Solidarité

Par Olivier Martocq, le 14 août 2024

Journaliste

Michael Bodegas, champion de water-polo social

« Je me dis : oui, j'ai réussi, j’ai un bagage, une expérience, une petite notoriété… Il faut que ça serve à d’autres » ©DR

[Héros Du Quotidien] En mai 2024, il a été une nouvelle fois sacré champion de France de water-polo avec le Cercle des Nageurs de Marseille. À 36 ans, il vient de participer aux JO. Si le stage actuel avec l’équipe de France se passe bien, en juillet il participera donc à ses troisièmes olympiades. Voilà pour la carte de visite du sportif. Mais ce père de famille n’oublie pas qu’il est issu d’un milieu populaire. Alors, à côté de la pratique intensive de son sport, il multiplie les engagements, notamment auprès des jeunes.

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« On est dans la lessiveuse. C’est très dur physiquement, même pour nous les six Marseillais qui avons fini le championnat en fanfare le 17 mai avec notre titre de champion de France ». Michael Bodegas est en ce moment en stage au Canet-en-Roussillon, avec les 19 autres joueurs présélectionnés de l’équipe de France de water-polo.

Les Bleus, en progrès constants ces dernières années, rivalisent désormais avec les meilleures nations et rêvent de remporter une médaille à domicile, dans la foulée d’une historique quatrième place aux derniers Mondiaux. À l’issue de ces semaines intensives, seulement treize d’entre eux monteront à Paris, où se dérouleront les matchs de ce sport plutôt méconnu du grand public. Pour faire simple, une version aquatique du handball. « On est à la fois soudés, amis et… adversaires, car les places pour être dans l’équipe aux JO sont chères », résume celui qui brigue la place de pivot.

Un projet familial

Ils ne sont que deux dans l’équipe à avoir des enfants. À la fin de cette première cession intensive de douze jours dans les Pyrénées-Orientales, les familles seront conviées à rejoindre les athlètes pour de petites vacances. Un moment important pour Michael Bodegas. « Avec ma femme et mes deux enfants on a construit ce projet, ensemble. Je suis déjà médaillé olympique (en bronze, à Rio sous les couleurs de l’Italie nationalité d’origine du côté maternel). J’ai déjà participé à deux olympiades. Ils savent les efforts que ça demande, notamment au niveau de notre vie familiale. Elle se réduit en raison des heures et des heures d’entraînements, désormais loin de Marseille. Puis de cette compétition qui va m’accaparer à 200% ».

Les épreuves de water-polo auront lieu du 27 juillet au 11 août à Paris. « Nous faisons partie des rares sportifs qui vont vivre longtemps au village olympique. La plupart des disciplines se disputent sur quelques jours ».

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Michael Bodegas, water-poliste du Cercle des Nageurs de Marseille ©DR

Un environnement sportif propice

Fondé en 1921, le Cercle des Nageurs de Marseille est une fabrique à champions. Que ce soit en natation avec des Laure et Florent Manaudou, Fabien Gilot, Frédérick Bousquet, Camille Lacourt ou William Meynard… pour n’évoquer que les plus récents. Et en water-polo, avec 41 titres de champion de France. Le secret de ce succès ? Pour Paul Leccia son président, « ceux qui signent une licence au cercle entrent dans une famille. C’est un état d’esprit ! ». Au-delà de la compétition, le CNM s’est lancé ces dernières années dans des actions tournées vers les jeunes, en ouvrant ses installations à l’apprentissage de la nage. Une très bonne chose pour Michael Bodegas, qui se reconnaît dans ce type d’initiative.

