CultureÉducation

Par Agathe Perrier, le 30 août 2024

Journaliste

La culture, prétexte à créer du lien dans les quartiers

Artiste pluridisciplinaire, Aziz anime des ateliers dans le cadre de ZeBus, notamment autour de la poésie © Agathe Perrier
Voilà quatorze ans que ZeBus sillonne les quartiers prioritaires d’Aix-en-Provence, affrété par l’association Le Relais des Possibles. Une camionnette qui permet d’organiser des ateliers culturels en plein air, aux pieds des immeubles. De quoi animer les sorties d’école des enfants et, surtout, aller au contact des mamans pour rompre l’isolement. Après une pause durant l’été, le dispositif revient dès cette rentrée.

C’est presqu’un rituel pour les habitants des Beissons, à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Régulièrement, après l’école, les enfants passent encore un peu de temps ensemble. Ils profitent des jeux mis à leur disposition par l’association Le Relais des Possibles ou de l’animation culturelle que propose un artiste. Un rendez-vous qui s’est instauré en 2010 dans ce quartier prioritaire, même si d’autres QPV de la capitale historique de la Provence en bénéficient aussi.

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Les sessions de Zebus sont pour les enfants un moyen de se divertir après l’école © AP

La culture sous toutes ses formes

Ainsi de la population du quartier d’Encagnane qui, depuis le printemps dernier, accueille ZeBus. En juin, par exemple, un comédien pluridisciplinaire y a passé deux heures. Malgré la météo maussade, échappant néanmoins à la pluie, Aziz a rédigé des poèmes avec une partie des minots présents, pendant que d’autres se sont essayés au lancer d’anneaux ou à des jeux de construction. Quelques semaines plus tôt, l’artiste marseillais avait proposé aux enfants et à leurs parents une activité bien différente : un lâcher de ballons biodégradables. Accroché à chacun d’eux, un mot imaginé par les habitants. « Je leur ai dit de l’écrire en pensant au fait que quelqu’un le lirait plus tard et donc à ce qu’ils aimeraient dire à cet inconnu. Les petits ne sachant pas écrire ont, eux, fait un dessin », explique-t-il.

Il y a aussi eu des ateliers en lien avec les expositions des musées d’Aix-en-Provence avec Marjolaine, médiatrice auprès de ces établissements. Et d’autres autour de la poésie et de la lecture de textes assurés par Marien, également artiste professionnel.

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Grâce à Zebus, l’association a mis en place un autre dispositif, baptisé Le lavoir © Le Relais des Possibles

Prétexte au lien social

Ces animations égayent indéniablement les fins de journée des familles. Elles sont aussi des « prétextes », dixit le président du Relais des Possibles. « L’idée est d’utiliser la pratique culturelle pour travailler sur le lien social », précise Jean-Pierre Lanfrey. Pour les enfants et surtout pour leurs mamans qui, dans ces quartiers, sont plus nombreuses que les papas à la sortie d’école. « Notre présence avec ZeBus permet de les écouter, de recueillir leur parole, de savoir ce dont elles ont besoin et ce qu’on peut mettre en place pour elles », indique Fabienne Ringue, la directrice.

C’est ainsi, au fil de ces rendez-vous réguliers autour de la camionnette, que l’association a eu l’idée de créer une laverie solidaire. Un lieu où les habitantes peuvent laver, sécher et repasser leur linge, des tâches qui se révèlent parfois compliquées chez elles de par la précarité de certains logements. « C’est venu après qu’elles aient évoqué la problématique de l’odeur de leurs vêtements, qui était devenue un frein à l’emploi. Je me rappellerais toujours de cette phrase que l’une d’elles avait dite : “Comment trouver un travail quand on pue ?” », glisse Jean-Pierre Lanfrey.

À l’instar de ZeBus, « Le Lavoir » est aujourd’hui un espace où chacun peut se confier. Évoquer ses problèmes de santé, la condition des femmes et des hommes, l’égalité entre les sexes, le mal logement, la violence parfois dans les quartiers… Et pour inciter à libérer ses mots et ses maux, des ateliers culturels y sont aussi régulièrement organisés avec des artistes.

Franc succès

En quatorze ans d’existence, la camionnette de ZeBus a aussi stationné dans les quartiers aixois de Corsi, Pinette, Jas-de-Bouffan et Saint-Eutrope. « On travaille avec les services de la mairie pour définir où aller. On vise ceux où l’offre culturelle est peu importante », expose Fabienne Ringue. L’association planifie des sessions sur une grande partie de l’année. Une pause est néanmoins programmée l’été, car « les gens ne viennent plus quand il fait trop chaud. Et les enfants sont souvent en centre aéré ou en colonie de vacances à cette période », ajoute la directrice. Le dispositif est également en stand-by généralement entre décembre et février, l’affluence étant moindre là encore, en raison de la météo cette fois.

Le reste de l’année en revanche, les habitants répondent présent. Aux Beissons, une cinquantaine de petits et d’adultes en moyenne se réunissent à chaque rendez-vous. Ils sont un peu moins nombreux à Encagnane, pas encore habitués à cette nouveauté. « Si je repasse un jour et qu’ils sont là, je resterai. C’est bien les jeux pour la créativité des enfants, mieux que regarder la télé », a apprécié Maryem, l’une des habitantes du quartier, en juin dernier. Un avis partagé par sa fille, Marwa, ravie d’être repartie chez elle avec un poème spécialement écrit pour et avec elle. Bonne nouvelle : d’autres animations les attendent dès ce mois de septembre. ♦

Bonus
  • Bilan réussi – ZeBus a touché près de 24 000 personnes depuis 2011, dont 12 320 enfants. Une centaine d’artistes ont assuré près de 800 ateliers, dans les quartiers prioritaires d’Aix-en-Provence et de la ville de Vitrolles.
  • Les missions du Relais des Possibles – Plus globalement, cette association, créée en 1983, vient en aide aux personnes ou familles en difficultés sociales et/ou relationnelles. Son but est d’éviter une rupture du lien social et/ou familial et de faciliter leur (ré)insertion par la culture. Elle gère ainsi un centre d’hébergement d’urgence pour les femmes et un hôtel maternel, à Aix-en-Provence. C’est aussi elle qui s’occupe de la bibliothèque Cézanne.