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Stéphane Marache, directeur d’Ehpad et fier de l’être !
EHPAD ! L’acronyme a supplanté le nom pour devenir un mot courant, à connotation négative. L’EHPAD renvoie à une fin de vie solitaire dans une institution déshumanisée. Stéphane Marache est directeur d’un Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes. Diplômé d’une école de commerce, consultant dans la logistique, il a changé d’orientation professionnelle à 30 ans, par vocation. Et ne regrette pas son choix.
« Moi non plus, je n’aime pas le nom et ce à quoi il renvoie ». Stéphane Marache, directeur de la résidence EHPAD Éléonore située entre le Tholonet et le centre-ville d’Aix-en-Provence n’est pas un adepte de la langue de bois. La structure fait partie du groupe EMERA qui compte une soixantaine d’établissements de ce type en France. Actuellement, 103 « résidents » vivent là. « Quand nous parlons de résident ce n’est pas pour être dans le politiquement correct comme certains utilisent malvoyant pour parler des aveugles… Ce complexe offre une multitude de services aux personnes qui y ont élu domicile. Qui sont pour nous à la fois des clients et des pensionnaires ».
Le site internet du groupe renvoie d’ailleurs l’image d’une résidence haut de gamme. C’est de l’hôtellerie, de la restauration. Ainsi qu’un pôle médical avec médecin et infirmiers, personnels de soins. Même si un quart des chambres sont occupées par des personnes âgées de plus de 80 ans non médicalisées. Qui attendent de leur Ehpad une mise en sécurité, du lien, du confort.
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Le verdict d’un bilan de compétences
L’EHPAD Éléonore est une PME d’une cinquantaine de salariés, sans compter les personnes extérieures qui s’occupent de toute une palette d’activités – sports, détente, loisirs, coiffure, manucure… Celui-ci se considère comme le chef d’une entreprise un peu particulière puisqu’elle agrège et doit faire coexister des métiers très différents. « J’ai commencé mon parcours professionnel à Lyon comme consultant, spécialiste de la logistique et de la production. » Le salaire était très attractif. Mais après deux missions de restructuration débouchant sur deux plans sociaux, il se dit à 32 ans que ce n’est pas sa vocation. « Je me suis demandé comment apporter de la valeur aux autres, plutôt que détruire des emplois pour réaliser toujours plus de profits ».

« À 90 ans, le Covid, je m’en fous »
Éléonore n’a eu aucun résident atteint lors de la première vague de Covid. « Psychologiquement, la période a été très difficile malgré tout, car nous avons dû confiner strictement. Un confinement synonyme d’enfermement ». Stéphane Marache estime qu’avec ses équipes, il s’est pour la première fois retrouvé confronté à des questions éthiques difficiles à résoudre.
Que peut-on répondre à une dame qui dit : « À 90 ans, moi je peux avoir le Covid, je m’en fous. Laissez-moi voir mes proches. Je n’en ai plus pour longtemps, de toute façon » ? Le directeur n’avait guère de latitude puisqu’il y avait des règles strictes édictées par le Ministère de la santé. « L’écran pour voir en live ses enfants et petits-enfants, ça a fonctionné techniquement. Mais humainement, ça n’a pas comblé le vide, l’absence. » Alors, en concertation avec le médecin, il a autorisé des dérogations pour les personnes en fin de vie. « C’était une prise de risque, mais je l’assume. Dans nos structures on détecte tout de suite le syndrome du glissement. Quand la personne âgée lâche prise. A décidé de partir parce que soudain la vie ne l’intéresse plus ! ». La réouverture à partir de juillet a induit de nouveaux protocoles afin de retrouver un fonctionnement le plus harmonieux possible. Le personnel, comme les résidents, a été testé régulièrement.
Éléonore échappe à la pandémie jusqu’au 11 septembre 21h30. Stéphane Marache reçoit un coup de téléphone du laboratoire lui annonçant qu’un résident est positif. S’ensuit un dépistage intégral : 22 cas sont déclarés. Il faut reconfiner. Comme bientôt partout en France d’ailleurs, car la seconde vague se profile !
Des situations parfois violentes
La fin de vie donne lieu à des protocoles parfaitement balisés qui permettent aux familles de se préparer au départ. Cette crise brutale a confronté le personnel des EHPAD à des situations nouvelles, souvent violentes, avec des crises de désespoir à l’intérieur comme à l’extérieur. « L’impossibilité de venir a exacerbé certains comportements. Les ordonnances du gouvernement étaient précises. Nous ne pouvions y déroger. Personne ne pouvait entrer. Nous nous sommes retrouvés entre le marteau et l’enclume ».
Si Stéphane Marache comprend le désarroi, et des résidents, et des familles lors du confinement, il ne trouve aucune excuse à ceux qui refusent de porter le masque ou de se faire tester quand ils viennent en visite. « Si vous n’êtes pas content appelez la police », lui a déclaré récemment un visiteur pour qui cet accessoire, comme la vaccination d’ailleurs, n’avait pas lieu d’être. « Et si ça ne vous convient pas, on quitte votre établissement ». La famille a été prise au mot. Le résident s’en est allé.
La crise sanitaire a soudé les équipes
« L’épidémie a mis en lumière ce que permet l’intelligence collective confrontée à des situations paroxysmiques, inconnues et imprévisibles ». Des équipes pluridisciplinaires se créent et se soudent. Les fiches de tâches explosent. Les salariés se démultiplient. Font des propositions innovantes.
