Société

Par Agathe Perrier, le 30 avril 2024

Journaliste

L’accueil familial plutôt que l’Ehpad ou l’institut spécialisé

L’accueil familial est une pratique encadrée par la loi depuis une trentaine d’années en France © Pixabay

Les personnes âgées ou en situation de handicap n’ont souvent que deux options d’hébergement à leur disposition : le domicile ou un établissement collectif. Il existe toutefois des alternatives, dont l’accueil familial. Une solution « comme à la maison » qui se veut chaleureuse, stimulante et source de bien-être.

Le nombre de personnes âgées est en constante augmentation en France ces dernières décennies. Une tendance qui devrait se poursuivre : si 9% de la population a plus de 75 ans aujourd’hui, ce devrait être 16% d’ici 2052, selon les prévisions de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques). Une grande majorité de ces seniors – 85% d’après un sondage IFOP datant de 2019 – souhaite vieillir à domicile. Mais lorsque ce n’est plus possible, l’unique solution qui s’impose souvent est celle de l’hébergement collectif spécialisé, du type Ehapd. Idem pour les adultes en situation de handicap.

Or, il existe une autre option : l’accueil familial, encadré depuis une trentaine d’années en France (lire bonus). « C’est un dispositif pourtant peu connu », regrette Florent Ury, directeur de l’innovation sociale et porte-parole de CetteFamille. Cette entreprise sociale et solidaire, créée en 2016, se charge justement de le promouvoir, en mettant en relation accueillants et futurs accueillis. « L’accueil familial présente de vrais avantages. Pour les personnes âgées ou en situation de handicap, c’est une façon de vivre comme à la maison, dans un cadre de vie chaleureux. Ils deviennent presque des membres à part entière de la famille », souligne-t-il.

Lire aussi l’article « Contre la solitude de nos aînés, de nouvelles façons de cohabiter »

Un lien fort

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Sabine et Sylvaine sont hébergées par Fatiha depuis respectivement près d’un an et 13 ans © Agathe Perrier

Des termes employés mot pour mot par Fatiha. Accueillante familiale, elle vit avec Sylviane depuis treize ans. Soit depuis qu’elle a obtenu l’agrément nécessaire pour exercer ce métier, que dispense le Conseil départemental (bonus). « Je me suis tout de suite attachée. Et une fois que le lien s’installe, on ne voit plus les difficultés et la personne devient un membre de la famille », confirme ainsi cette élégante Gardannaise (commune des Bouches-du-Rhône). En situation de handicap, Sylviane manque d’autonomie et Fatiha est donc là en permanence pour l’aider. Dans les tâches du quotidien, pour l’amener sur son lieu de travail – elle occupe un poste à temps partiel dans un établissement spécialisé (Esat) – ou à ses rendez-vous médicaux. « Quand je vois son sourire, c’est une belle récompense », apprécie l’accueillante.

À l’automne dernier, Sabine est venue s’ajouter au foyer. L’appartement de Fatiha disposant de trois chambres, elle a obtenu un agrément supplémentaire afin d’héberger quelqu’un de plus. Qu’elle a mis deux ans à trouver. « J’ai rencontré plein de personnes. Mais soit mon logement ne convenait pas, parce qu’elles étaient en fauteuil roulant par exemple, soit ça ne matchait pas. Le relationnel est très important et je voulais quelqu’un avec qui Sylviane et moi pourrions nous entendre », précise-t-elle.

Des difficultés au quotidien

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Le côté humain du métier d’accueillant familial est ce qui anime Fatiha depuis plus de 10 ans © AP

Le côté humain est justement ce qui l’anime dans ce travail. Et compense les difficultés du quotidien. « Il n’y a pas d’horaire qui acte la fin de la journée. La charge mentale est très forte », souffle Fatiha. Il s’avère par ailleurs compliqué de prendre des vacances car, dans ce cas, il lui faut un(e) remplaçant(e). À rétribuer soi-même. Or, le salaire d’un accueillant familial n’est pas élevé. « Le statut est assez précaire », appuie Florent Ury. « Les deux parties sont liées par un contrat qui fait de l’accueilli l’employeur de son accueillant. Cela signifie qu’il n’est pas salarié d’une structure et n’a donc pas les avantages liés. Et si l’accueilli s’en va, l’accueillant n’a plus de salaire », relève-t-il.

