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Des Jeux olympiques moins carbonés et plus sobres, ça existe ?
En 2023, la coupe du monde de rugby en France a généré 830 000 tonnes de CO2 équivalent. Soit l’impact annuel de 90 000 Français. Pour limiter l’impact de Jeux olympiques et paralympiques, des « actions ambitieuses » pourraient être imaginées au niveau des déplacements des supporters et des athlètes, notamment.
Après un long parcours, la flamme olympique est arrivée à Paris le 14 juillet, à onze jours de la cérémonie d’ouverture des JO. Pour cette édition, plus de 10 000 athlètes sont attendus, avant les sportifs paralympiques fin août. Cela fait des mois que les organisateurs parlent d’olympiades « responsables », « sobres », mais tout autant « spectaculaires ». Vœu pieux ? Depuis l’édition d’hiver de Salt Lake City en 2002, la soutenabilité des JO n’a cessé de se dégrader, d’après une étude parue il y a trois ans dans la revue scientifique britannique Nature Sustainability.
C’est que les compétitions internationales de sport ont un fort impact carbone, notamment en raison des déplacements qu’elles engendrent (lire bonus). Par exemple, d’après le cabinet de conseil EY, la coupe du monde de rugby en France en 2023 a généré 830 000 tonnes de CO2 équivalent (pour le foot, en bonus). Soit l’impact annuel de « 90 000 Français ». Or, 84% de l’empreinte carbone du tournoi était liée aux déplacements de visiteurs venus de pays étrangers. Plus précisément, « 58% de ces émissions (ont été) générées par les 12% de visiteurs non européens et leurs accompagnateurs ».

Paris 2024 : un bilan carbone meilleur qu’à Londres
Qu’en est-il des Jeux de Paris ? Le 12 juillet, Tony Estanguet, le président du Comité d’organisation des Jeux olympiques & paralympiques de Paris 2024 a annoncé que « 8,6 millions de billets » avaient été vendus pour les JO (et « plus d’un million » pour les Jeux paralympiques). « Le record de vente des Jeux d’Atlanta en 1996 a été dépassé », s’est félicité l’ancien champion.
Les auteurs d’une étude des Shifters avaient estimé en juin dernier que l’Île-de-France devrait compter durant l’événement entre 2,3 et 3,1 millions de visiteurs. Parmi eux, un tiers devraient être issus d’un pays étranger. Soit environ 770 000 visiteurs non-français, dont 300 000 extra-européens. « Ces derniers forment le plus petit groupe de spectateurs, explique Alexis Lepage, expert carbone du cabinet Sami ayant participé à l’étude des Shifters. Mais ils vont générer 83% des émissions des Jeux liées au transport, dans la mesure où leur trajet s’effectue naturellement en avion. »

