Santé
Les vêtements Qi-Bô, adaptés aux chimios
Tout part d’un constat : peu de vêtements sont adaptés aux besoins spécifiques des personnes atteintes du cancer et en cours de traitement. Pour corriger cela, Hélène a cofondé la marque Qi-Bô, une petite collection de hauts « conçus pour nous, colorés, doux, chauds, stylés, et qui peuvent se porter en soins comme à la ville ! »
À Grenoble, de nombreuses personnes en traitement contre le cancer peinent à trouver des vêtements adaptés à leurs besoins spécifiques. Un regret pour Michiko et Hélène, fondatrices de la marque Qi-Bô, qui ont donc imaginé des hauts confortables, colorés et stylés, spécialement conçus pour être portés aussi bien lors des soins qu’au quotidien.
« Un patient en pleine chimio a souvent froid »
Rendez-vous à 9h, à une adresse du centre-ville de Grenoble. Ce samedi matin, une vidéo de présentation de la marque Qi-Bô doit être tournée. Hélène m’accueille, tout sourire, puis direction le bureau-atelier de couture. « Les tissus sont hyper agréables, chauds et doux, touche ! » Je m’affaire alors qu’elle m’explique que ce détail à son importance : « Un patient en plein traitement chimiothérapique a souvent froid et sa peau est extrêmement sensible. »

Car cette toute jeune marque de vêtement a été pensée « pour se rendre aux rendez-vous de chimiothérapie sur chambre implantable sans avoir à se dévêtir. Habituellement, une partie du haut du corps doit être dégagée pour être branchée, reliée à la tubulure, m’explique celle qui a vécu un cancer du sein. C’est pesant. Notre modèle Michi a donc une ouverture asymétrique assez grande pour recevoir les soins en le gardant sur soi. » 48 ans, les cheveux très courts, décolorés avec tribals, elle finit de floquer quelques tee-shirts pour les évènements du jour, demande à son fils de préparer du thé. Elle me présente également son mari Patrice, 53 ans, ingénieur et associé. « Passons à la vidéo !, clame celui-ci. Tout est en place. »
Une rencontre à l’origine de ces créations
Quelques dernières recommandations pour diminuer le stress et c’est parti : « Qi-Bô, c’est l’histoire d’une rencontre incroyable. Un mois après la découverte de mon cancer du sein, en 2019, je rencontre Michiko dans un atelier de couture. C’est un coup de foudre amical. Michiko a un cancer métastatique, donc des soins à vie. Et elle en a marre d’avoir froid, de devoir se mettre en soutien-gorge ou en débardeur pour chaque rendez-vous médical. Elle me demande alors de l’aider à rendre ses pulls compatibles avec les séances de chimio », entame Hélène, émue. Dans la foulée, elles dessinent alors un premier patron, cherchent des tissus, et cousent le premier modèle de ce qui deviendra le Michi.
Également présente, Saori, la sœur de Michiko, se souvient : « On s’écrivait tous les matins et la première fois qu’elle a porté ce pull, elle était si contente ! Elle se sentait belle, elle se sentait mieux. Michiko aimait l’avoir aussi bien pendant les soins qu’en ville. Ce n’est pas un habit d’hôpital. »
Continuer pour Michiko… et les autres

« Quand Michiko est partie, en 2023, je ne savais pas ce que j’allais faire de Qi-Bô, reprend Hélène en regardant ses associés avec bienveillance. Immédiatement, Saori et le mari de Michiko, Denis, m’ont contactée pour proposer de continuer ensemble. Ça m’a énormément touchée. Il fallait que je retrouve du sens, parce qu’elle était mon inspiration. Elle me faisait pousser des ailes. Toutes les deux, c’était magique, et je ne savais pas comment retrouver ça. » Patrice, Saori, Hélène et Denis se rassemblent alors à la mémoire de Michiko et décident de lancer ce projet qui l’amusait tant : créer des vêtements adaptés aux patients.
À travers cet élan, ils veulent transmettre l’espoir et « toute l’énergie qu’elle avait mise dedans. C’était important de garder la couleur, la vie, malgré la peur et la souffrance, raconte Denis. Je l’ai vue heureuse et motivée par ce projet Qi-Bô, qui a été son dernier. »
L’espoir et les détails

Curieuse, je leur pose la question : « Mais pourquoi ce nom, Qi-Bô ? » Face caméra, Saori nous explique : « Kibō veut dire espoir en japonais. Mais au-delà de ce message, Qi-Bô c’est deux syllabes : Qi et Bô. Qi veut dire énergie vitale en chinois. C’est ce qui nous fait nous mouvoir et régit les lois de l’univers. Et Bô, en français, pour la beauté. Parce que nos vêtements apportent de la beauté et du confort au quotidien. » Le mot d’ordre ? Être stylée, à l’aise, et bien dans son corps – du moins le plus possible dans ces moments-là.
Hélène a pensé chaque détail : du revers du col en forme de cœur aux manchettes pour rappeler les chemisiers, en passant par les motifs aux multiples couleurs. Le tout designé par ses soins et par son équipe. « Toujours avec des tissus fabriqués en France et au Portugal – j’y tiens. Et c’est vraiment créé par des personnes concernées, pour les personnes concernées », ajoute-t-elle en admirant son pull Michi. Plus de 430 000 personnes sont atteintes de cancer chaque année en France. Les chances de survie des patients sont en constante augmentation, « mais souvent au prix de traitements au long cours, douloureux et irritants. »
« Les gens nous ont fait réaliser que ce projet concerne tout le monde »

Et Denis de reprendre la parole : « Il faudrait aussi qu’on parle des rencontres que nous avons faites. De ces soutiens, de ces professionnels qui nous ont permis de réaliser que notre projet concerne tout le monde. La styliste et la modéliste bien sûr, et d’autres encore qui nous ont énormément apporté et dont le retour est vital. C’est pour cela que Qi-Bô tient à être présent sur différents évènements. »
Après la course pédestre solidaire et populaire La Grenobloise, à la mi-septembre, l’équipe se prépare à défiler lors d’une fashion-week décalée, dans un bar du centre-ville. « On portera les pulls, on sera entre nous et on va s’éclater ! », se réjouit la créatrice. Sans oublier Octobre Rose, un mois forcément très chargé : lancement du site internet de la marque, ateliers de prévention et détection du cancer du sein, un stand Qi-Bô au CHU de Grenoble, ou encore un flash mob qui doit se tenir dans l’après-midi.
Hélène perçoit avec plaisir un réel engouement autour de la marque. « On est en train de prototyper la version hommes – parce que les hommes aussi ont le droit d’être stylés et à l’aise ! Tout comme un autre modèle qu’on a en tête : même esprit, même design, même matière, mais avec des manches détachables pour les perfusions périphériques. Bref, pour tout cela, on a besoin d’argent, donc on profite de ce flash mob pour lancer une campagne de financement participatif », sourit Hélène qui, dans la foulée, inviter sa petite équipe à réviser les pas de danse. ♦
Bonus
- Les modèles sont déjà en vente sur le site internet de la marque, où vous pouvez également soutenir l’équipe grâce à la mise en place d’un financement participatif.
- Voir la vidéo de présentation de Qi-Bô.