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À bord de sa Rosalotte, Gaylord prône le temps de vivre
Gaylord parcourt les villes du sud-est de la France en tractant sa roulotte grâce au vélo trike sur lequel il pédale. Avec dix euros en poche par jour, il entend ralentir le rythme imposé par la société et se rapprocher de la nature. Ainsi que des gens, en les invitant à échanger entre eux et sur le sens de la vie. Rencontre.
Il est passé par ici. Il va bientôt passer par là. Arles, Avignon, Montélimar dans les escales de mai. Agde, Aigues-Mortes ou encore Palavas-les-Flots en juin. Un tour par le lac du Salagou et à Lodève début juillet… L’emploi du temps de Gaylord est chargé. Au moins jusqu’en septembre. Le trentenaire fait le tour des villes du sud-est de l’Hexagone avec sa Rosalotte, petite roulotte de 300 kg qu’il tracte en pédalant, installé sur son vélo-trike-couché sans assistance électrique.
Ralentir et se reconnecter
Que l’on ne se méprenne pas. Ce ne sont pas des vacances bien que ce soit l’été et que l’Angevin d’origine soit détendu et pleinement maître de son temps. Le périple qu’il a engagé sert à bien des égards. Le voyageur entend ralentir la course effrénée qu’impose la société et (re)découvrir le monde environnant. Prendre le temps de vivre est devenu son leitmotiv et c’est également celui qu’il souhaite transmettre aux personnes qu’il rencontre.
Avant de passer la plupart des mois de l’année sur la route, Gaylord a exercé plusieurs métiers, de commercial à serveur en passant par conducteur de poids lourds. « Je souhaitais reconnecter avec la vie et le rythme naturel du temps qui n’est pas celui de la vitesse excessive à laquelle nous nous soumettons », raconte-t-il. « Je voulais décider quoi faire de mon temps sans le sacrifier à des choses qui ne font pas avancer, qui n’ont pas de sens ».

Une façon de voyager économique et écologique
Dans son quotidien passé, Gaylord se sentait comme un mouton qui suit le mouvement de masse sans en comprendre les tenants ni les aboutissants. Avec la sensation de gâcher son existence. « Je voulais arrêter tout cela, ralentir avant de me prendre un mur à un moment donné. Certains vont droit dedans et lorsqu’ils se réveillent enfin, ils ont la sensation d’être passés à côté de tout ».
Sans pour autant tourner le dos au monde, ni s’isoler loin de ses contemporains, Gaylord change alors de cap. Il entreprend de voyager léger, avec peu de moyens, avec une habitation confortable dans un minimum d’espace. Construire une roulotte s’impose vite. « Il n’était pas question que ce soit un cheval ou un âne qui tractent l’embarcation. Le cycle m’a paru une évidence ». L’Angevin adopte le vélo couché à trois roues. Une façon économique et écologique de bouger. « Ma force de mouvement est dans mes jambes ».
Pour parfaire ses desseins, il s’inspire notamment de Félix*, un Bisontin qui voyage avec sa poule Chépa à bord d’un canoé-vélo équipé d’une caravane en bambou. « Jean-Pierre Auguste avec son vélo et sa mini-caravane, ainsi que beaucoup d’autres, ont aussi contribué à mon envie de sauter le pas. Grâce à eux, j’ai compris que c’était possible ».

Tisser du lien et des correspondances avec les cartes postales
Gaylord a entièrement pensé sa roulotte. Après un premier spécimen, il a élaboré sa maison roulante en cinq mois. Elle se compose, entre autres, de panneaux de polycarbonate découpés et soudés. « J’y ai consacré toutes mes économies ». La Rosalotte dispose du nécessaire avec de petits plus jamais superflus : panneau solaire de 50 watts sur le toit, chauffage pour l’hiver, banquette transformable en lit deux places de 2,10 m – « car je mesure 1,92 m ! », précise l’Angevin – , petit évier, bac à douche, lave-linge, toilettes sèches, garde-manger, plan de travail pour couper les légumes, réchaud-four pour les crêpes et les pizzas, dinette pour quatre personnes… Tout est optimisé. Rien ne se perd dans cet espace ambulant réduit à 3,6 m2.
Un Français consomme en moyenne 149 litres d’eau potable par jour. Gaylord s’en contente de dix. Il s’accorde 10 euros de budget à la journée et parcourt en moyenne 15 km. Deux panneaux publicitaires placés des deux côtés de l’embarcation peuvent être loués, car la Rosalie est aussi l’ « entreprise », le gagne-pain de son concepteur. « J’ai édité un livre sur mon périple de 2021 que je vends ». Par ailleurs, le voyageur propose des conférences dans lesquelles il raconte son choix de vie et son vécu.
Les prestations de Gaylord se déclinent également en ateliers d’écriture. « J’invite les gens à composer quelques mots sur des cartes postales autour de la question ‘’C’est quoi pour toi la vie ?’’ ». Les participants laissent sur la carte leur adresse et ainsi se crée une chaîne avec d’autres personnes qui échangent sur le même thème tout au long des trajets de la Rosalotte. « L’objectif est de nouer des correspondances, de tisser des liens ».

Des tournées bien remplies
Dans toutes ses haltes, la Rosalotte ne passe pas inaperçue. On la scrute, la photographie. Pose mille et une questions à Gaylord qui y répond volontiers. « C’est un peu comme si le chronomètre s’arrêtait. Les gens prennent le temps de se parler, de réfléchir. Les liens se tissent entre les générations. C’est tout ce qui m’importe et ce que je recherche », souligne le voyageur.
Gaylord dispose d’un pied-à-terre à côté de Lodève dans l’Hérault. Un endroit où il se repose et élabore les prochaines tournées. Celle de 2024 a démarré en avril dernier à Joyeuse en Ardèche durant le festival du voyage et de l’aventure ‘’Joyeuses Escale’’. Une commune prédestinée pour le périple de la Rosalotte baptisé ‘’Au rythme de la joie’’. À partir du 25 juillet, l’embarcation sera au Caylar pour le festival du Roc Castel. En août, Gaylord mettra les voiles sur la vallée du Tarn avec le projet de pédaler jusqu’au Mont Aigoual situé à 1700 m d’altitude. Les escales prendront fin le 22 septembre.
♦ Relire l’article : Une tournée des éco-lieux à vélo !
En projet, une autre Rosalotte et un atelier de confection
Cet hiver, le trentenaire va plancher sur la conception d’une autre Rosalotte. Plus grande et dotée d’un vélo à assistance électrique. « Le but est de la mettre en location pour du cyclotourisme autour de l’étang de Thau, entre Sète et Marseillan notamment. Histoire pour ses futurs occupants de se poser et de voir qu’il y a tout le confort dans un petit espace ».
L’Angevin envisage par ailleurs de lancer un atelier de confection de roulottes pour des voyages économes et insolites ouverts à tous. Des rêves, il le sait, on peut faire du concret. ♦

*Les aventures de Félix ont donné lieu à un documentaire ‘’Félix et Chepa’’, réalisé par Matthieu Fournier.