Les organisateurs ont calculé que 1,58 million de tonnes de CO2 équivalent devraient être émises durant ces semaines de sport, contre 3,3 millions lors de l’édition de Londres en 2012. Une différence qui s’explique principalement par le fait que la France bénéficie d’infrastructures déjà existantes (à l’exception de trois sites, dont la piscine olympique et le village des médias, en Seine-Saint-Denis). « C’est une bonne note, souligne Alexis Lepage. Cependant, rien n’a été prévu pour limiter les émissions carbone relatives aux déplacements. Or, ils représenteront une part non négligeable du bilan carbone. » Pas si surprenant, dit-il, puisque « l’idée des Jeux a toujours été d’accueillir toujours plus de spectateurs dans le but de générer toujours plus de revenus ».
Des athlètes qui donnent l’exemple
Pour autant, il est tout de même possible de limiter l’impact de ce type d’événements, en mettant en place « des initiatives ambitieuses » au niveau des déplacements. En premier lieu, il est envisageable d’inciter les athlètes à utiliser des modes de transport bas-carbone. Les équipes n’utilisent certes pas de « char à voile » pour se rendre à un stade (pour reprendre la blague ratée d’un ancien entraîneur du PSG). Mais certaines font de plus en plus le choix du train.
Il en va ainsi des athlètes britanniques, belges et néerlandais qui ont opté par exemple pour un trajet en Eurostar afin de se rendre aux JO. « Il s’agit d’une petite part des sportifs, glisse Alexis Lepage. Mais c’est bon pour le symbole. Et utile afin de développer des imaginaires positifs. » L’équipe de France de football s’y est aussi (un peu) mise, de son côté (bonus). « C’est intéressant de voir des joueurs comme Mbappé ou Griezmann dans le train. Cela peut donner envie à de nombreuses personnes de sauter le pas », note Alexis Lepage.
♦ Lire aussi : Once upon a train espère nous détourner de l’avion
Favoriser les supporters situés à proximité des JO
Typiquement, avant le début de l’Euro 2024 en Allemagne, l‘ONG Transport & Environment (T&E) avait démontré qu’une équipe de football nationale avait la capacité de réduire de 60% ses émissions… si elle décidait de se déplacer en train ou en bus du premier au dernier match du tournoi. En rappelant, sans surprise, que les déplacements pouvaient être à l’origine de 80% des émissions totales.
Il y a le transport des athlètes et des staffs, et puis celui des fans, qui génère le plus gros de l’empreinte carbone. Alexis Lepage propose pour y remédier de « limiter le nombre de supporters étrangers extra-européens à 1% des visiteurs ». « Déplacer des gens d’aussi loin pour une période aussi courte n’est pas soutenable au vu des limites planétaires qu’on a franchies. » Mais peut-on vraiment interdire à des supporters de se rendre au bout du monde pour suivre leur équipe et ainsi les priver de spectacle ? Le co-auteur de l’étude des Shifters fait oui de la tête. « Ce type d’événements sportifs n’est pas ouvert à tout le monde. La plupart des supporters restent chez eux et n’ont pas les moyens de s’offrir le trajet en avion et les nuits d’hôtel. Seuls les plus riches se déplacent et sont responsables de la majorité des émissions carbone… »

Les fan zones décentralisées
Selon le rapport des Shifters, les organisateurs de Jeux plus sobres pourraient concentrer leur effort de communication aux résidents des pays limitrophes. Leur réserver en particulier la grande majorité des billets. En les encourageant, en outre, à ne pas sortir leur véhicule personnel et ne pas prendre l’avion. Durant l’euro 2024 en Allemagne, comme l’a repéré T&E, la Deutsche Bahn a typiquement proposé des tarifs réduits aux détenteurs de billets. De quoi les inciter à aller au match en passant par la gare. « De même, suggère Alexis Lepage, on pourrait imaginer que des supporters, pour se rendre aux JO, prennent le même train que des athlètes de leur pays, ce qui favoriserait ainsi des rencontres en marge de Jeux olympiques… »
Lui mentionne aussi l’idée de créer « des fan zones décentralisées » dans certaines régions. De quoi permettre à des supporters qui ne peuvent pas venir à la compétition autrement qu’en avion de se rassembler… sans quitter leur pays. Avantage : leurs dépenses seraient nécessairement moindres. « Ce serait comme un festival de musique, on y suivrait les rencontres sportives, et on en profiterait pour découvrir la cuisine du pays organisateur, des artistes aussi, via des concerts… » Cela offrirait par ailleurs la possibilité de « répartir les recettes » générées durant l’événement sportif un peu équitablement… En sachant bien, que de toute façon, il n’y a pas d’événements sportifs neutres en carbone. ♦

Bonus
- L’impact carbone des déplacements liés au sport. Il en va de même dans le sport autant professionnel qu’amateur, le think tank The Shift Project l’a étudié. Selon ce dernier, « les émissions des manifestations sportives professionnelles (football et rugby) représentent les émissions annuelles d’environ 31 000 Français ». 70% des émissions sont dues au transport des spectateurs. Deuxième poste d’émission : l’alimentation (8%).
- L’impact carbone du foot. La coupe du monde de rugby en France en 2023 a généré 830 000 tonnes de CO2 équivalent. C’est toutefois dix fois moins que la coupe du monde de foot au Qatar, responsable de 6 millions de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre. À titre de comparaison, l’Euro 2016 en France avait été responsable de 2,8 millions de tonnes de CO2.
- Pour se rendre à Metz afin de jouer le Luxembourg en juin dernier, les Bleus ont pris le train… Mais sont tout de même rentrés par les airs, en vue de gagner 30 minutes, a expliqué Michael Ferrisi, l’auteur du blog