Éducation
#2 Marilyn, celle qui murmure à l’oreille des ados (et des parents)
L’adolescence est comme une île. Les adultes la voient de la terre, mais elle reste inaccessible, ils n’ont pas la cartographie. « Car les adolescents eux-mêmes ne l’ont pas », soutient Marilyn Mesguich. Pour aider les adultes à mieux appréhender et guider les ados, cette spécialiste de l’adolescence a créé le podcast ‘’L’Île aux Ados’’ et le live Instagram ‘’L’instacafé des parents’’.
En lançant en janvier 2025 le Podcast ‘’L’Île aux Ados’’ pour ‘’les parents aventuriers’’, Marilyn Mesguich a conjugué son amour de l’écriture et son expertise de l’adolescence. « Une période instable, d’une durée variable. Une révolution physique et psychique. C’est aussi, malgré les apparences trompeuses, une effrayante période de solitude, coincée entre la fin de l’enfance et le début de l’âge adulte. Entre soif d’indépendance et peur de se planter. De décevoir, de se décevoir. De plaire, mais très souvent de se déplaire », dépeint-elle en préambule de ‘’L’île aux Ados’’. Il en ressort six épisodes de vingt minutes, justes et éclairants. Comme dit Sasha, jeune auditrice de 16 ans : « C’est flippant, elle sait tout de nous ».
♦ (re)lire #1 Marilyn, celle qui murmure à l’oreille des ados (et des parents)
La stratégie d’évitement

Le premier épisode, qui aborde ‘’la stratégie d’évitement’’, explique pourquoi des ados se mettent en échec scolaire – par peur de décevoir, manque d’estime de soi ou pour « un mauvais regard croisé dans les couloirs ». Et comment ils se sabotent : en n’essayant même pas – ‘’de toute façon, c’est peine perdue, je me sens nul’’, en oubliant sa calculette le jour du contrôle de maths ou sa carte d’identité le jour d’un examen. Marilyn Mesguich a vécu toutes ces situations anodines ou irréversibles au sein de son cabinet PCB, qui accompagne les élèves déscolarisés. Elle raconte. « Un de mes élèves, pétrifié à l’idée de passer son bac français, a braqué une supérette dans le but inconscient de se faire arrêter et donc, de ne pas pouvoir passer son épreuve ». Ce n’était pas un délinquant, juste un garçon pris de panique qui a commis l’irréparable face à une échéance insurmontable.
Faire vraiment confiance

Marilyn Mesguich pointe également ‘’la stratégie du déni’’, citant l’ado qui a réalisé une belle fiche de révision, complète et surlignée, ayant « juste omis de l’apprendre ». Ou bien celui qui affirme n’avoir aucune mémoire pour apprendre le contrôle d’histoire, alors qu’il connaît toutes les paroles de toutes les chansons de JUL. Il est vraiment de bonne foi. « Il n’est pas capable de se remettre en question. C’est toujours la faute de quelqu’un. Le prof, le bus qui n’est pas passé à l’heure, un tas d’excuses dont l’ado brillant est friand ».
Que faire alors ? Encourager, valoriser. Faire confiance, « mais vraiment ». Ne pas, par exemple, lui dire qu’il peut partir tout seul à l’école et le surveiller par la fenêtre. « Plus vous lui ferez confiance, plus il se responsabilisera, plus il acceptera les limites » Faire confiance, c’est aussi dire : « peut-être que tu ne vas pas réussir d’un coup, mais je serai toujours là ».
♦ L’instacafé des parents, c’est un live Instagram tous les mois créé avec Marie Robert de Philosophyssexy pour échanger au sujet des ados. Sans jugement, mais avec amour. Le prochain est mi-juillet sur les écrans ou les profils atypiques
« Le stress me bloque la tête »

L’épisode diffusé le 16 mai met en lumière le stress qui pollue le cerveau de l’ado. L’empêche de se concentrer et d’agir rationnellement. « La phrase que j’entends le plus de mes élèves, c’est ‘’je suis stressé, ‘’ça me stresse’’, ‘’c’est stressant’’. Tout les stresse, en fait », indique Marilyn Mesguich, de sa voix chaude et ferme. Une porte mal fermée, des cheveux mal lissés, un élève qui ne leur a pas dit bonjour ou, au contraire, dit bonjour. Des mots – ‘’bac’’, ‘’écrans’’. Les phrases ‘’tu as révisé ?’’, ‘’tu as eu des notes ?’’. Des attitudes, un regard. « Tout ça sont des ‘’stresseurs’’ », explique cette passionnée. Elle cite une de ses élèves qui n’arrivait pas à travailler. La raison invoquée ? Une tache sur les murs qui lui « bloquait la tête ».
Des êtres hypersensibles

