Environnement

Par Edward Sfeir, le 13 novembre 2024

Envoyé spécial à Bakou

COP29 : des solutions concrètes en Méditerranée

Les eaux usées, à même par exemple d'être recyclées pour l'agriculture ou l'industrie, comme en Égypte ©DR

Sécheresses, inondations, montée des eaux… La Méditerranée est en première ligne face au changement climatique, mais ne se laisse pas submerger. De l’Algérie à l’Égypte, en passant par la Tunisie, des initiatives locales fleurissent, offrant des solutions adaptées aux spécificités de chaque territoire. Cette semaine, depuis l’Azerbaïdjan, la COP29 doit permettre de conforter ces dispositifs et de mobiliser les financements nécessaires.

La région méditerranéenne est en première ligne face aux impacts du changement climatique, avec des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes, des sécheresses prolongées et une montée des eaux menaçant les zones côtières densément peuplées. Les 22 pays bordant la Méditerranée se trouvent ainsi confrontés à l’urgence de mettre en place des actions ambitieuses pour limiter à la fois les causes et les effets du réchauffement climatique. Dans ce contexte, la COP29 est cruciale pour renforcer et accélérer les solutions spécifiques aux défis environnementaux méditerranéens.

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Une science pan-méditerranéenne

Pour la première fois, des experts scientifiques méditerranéens se sont unis dans un projet ambitieux de coopération environnementale appelé MedECC (Mediterranean Experts on Climate and Environmental Change). Ce réseau international ouvert et indépendant, fondé en 2015, fournit aux décideurs et au grand public des informations basées sur les données scientifiques disponibles et les recherches en cours.
En 2020, le MedECC publie ainsi son premier rapport d’évaluation pour la Méditerranée. Celui-ci contient les meilleures connaissances scientifiques disponibles sur le changement climatique et environnemental. Mais aussi les risques associés dans le bassin méditerranéen, afin de les rendre accessibles aux décideurs, aux parties prenantes et aux citoyens. Il a été rédigé par près de 190 scientifiques provenant de 25 pays ; tous contribuant à titre individuel et sans rémunération.

Protéger les ressources en eau grâce au recyclage (Égypte)…

L’une des priorités de cette coalition a été la mise en place de programmes de gestion de l’eau plus efficaces. En Égypte, par exemple, le gouvernement avec le financement de 150 millions de dollars de la Banque africaine pour le développement a mis en œuvre un projet de recyclage des eaux usées agricoles, permettant une réduction significative de la consommation d’eau douce dans les régions arides du pays.

À quelques kilomètres des pyramides de Gizeh, sur la rive ouest du Nil, la station de traitement des eaux usées d’Abou Rawash est devenue un modèle de gestion durable des ressources hydriques en Égypte. Ce mégaprojet s’inscrit dans la « Vision 2030 » du gouvernement égyptien. Une feuille de route qui fait de la réutilisation des eaux usées une priorité stratégique pour répondre aux besoins d’irrigation et industriels croissants. Avec une capacité de traitement de 1,6 million de mètres cubes par jour, la station répond aux besoins en assainissement de neuf millions d’habitants du Grand Caire, et prévoit d’atteindre 2 millions de mètres cubes dans les années à venir.

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Une station de traitement des eaux usées © Pixabay

En plus d’améliorer la qualité de vie des habitants, ce projet a créé 150 emplois locaux et fournit aux agriculteurs une eau recyclée, réduisant ainsi la pression sur le Nil. Selon Esam Awad, directeur général de la station, ce projet représente une réponse concrète aux défis posés par le changement climatique et la croissance démographique rapide de l’Égypte, contribuant à un avenir plus durable pour le pays.

♦ Lire aussi : Grâce au bambou, une start-up fait des eaux usées une ressource

…ou au dessalement (Algérie)

En Algérie, la station de dessalement d’eau de mer d’El-Hamma représente un pilier majeur de la stratégie nationale pour faire face au manque d’eau potable. Avec une capacité de traitement de 200 000 mètres cubes par jour, elle couvre environ un tiers des besoins en eau de la capitale, Alger. Conçue par l’entreprise américaine General Electrics Ionics, en partenariat avec des acteurs nationaux comme Sonatrach et Sonelgaz, l’usine utilise la technologie de l’osmose inverse. Cette solution innovante convertit l’eau de mer en eau douce.

