SantéSociété

Par Audrey Savournin, le 25 avril 2024

Journaliste

Elles courent donc elles vont mieux

Depuis 2022, chaque année, l'Union des Centres Sociaux des Bouches-du-Rhône prépare 300 à 400 femmes à la course (ou marche) La Marseillaise des femmes. © DR

Selon l’Insee, en 2015, 45% des femmes déclaraient avoir pratiqué une activité physique ou sportive dans l’année contre 50% des hommes de 16 ans ou plus. L’écart se creusait chez les 16-24 ans avec des taux de 50% contre 63%. Et le choix des disciplines restait stéréotypé. Manque de temps, faible médiatisation du sport féminin, repli sur la sphère domestique… Les pistes d’explication ne manquent pas. Mais l’Union des Centres Sociaux des Bouches-du-Rhône préfère les solutions. Depuis 2022, chaque année, elle accompagne 300 à 400 femmes vers la marche, la course et plus globalement le bien-être avec le programme gratuit « Je cours donc je suis ».

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“Je cours donc je suis” ce sont des courses, des marches mais aussi de nombreux ateliers. © Audrey Savournin

En ce jeudi matin d’avril, le vent s’engouffre de toutes ses forces dans les coursives de la Friche Belle-de-Mai à Marseille. Il malmène les flammes de tissu aux couleurs de l’Union des Centres Sociaux des Bouches-du-Rhône (UCS13) (voir bonus). Et balaie littéralement la vaste place transformée en terrain multisports. Mais il n’a pas eu raison de la motivation de 110 femmes venues se mettre en mouvement. Issues de 16 centres sociaux du département, elles participent, comme plus de 200 de leurs pairs, au programme gratuit « Je cours donc je suis ».

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110 femmes se sont mises en mouvement lors de la journée de lancement du programme gratuit « Je cours donc je suis » à la Friche Belle-de-Mai à Marseille. © Audrey Savournin

Troisième édition


Ce projet initié en 2022 par l’UCS 13, soutenu par la Ville de Marseille et la Fondation de France, a été lauréat national Impact 2024 (voir bonus). « Au tout début, ce sont plusieurs centres sociaux qui ont eu l’idée et l’envie de travailler collectivement sur le sport en lien avec la santé, le bien-être, l’alimentation, la prévention… retrace Pascale Balian, chargée de mission communication à l’UCS13. Avec, dès le départ, la volonté de s’adresser aux femmes. »

Les femmes qui s’emparent beaucoup moins des installations sportives que les hommes. Qui sont davantage cantonnées à la sphère domestique. Prennent peu de temps pour elles. « Se mettent plus de barrières et s’interdisent beaucoup de sports », prolonge Soisic Duchemin, référente famille au centre social La Farandole à Istres. Elle accompagne un groupe lors de cette journée collective, sorte de coup d’envoi symbolique de cette édition 2024 de « Je cours donc je suis ».

Deux courses en ligne de mire

« La première année, l’objectif était de participer ensemble à la course citoyenne La Marseillaise des femmes (voir bonus), qui correspond bien à nos valeurs », rembobine Pascale Balian. Car ce rendez-vous se veut synonyme d’indépendance, de bien-être, d’acceptation du corps, de dépassement de soi, de solidarité et de convivialité.

« Puis on a ajouté  L’Algernon (voir bonus), qui mêle personnes valides et handicapées. Et on ne se projette pas que sur les courses, les participantes s’y préparent ensemble, avec des ateliers en lien avec cet objectif, tout au long de l’année, dans les différentes structures. »

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Haies, cerceaux, échelle… Les participantes se prêtent volontiers au jeu. © Audrey Savournin

Au centre social de la cité Air-Bel à Marseille par exemple, un coach anime des séances de sport adapté. À celui de Malpassé, toujours à Marseille, les premiers entraînements sont programmés le dimanche au parc voisin de Font Obscure. Et à La Farandole à Istres, l’équipe organise des ateliers santé mensuels, des sessions de marche hebdomadaires et de plus longues balades tous les 15 jours.

« L’idée, ce n’est pas la performance, même si la perspective de la course est motivante, précise Soisic Duchemin, référente dans ce centre social. Mais c’est de prendre du plaisir, d’évacuer aussi. Et d’avoir la fierté d’avoir accompli quelque chose dont elles ne pensaient pas être capables. Ou d’avoir aidé les autres à y arriver, pour les plus sportives. Le mot « course » au démarrage leur fait peur. Elles s’imaginent que marcher 5 kilomètres – puisqu’on peut choisir de courir ou de marcher à La Marseillaise des femmes – c’est énorme. Puis elles voient assez rapidement que c’est réalisable.»