Le stress le met dans une phase d’alerte, « comme s’il avait une alarme incendie qui sonnait dans l’oreille ». Puis de lutte : « Il crie, il part en courant, jette son tél, etc. ». Car l’ado est hypersensible. « Il ressent tout, c’est épidermique, rappelle Marilyn Mesguich. Normal, il était enfant et se réveille un matin avec des poils et les seins qui pointent ». Si les parents et les adultes en général sont de « bons stresseurs », les réseaux sociaux en rajoutent : « Je n’ai pas eu beaucoup de like. J’ai été moquée. Je ne me trouve pas assez belle. Je n’ai pas assez de muscles ». Le stress est ponctuel, tandis que I’anxiété perdure et relève « d’une cause plus ancrée ». Une insulte sur Snapchat. Des tensions familiales. Un harcèlement à l’école. Il est important, particulièrement dans ces cas-là, d’être à l’écoute des maux. Elle se souvient de cette élève atteinte de phobie scolaire, qui avait des crampes au ventre. Pendant une année entière, elle a eu droit à des examens médicaux, en vain. « Elle ne mangeait plus de peur d’avoir mal, elle avait perdu 15 kilos, jusqu’à ce que je lui dise qu’elle pouvait faire sa seconde en deux ans ».
♦(re)lire Aider son ado à conquérir son autonomie
Garder le lien

La meilleure réponse au stress et à l’anxiété est, selon Marilyn Mesquich, de ne jamais perdre le lien avec son ado. Même si c’est dur. « Car l’adolescence est un paradoxe. C’est lâche-moi, mais retiens-moi. Je n’ai pas besoin de toi, mais aide-moi. Ne me parle plus, mais pourquoi ne me parles-tu plus ? ». La professionnelle pointe l’importance de la communication, tout en mettant en garde les parents. « Si on dit à son enfant ‘’tu peux tout me dire’’, il faut être capable de tout entendre, sans juger. Comme ‘’j’ai couché avec un garçon sans capote, je crois que je suis enceinte’ ».
# À noter : Conférence ‘’Départ pour l’Île aux ados’’ au Théâtre de l’Art Du, le 11 septembre, à Marseille. Les bénéfices seront versés à 1 Cabas pour 1 étudiant.
Cadre ferme…
Le rôle de l’adulte est et reste avant tout d’accompagner l’enfant. Non pas en le poussant hors de sa zone de confort, ni même en le tirant vers ce qui lui semble juste – sources de stress qui ajoutent à son stress, mais « de rester côte à côte avec lui ». Cela signifie faire preuve de bienveillance et d’encouragement, mais aussi poser un cadre et guider. « Le cadre est rassurant, il permet à l’ado de grandir, de prendre confiance en lui ». Pour Marylin Mesguich, il l’adopte d’autant plus facilement qu’il aura fixé avec nous les limites.
…mais flexible

Pour les heures de sortie, il est préférable de donner une plage horaire qu’un horaire fixe – ‘’Tu reviens entre minuit et minuit trente’’, « car le propre du jeune est de grappiller ». Il est important également que cette limite soit cohérente et ferme dans la durée, notamment pour les écrans. « Jusqu’à 14 ans, tu as droit à deux heures par jour, c’est important pour ta santé. Tu t’organises comme tu as envie, mais si tu n’y parviens pas, je te le coupe ». Bien sûr, c’est compliqué. Les ados n’ont pas la même notion du temps que les adultes et « sont égocentrés ». Ils aiment repousser les limites indéfiniment et observer jusqu’où on peut aller par amour. Enfin, ils sont uniques, « il n’y a donc pas un seul mode d’emploi, mais plusieurs »
Le cadre, c’est certes instaurer des limites à l’ado. Mais, insiste Marilyn Mesguich, c’est d’abord partager des repas, un ciné, un jeu de société. Un quotidien avec lui.
Bonus
#Les limites : C’est aussi les aider à intégrer les leurs pour préserver leur intégrité : « jusqu’où es-tu capable de supporter une situation, par amour ou par amitié ? ». Le sujet est abordé dans son dernier épisode « Les ados, l’amour, le sexe » diffusé le 27 juin dernier.