Un podcast contre l’isolement des personnes âgées

Retraite, revenus moindres, décès de proches, perte d’autonomie… En avançant dans l’âge, la vie sociale se réduit bien souvent. En France, deux millions de personnes âgées de 60 ans et plus sont isolées de leur famille et de leurs amis, selon les chiffres du ministère chargé de l’Autonomie publiés en 2021. Parmi elles, 530 000 ne rencontrent quasiment jamais d’autres personnes. Ce qui a de lourdes conséquences, sur la forme physique et la santé psychique. Pour réduire l’isolement et la perte d’autonomie, l’association marseillaise Echoes propose des ateliers radiophoniques destinés aux aînés.

Petit à petit, la salle de la Maison du Bel Âge Cantini à Marseille, se remplit. Après avoir pris des nouvelles des uns et des autres, Paul, Danièle, Muriel, Evelyne, Roselyne et Bernard retrouvent leur place autour de la table. Derrière des micros auxquels ils ne prêtent guère attention. C’est parti pour leur deuxième atelier radiophonique « La boîte à souvenirs », proposé par l’association Echoes (voir bonus), en partenariat avec le Conseil général des Bouches-du-Rhône. Une action visant à lutter contre l’isolement, prévenir la perte d’autonomie et mobiliser la mémoire. Tout en favorisant le lien intergénérationnel.

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Léonie Gobion, l’animatrice de ces sessions, accueille ses aînés chaleureusement. Et ils le lui rendent bien. Surtout Paul qui est ravi de « prendre une femme dans [s]es bras ». Il lui montre les livres racontant le quartier qu’il a ramenés pour nourrir leurs récits. Ce qui fait dire à Danièle, taquine : « Tu lui donnes des bouquins qui datent de l’an pèbre ! Elle ne les connaît pas la petite ! En plus, elle n’est pas d’ici. » Et d’ailleurs peu importe. Car Léonie n’est là « que » pour structurer un minimum les échanges, accompagnée ce jour-là de Joshua Compagnon, un membre de l’association. L’idée étant que chacun partage les lectures, souvenirs ou anecdotes qui lui tiennent à cœur. Et qu’il voudrait surtout voir transparaître dans le podcast qui racontera leur quartier. Un épisode que réalisera ensuite Léonie et qu’elle leur présentera lors de la cinquième et ultime séance.

Remplir “La boîte à souvenirs”

Déjà expérimenté à la Maison du Bel Âge du Panier (voir bonus), toujours à Marseille, en novembre dernier, ce format doit permettre à des retraités de raconter leur quartier en quatre ateliers d’une heure. Lors du premier, ils choisissent les lieux dont ils veulent parler. Puis ils s’écoutent, rebondissent, réagissent au gré des photos déballées ou des textes entendus. Les micros sont ouverts en permanence, ce qui permet une discussion totalement naturelle. À l’issue de chaque rendez-vous, l’animatrice les oriente vers les éléments qu’ils pourraient ajouter la fois suivante. « Les participants sont là pour s’écouter, dans un monde où le dialogue est abîmé, pour recréer du lien, insiste Natacha Cousin, co-fondatrice d’Echoes. On construit toujours avec eux, on les laisse choisir leur thématique. Dans ces ateliers, comme en Ehpad. »

Des ateliers en Ehpad

Car depuis 2022, Echoes est également intervenu régulièrement à l’Ehpad Roger-Duquesne d’Aix-en-Provence. Grâce à une campagne de crowdfunding et un appel à projets lancé par le Conseil départemental. La collaboration a donné lieu à des émissions sur des thématiques variées comme le cinéma, l’amitié, la fête ou les souvenirs d’enfance. Mais aussi à des interviews d’artistes par les résidents et à des échanges avec le pianiste Frédéric Isoletta, en partenariat avec le Grand Théâtre de Provence. Et même à une fiction sonore ! « C’était leur choix, sourit Natacha Cousin. C’est très ludique. On a fait un brainstorming, puis ils ont tricoté et improvisé. On a ajouté une voix off et des bruitages. Ça a donné une enquête policière dans laquelle ils ont interviewé la coiffeuse de l’Ehpad notamment ! »

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Un résultat dont ils n’étaient pas peu fiers. « Une émission de radio, ça fait pro. C’est valorisant pour eux d’écouter le rendu final. Ils peuvent la partager avec leur famille, se dire qu’on les écoute à l’extérieur… poursuit-elle. Nos ateliers favorisent les relations sociales, stimulent, suscitent des discussions plus poussées parce qu’il n’y a pas de jugement. La parole n’est pas du tout bridée et même des résidents atteints d’Alzheimer y assistent parfois. Les participants apprennent à se connaître au-delà de quelques discussions du quotidien. »

Des découvertes et surtout des rencontres

C’est ainsi qu’à la Maison du Bel Âge Cantini, Paul a découvert que Bernard avait fait sa carrière à l’hôpital Ambroise-Paré… Où travaillait sa belle-fille. « Ces ateliers, c’est l’occasion de se rencontrer, estime d’ailleurs Bernard. On est quasi voisins et on ne se connaît pas. » Paul acquiesce et renchérit : « Je suis tout seul, j’ai besoin de contacts. » Pas étonnant donc que les discussions s’éternisent une fois les micros fermés et le matériel d’enregistrement rangé. Et que tous réclament des séances d’une heure et demie ! ♦

♦ Pour écouter les podcasts, c’est ici !

Bonus

• Echoes. L’association Echoes est née d’un projet monté par cinq étudiants dans le cadre de leur master de Management Culturel à l’IMPGT (Institut de Management Public et Gouvernance Territoriale) d’Aix-en-Provence, début 2021, à la sortie du Covid. Marqués par l’isolement des personnes âgées pendant le confinement, les restrictions dans les lieux culturels et donc la perte de sociabilité, ils ont choisi de mener un projet solidaire avec les Ehpad. Deux d’entre eux, Natacha Cousin et Barbara Rouveyrol, dirigent aujourd’hui bénévolement l’association. Les intervenants sont quant à eux rémunérés.
• Appel à bénévoles. Echoes est une petite association qui cherche encore des bénévoles. Que ce soit pour la gestion de la structure ou pour l’animation des interventions. N’hésitez pas à les contacter : association.echoes@gmail.com
  

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• Les Maisons du Bel Âge. Pour lutter contre l’isolement, assurer une veille sanitaire, proposer des animations et accompagner les plus de 60 ans dans leurs démarches administratives, le Département des Bouches-du-Rhône a ouvert 45 Maisons du Bel Âge depuis 2017. Au 1er octobre 2023, elles avaient traité près de 320 000 demandes et comptaient près de 32 000 inscrits.