redynamiser le village. À y satisfaire les besoins primaires. Avec l’ambition d’éviter que les plus jeunes aient besoin d’aller à la capitale pour s’habiller et passer un bon moment dans un restaurant.
En avril 2024, la boucle a ainsi permis à 29 projets de voir le jour dans ce même village. Des projets essentiellement menés par « des femmes isolées qui jouent un rôle de pilier dans leur famille. 1 semence 1 espoir les rend actives. Or une femme qui travaille, elle transmet une réalité à ses enfants. Et elle gagne en confiance ».
Une campagne Ulule pour amplifier le mouvement
Si ces premiers projets ont été rendus possibles grâce à l’investissement de Mor-Anna sur ses fonds propres, il a désormais envie de passer à la vitesse supérieure. C’est là l’objet d’une campagne Ulule qui doit s’achever fin mai. Objectif affiché : recueillir 3990 euros afin de financer 10 projets dans un village qui reste à définir. Ce, grâce à des dons dont le montant peut paraître dérisoire vu de France. Pour 150 à 300 euros, il est ainsi possible de soutenir intégralement un projet. Avec en prime diverses contributions : proposition d’un nom de village à soutenir, implication auprès des porteurs de projet… etc.
Cette expérience, Mor-Anna aimerait la dupliquer tous les trois mois. Pour accompagner une cinquantaine d’entrepreneurs par an. Au Sénégal, mais pas seulement. « En juin prochain, on ira peut-être au Togo ».

100 emplois créés d’ici 2026
« Maintenant, quand je regarde en arrière, je me dis que mon objectif de créer 100 emplois en Afrique était un peu ridicule, observe Mor-Anna. Je pense que je peux aller beaucoup plus loin en rendant l’écosystème plus favorable à ceux qui entreprennent là-bas. En 2025, on aura déjà créé 50 emplois. On devrait avoir atteint les 100 dès 2026 ».
Et l’entrepreneur social ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Il a l’ambition de faire de 1 semence 1 espoir une sorte de plateforme de financement au travers de laquelle la diaspora africaine pourrait, contre rétribution, investir en faveur de l’entrepreneuriat en Afrique. Il a déjà quelques idées en tête : d’une ferme piscicole à des espaces de travail clé en main pour divers métiers manuels. Pour que les talents des jeunes générations puissent s’épanouir là où ils le souhaitent. Sans avoir à se déraciner.♦
Bonus
# Financement du projet – Financée à 40% à ce jour, la campagne de financement de 1 semence 1 espoir prendra fin le 24 mai prochain. Elle est accessible par ici. Pour amplifier son impact, Mor-Anna Sokhna aimerait aussi beaucoup que des mécènes se penchent sur son projet. Une recherche de subventions est également envisagée.