Reprendre confiance en soi

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Les femmes profitent aussi de cette journée de partage pour se faire masser. © Audrey Savournin

Habituée de « Je cours donc je suis », elle rempile chaque année. « Ça nous permet d’aborder la question du sport et de la santé dans un projet global, avec un groupe intergénérationnel, explique-t-elle. Pour certaines, ce programme permet de rompre l’isolement, pour d’autres de reprendre une
activité sportive. Ça les aide aussi en termes d’estime de soi, parce qu’on a beaucoup de femmes meurtries par la vie. C’est le plus flagrant je crois, on le voit dans la posture de chacune. Elles ont souvent soif de poursuivre, elles s’épanouissent, trouvent une place au sein du groupe. » Et sont rassurées de ne plus être seules.

Ensemble, à la Friche Belle-de-Mai, elles osent profiter des différents ateliers mis en place par l’UCS 13 en cette journée de partage, de rencontres et de liberté. Se lancer sur le parcours sportif, danser sur les afro vibes, se faire masser ou encore participer à des échanges avec le Planning familial. « Ça
leur permet de découvrir des activités vers lesquelles elles n’iraient pas comme la boxe ou le vélo. Elles vont essayer plus facilement », précise Soisic Duchemin.

En quête de bien-être

Manigbé participe pour la première fois, avec le centre social Malpassé (Marseille) pour qui c’est aussi une première. Et elle en profite pleinement. « Avant d’avoir mes enfants, je faisais des activités. En Guinée, je faisais souvent 15 ou 20 kilomètres à pied. Mais ça faisait longtemps que je n’avais plus dansé ou fait du vélo », glisse timidement cette jeune femme de 26 ans, qui a même essayé la boxe qui effraie les participantes. « Ça fait du bien de faire de l’exercice, ça vide la tête. »

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Parmi les ateliers proposés à la Friche Belle-de-Mai, le vélo remporte un franc succès. © Audrey Savournin

Ce ne sont pas les inséparables Djida et Christiane, accompagnées par le centre social des Flamants (Marseille), qui diront le contraire. « On est toujours partantes ! lance la première, âgée de 72 ans. Avec six enfants je n’avais pas le temps, mais maintenant je suis plus libre. On marche
beaucoup, ça nous permet d’être dehors, de respirer, ça nous apporte du bien-être ! On veut vieillir en bonne santé ! »

Christiane acquiesce, tout sourire. L’octogénaire vient d’enchaîner quelques tours de roue. Non sans mal. « C’est dur quand même ! Je n’avais plus fait de vélo depuis au moins 30 ans ! Quand j’étais jeune j’en faisais, puis je me suis mariée et mon mari n’a plus voulu que j’en fasse. » Désormais veuve, elle multiplie les activités.

Rendez-vous à La Marseillaise des femmes

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Lors de La Marseillaise des Femmes 2023, l’UCS 13 a remporté le prix du plus grand groupe avec plus de 300 personnes inscrites. © DR

Les deux années précédentes, elle n’était pas là pour La Marseillaise des femmes. Mais elle espère bien pouvoir prendre le départ de la course cette année. D’autant que Djida en parle avec beaucoup d’enthousiasme. Fière d’y avoir participé et d’avoir été prise en photo. « On est souvent le plus grand groupe, on monte sur scène, elles récupèrent une coupe, témoignent, nous éclaire Pascale Balian, c’est valorisant. » ♦

Bonus
  • L’Union des Centres Sociaux des Bouches-du-Rhône. L’Union des Centres Sociaux des Bouches-du-Rhône (UCS 13) soutient et accompagne l’évolution de 52 centres sociaux (dont 28 à Marseille) et trois espaces de vie sociale de son territoire. Tous adhérents volontaires. Ces centres sont majoritairement gérés par des associations d’habitants appuyés par des équipes de professionnels. L’UCS 13 est membre de l’Union Régionale des fédérations des centres sociaux Paca.
  • L’appel à projets Impact 2024. Créé à l’approche des Jeux olympiques, le Fonds de dotation Paris 2024 attribue le label Impact 2024. Il soutient des projets d’intérêt général qui utilisent l’activité physique et sportive comme outil d’impact social.
  • La Marseillaise des Femmes. Cette course (ou marche) de 5km réservée aux femmes (et aux hommes participant avec une femme) est née en 2010 et aura lieu le 26 mai prochain. Elle véhicule « des valeurs sportives, festives et de bien-être, dans un esprit solidaire ». Le parcours court, au cœur de Marseille, doit permettre au plus grand nombre de participer. Par ailleurs, l’événement soutient la défense des droits des femmes et la recherche médicale sur le cancer du sein.
  • L’Algernon. Cette course inclusive et intergénérationnelle mêle sportifs valides et en situation de handicap sans distinction aucune. Elle offre la possibilité de choisir entre trois parcours « vue sur mer » de 5, 10 et 15 km. Ce qui la rend accessible aux sportifs occasionnels comme confirmés, les
    5km pouvant être réalisés en marchant. Elle est programmée le 13 octobre prochain pour sa 40e édition.