D’ici dix ans, l’Algérie ambitionne de construire quarante stations de dessalement, renforçant ainsi son rôle dans le secteur de l’eau en tant que quatrième pays au monde en matière de dessalement. Ce projet témoigne d’un engagement fort en faveur de la durabilité, assurant un approvisionnement en eau domestique stable pour une population en pleine croissance, tout en préservant les nappes phréatiques essentielles pour l’agriculture et les écosystèmes locaux.

Renforcer la résilience des zones côtières (Camargue, Sardaigne)

La restauration des zones humides méditerranéennes est devenue une priorité face aux impacts de l’urbanisation et du changement climatique qui affectent la biodiversité et les écosystèmes. En Camargue, les anciens salins de 6 500 hectares, autrefois exploités pour la production de sel, ont été rachetés en 2011 par le Conservatoire du littoral. Ce site a été transformé en zone humide naturelle à travers des mesures de réhabilitation passive et active, comme la réouverture des connexions hydrauliques avec le système aquatique du Vaccarès. Grâce à ce projet, la végétation a naturellement repris, permettant de recréer des habitats pour de nombreuses espèces d’oiseaux et offrant une barrière naturelle contre les inondations intérieures induites par la montée des eaux marines.

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Les salins de Camargue ©DR

En Sardaigne, le projet Maristanis, soutenu par le contrat de zone humide, englobe onze municipalités et six zones humides classées Ramsar, situées autour du golfe d’Oristano. Ce contrat de gestion partagée vise à restaurer et à protéger les zones humides côtières, les rivières, et les ruisseaux de la région. Le projet met en place des mesures pour gérer les ressources en eau, renforcer la résilience locale et atténuer les risques d’inondation. La plantation de végétation indigène, la limitation des intrusions marines, et le contrôle des espèces invasives sont certaines des techniques employées pour restaurer les fonctions écologiques et socio-économiques de ces zones.

Transition énergétique et agriculture durable (Tunisie)

Le secteur énergétique reste le principal contributeur aux émissions de gaz à effet de serre en Méditerranée. Le programme national de transition vers les énergies renouvelables en Tunisie, via le Plan Solaire Tunisien (PST), est un projet ambitieux. Il vise à réduire la dépendance du pays aux énergies fossiles, en particulier au gaz naturel, qui représente actuellement 97% de la production électrique. Ce plan, inscrit dans la Contribution Déterminée au niveau National (CDN) de l’Accord de Paris, ambitionne de porter la part des énergies renouvelables à 30% de la production électrique d’ici 2030. Pour ce faire, la Tunisie prévoit une capacité additionnelle de 3815 MW répartie entre le solaire photovoltaïque (1510 MW), l’éolien (1755 MW), et d’autres sources comme la biomasse.

En plus de développer un cadre législatif, le pays a adopté la loi 2015-12 qui régule l’autoconsommation et la production d’électricité pour le réseau national, ainsi que la vente exclusive à la Société Tunisienne de l’Électricité et du Gaz (STEG). Ce programme s’accompagne d’incitations financières et fiscales significatives. Ce sont par exemple le Fonds de Transition Énergétique, et des lignes de crédit de la Banque Mondiale et de l’AFD, soutenant la transition énergétique du pays vers un avenir plus durable​.

La COP, un tournant pour la Méditerranée

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La COP29 peut accélérer la mise en place de fonds et de mécanismes de financement pour soutenir certaines initiatives ©DR

La COP29, centrée sur le financement climatique, revêt une importance capitale pour la région méditerranéenne. Car les pays méditerranéens pourront mobiliser les financements nécessaires à la mise en œuvre de solutions durables et adaptées aux vulnérabilités locales. La COP29 peut accélérer la mise en place de fonds et de mécanismes de financement pour soutenir des initiatives comme la protection des zones humides, l’agriculture résiliente et les énergies renouvelables, essentiels pour la transition écologique en Méditerranée.

Donc, en fixant des engagements financiers précis et durables, cette Conférence des Parties pourrait transformer les engagements climatiques en actions concrètes. Et assurer ainsi que les pays de cette région vulnérable reçoivent le soutien nécessaire pour construire un avenir climatique résilient. ♦