Côté revenu, Fatiha indique toucher 2 000 euros par mois par personne accueillie, soit 4 000 euros au total. Une somme avec laquelle elle doit subvenir à leurs besoins et aux siens. Les trois quarts partent dans les factures et les besoins alimentaires, si bien qu’il ne reste pas grand-chose au trio pour se faire plaisir. Ce que déplore l’accueillante, compte tenu de l’utilité et la valeur de son métier. D’autant qu’en plus d’offrir un accompagnement aux personnes âgées et en situation de handicap, l’accueil familial se révèle l’alternative la moins onéreuse. Selon les calculs de CetteFamille, le reste à charge mensuel constaté est en moyenne de 1078 euros, contre 1784 euros en cas d’hébergement dans un Ehpad public et 2615 euros dans un privé.

Lire aussi l’article « Une maison partagée entre valides et handicapés »

Nécessaires alternatives

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Parmi les passe-temps favoris de Sylvaine : le coloriage © Agathe Perrier

Malgré son manque de notoriété, l’accueil familial rencontre du succès. « C’est une solution plébiscitée lorsqu’elle est connue », glisse Florent Ury. Ainsi, sur les 10 000 places recensées chez CetteFamille, 95% sont occupées d’après ses chiffres. Et généralement sur un temps long. « Les raisons pour lesquelles une personne quitte une maison sont les mêmes que dans les familles classiques, et souvent c’est à cause de la perte d’autonomie », souligne Fatiha.

Face à l’embouteillage et au besoin croissant d’hébergement, d’autres solutions émergent. Dont la colocation, qui a particulièrement le vent en poupe ces dernières années. CetteFamille dispose d’ailleurs de 40 maisons dans son réseau, destinées uniquement à l’accueil des seniors. « On a le rôle de facilitateur de vie partagée : on gère la maintenance, l’animation, le lien avec le service d’aide à domicile », énumère le porte-parole. D’autres sont aussi ouvertes à des personnes en situation de handicap (notre reportage à lire ici). De bonnes (et nécessaires) alternatives pour que chacun puisse trouver son havre de paix. ♦

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Bonus

[pour les abonnés] –  L’accueil familial, une pratique ancienne – Devenir accueillant familial – Trouver une famille d’accueil –

# L’accueil familial, une pratique ancienne – Elle est inscrite dans la loi depuis le 10 juillet 1989 (mis à jour en 2002). Cette législation est venue donner un cadre à cette pratique bien plus ancienne. « Déjà durant la Révolution, le comité de mendicité préconise, si l’on ne peut faire appel à la famille, de confier les vieillards nécessiteux à une famille d’accueil à condition qu’ils aient plus de 60 ans et moyennant une pension », comme l’explique Valérie Balland dans un article sur l’histoire de l’accueil familial, paru en 2006 dans la revue Actualités Sociales Hebdomadaires. Plus d’historique en cliquant ici.

# Devenir accueillant familial – Il faut demander l’agrément auprès de son Département, qui est l’institution compétente sur ce sujet. Plusieurs conditions sont à remplir, principalement concernant le logement. Sinon, il n’y a pas de profil ou d’expérience particuliers à présenter. L’agrément est accordé pour une période de cinq ans, renouvelables. Des contrôles sont régulièrement opérés par les services départementaux. Plus d’informations en cliquant ici.

# Trouver un accueillant familial – Outre CetteFamille, d’autres structures mettent en relation accueillants et potentiels accueillis. À l’instar de Famidac, MonSenior ou encore Famillys. Il est aussi possible d’obtenir des informations en se rapprochant des services de son département.