SantéSolidarité

Par Agathe Perrier, le 11 septembre 2024

Journaliste

Des balades solidaires pour se reconnecter aux autres

Le programme s'appuie sur l'intervention psychosociale par la nature et l’aventure (IPNA), démarche éprouvée de longue date au Canada © Agathe Perrier

Grâce aux balades en pleine nature du programme En passant par les calanques, des personnes en exclusion sociale retrouvent le goût du contact avec les autres. Et se découvrent aussi des capacités insoupçonnées. De quoi leur (re)donner confiance en eux et impulser l’envie d’améliorer leur bien-être.

Les calanques sont le terrain de jeu de bien des amoureux des sorties en plein air. Notamment, depuis trois ans, les participants au programme « En passant par les calanques ». Porté par l’association JUST (lire bonus), il repose sur l’idée que la nature et l’aventure aident les personnes ayant des troubles psychiques et/ou en situation d’exclusion sociale à se reconnecter aux autres.

Concrètement, ce dispositif prend la forme de deux à cinq balades par mois, la plupart du temps à la journée. Une déambulation ponctuée de « moments qui favorisent la cohésion du groupe », explique Mathieu Gervais, l’un des trois membres de l’équipe dédiée à ce projet (dont l’idée revient à Alexandra Mathieu). Comme par exemple un « speed dating » au cours duquel, le long du chemin, des binômes de discussion se forment et se déforment toutes les cinq minutes. « Ces brise-glaces incitent à faire connaissance pour que l’expérience ait lieu », glisse-t-il.

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L’envie de rencontrer de nouvelles personnes et de se sentir mieux est principalement ce qui motive les participants © AP

Se dépasser et se challenger

Au cours de la journée, les participants ne chôment pas. Ils marchent environ deux heures le matin, puis rebelote l’après-midi, après le déjeuner. Le rythme s’adapte au groupe et les pauses sont régulières.

Il n’empêche qu’en ce premier lundi de septembre, sous un soleil de plomb, la rando prend pour certains des airs de défi. Justement, c’est l’un des autres buts du programme. « L’idée est de faire un effort ensemble, que le groupe soit porteur et permette de se dépasser », indique Lucille Bechetoille, la dernière membre du trio. Et ça fonctionne. L’entraide et la solidarité culminent quand la chaleur est au plus haut, avec le partage de l’eau, d’encas, aussi bien que d’encouragements.

À la fin de la balade, les membres de l’équipe ne manquent pas de féliciter les marcheurs du jour. Et il y a de quoi : ils se sont challengés, n’ont rien lâché. Ils rentrent chez eux avec une (bonne) fatigue physique et surtout un vrai boost de confiance. « Ces sorties sont un moyen pour eux de réaliser qu’ils sont capables, souvent plus que ce qu’ils croient », pointe-t-elle.

♦ Lire aussi l’article « Speed dating à la campagne : un remède à l’isolement ? »

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Après l’effort de la marche, la récompense de la vue, ce premier lundi de septembre au belvédère de Sugiton © AP

Le groupe comme moteur

Le programme se veut « participatif, inclusif et solidaire ». « On est ouvert à tous », souligne Mathieu Gervais. Reste que les participants sont à 70% concernés par la psychiatrie et 30% par l’exclusion sociale. Rien ne permet toutefois de les distinguer. « Et chacun est libre de raconter ce qui l’amène ici. Ça peut faire partie des échanges, ou pas », précise Lucille Bechetoille. Une participation de trois euros par personne est demandée par sortie, équivalent au montant de l’assurance souscrite par l’association. Là encore aucune obligation, afin que le prix ne soit pas un frein à la venue.

Au sein du groupe de cette rentrée – les balades ont été mises sur pause pendant l’été – tous sont mus par l’envie de rencontrer de nouvelles personnes et de se sentir mieux. Ils l’ont exprimé quelques jours plus tôt. Chaque jeudi est en effet l’occasion d’une rencontre au parc du 26ème centenaire, dans le centre de Marseille. Un temps dédié à l’organisation de la sortie suivante et au compte-rendu de la précédente, mais aussi à mieux se connaître.

Ainsi, Salim, nouveau venu, a confié attendre de ce programme de rencontrer des « gens avec qui sortir, partager ma musique et qui ne me jugent pas ». L’avenir dira si ce souhait se concrétisera. Pour Nicole en tout cas, fidèle depuis un an, elle considère ces sorties comme « sa bulle » pour oxygéner son quotidien d’aidante. À l’aube d’une opération qui va la tenir éloignée des sentiers ces prochaines semaines, elle n’espère qu’une chose ensuite : pouvoir réenfiler ses chaussures de randonnée.

Lire aussi l’article « Contre l’isolement des SDF, papote et pétanque »

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Grâce au programme, les participants se sentent mieux physiquement et mentalement © AP

Bienfaits et témoignages

L’approche atypique d’En passant par les calanques découle d’une démarche connue sous l’acronyme IPNA (pour « intervention psychosociale par la nature et l’aventure »). Éprouvée au Québec depuis le début des années 2000 (bonus), elle semble également porter ses fruits en Provence. « Les participants nous ont remonté une amélioration de leur bien-être physique mais aussi mental. Ils ruminent moins, dorment mieux, se remettent dans des démarches comme la recherche d’un emploi. On constate par ailleurs une rupture de l’isolement », expose Mathieu Gervais.

120 personnes différentes ont arpenté les calanques en 2023 dans le cadre de ce programme. Une vingtaine de sorties, dispatchées entre avril et novembre, qui ont attiré au total autour de 200 randonneurs. Le dispositif est, depuis, monté en puissance, s’étendant désormais sur toute l’année. « On propose aussi quelques journées en kayak et des séjours. Ainsi que des demi-journées en milieu urbain pour les personnes qui ne peuvent ou ne veulent pas faire plus », liste Lucille Bechetoille. Avis aux intéressés. ♦

*Pour participer, contacter l’équipe : calanques.just13@gmail.com – 07 82 62 61 33. Ou rendez-vous tous les jeudis matin (sauf jour férié et vacances scolaires) à 10h30 au parc du 26ème centenaire, face à l’arbre de l’espérance*

Bonus

[pour les abonnés] L’association JUST (Justice et Union pour la Transformation Sociale) – L’intervention psychosociale par la nature et l’aventure, la leçon du Québec –

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  • JUST, une association qui œuvre à plus de justice sociale – Elle a été créée en 2015. Signifiant « Justice et Union pour la Transformation Sociale », elle aide à développer des projets avec des personnes en situation de vulnérabilité ou d’exclusion pour participer à créer une société plus inclusive. Outre En passant par les calanques, elle chapeaute Lieu de répit, un espace non médicalisé où sont accueillies des personnes en situation de crise psychique, ou encore Les régisseurs.ses sociaux, qui sécurisent les lieux de vie habités par nécessité (squats, bidonvilles, rue…).
  • L’intervention psychosociale par la nature et l’aventure, éprouvée de longue date au Québec – Notamment par Sébastien Rojo. Depuis une vingtaine d’années, ses projets de recherche et professionnels portent sur cette démarche. Il a d’ailleurs fondé et dirige le Centre d’expertise et d’innovation – Ex Situ Expérience, spécialisé en intervention, en formation et en recherche dans ce domaine.