« Moi, j’ai grandi ici, à Marseille, dans un quartier populaire. Et mon terrain de jeu, ça a toujours été, à partir d’avril, la mer depuis la Corniche ou la plage des Catalans que surplombe le CNM. Un club où je n’imaginais pas pouvoir entrer. Un test, un encadrant qui me repère, du travail et l’envie ont fait le reste. Mais tout n’a été possible que parce que la structure existait et qu’on m’a donné ma chance »

Renvoyer l’ascenseur

36 ans est un âge avancé dans le sport de haut niveau. Même s’il est concentré à 1000% sur les JO, Michael Bodegas pense aussi à l’après-carrière. « Je me dis : oui, j’ai réussi, j’ai un bagage, une expérience, une petite notoriété… Il faut que ça serve à d’autres, à des causes ». Alors il fait le tour des écoles pour inciter les enfants à découvrir le sport en général « parce que c’est un élément structurant » et plus particulièrement le sien qui, comme le rugby ou le handball, se construit sur des valeurs de partage. « Seul on n’est rien. C’est le collectif qui prime ».

Le water-poliste prête volontiers son image et son nom à des associations qui se démènent pour que tous les Marseillais, à commencer par les plus jeunes, sachent nager. « Qu’il n’y ait pas suffisamment de piscines municipales c’est une chose. Mais dans une ville en bord de mer, que l’on ne développe pas des équipements simples sur les plages pour apprendre à nager c’est incompréhensible ».

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Le champion milite pour que tous les jeunes apprennent à nager ©DR

Des aires de water-polo, des calanques propres, une mer sauve…

Il milite également pour que des aires de water-polo soit mises en place en bordure de plage « sur le modèle du beach-volley ». Une requête qui l’a amené à rejoindre l’association Marseille capitale de la mer.

Au-delà de ce qui touche directement à son univers sportif, Michael Bodegas est engagé au sein de structures de défense de la biodiversité et de sauvegarde de la mer, comme l’association Le Grand Bleu. Il participe aussi à de multiples actions concrètes comme le nettoyage des calanques. Une grande partie de la page qui va s’ouvrir sera dédiée à mes engagements. Car j’ai bénéficié de l’ascenseur social et compte bien le renvoyer ! ♦

[cet article a été initialement publié le 31 mai 2024]
Bonus

[pour les abonnés] – Les règles du water-polo – Un sport co déjà ancien –

  • Les règles du water-polo. Le water-polo voit deux équipes de sept joueurs s’affronter dans une piscine dont les dimensions peuvent varier entre 20x10m et 30x20m (la FINA demande des dimensions de 30x20m pour les matchs masculins, et 25x20m pour les matchs féminins). Les matchs sont joués en quatre périodes de huit minutes chacune. Les joueurs, à l’exception du gardien, ne peuvent toucher le ballon que d’une main. Une possession dure 30 secondes : si l’équipe n’a pas attaqué au bout de ces 30 secondes, le ballon passe à l’adversaire.

Le water-polo est un sport physique où les contacts sont autorisés avec les joueurs qui ont le ballon. Le physique, l’endurance et la puissance sont donc d’une importance capitale pour les joueurs. Ainsi qu’un certain sens tactique comme dans chaque sport collectif.

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  • L’histoire du water-polo. C’est l’un des sports collectifs les plus anciens des Jeux olympiques de l’ère moderne, puisqu’il fait son entrée au programme olympique en même temps que le rugby en 1900. D’abord sous la forme d’une compétition entre clubs, puis d’un tournoi entre pays à partir de 1908. Les femmes n’accèderont cependant aux Jeux olympiques qu’un siècle plus tard à partir des Jeux de Sydney, en 2000.

Les pays européens exercent une domination sans partage sur le palmarès olympique masculin du water-polo, ne laissant échapper aucun titre depuis 1908. La Hongrie domine principalement ce palmarès, avec un total impressionnant de neuf titres olympiques. En revanche, le palmarès féminin ne se dirige pas vers une telle hégémonie du vieux continent. En effet, en six éditions les Etats-Unis ont remporté les trois derniers tournois à Londres en 2012, Rio en 2016 et Tokyo en 2021.

Aux JO de paris 10 équipes chez les femmes, 12 équipes chez les hommes vont s’affronter soit 264 athlètes au total. Les équipes de France sont qualifiées.