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Clarnie rapproche agriculteurs et main d’œuvre étudiante
La plateforme Clarnie, fondée par Clara Silveiro et Marnie Atgé, aide les agriculteurs d’Occitanie à recruter des étudiants à la recherche d’emplois. Cela va du stage en alternance au CDI, en passant par le job saisonnier. Et les domaines sont variés : tâches agricoles, vente, hôtellerie ou encore comptabilité.
Stop aux idées reçues ! Qui a dit que les jeunes rechignent à traverser la rue pour aller travailler ? Quoi que l’on en pense, ils sont volontaires, curieux d’apprendre, proches de la nature et consciencieux de l’environnement. Encore faut-il leur ouvrir des opportunités. Clara Silveiro et Marnie Atgé sont la preuve de ce dynamisme. Les deux ingénieures, formées à l’École nationale supérieure agronomique de Toulouse, ne craignent pas de se retrousser les manches quand il faut s’atteler à la tâche.
La moitié des agriculteurs français peine à recruter
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Clara a toujours eu un travail en parallèle de ses études, notamment à la ferme, pour rembourser le prêt étudiant qu’elle a contracté. Marnie Atgé, elle, a découvert le monde paysan par les parents de son compagnon, agriculteurs en bovins lait, à qui elle donne des coups de main. « C’est comme cela que je me suis rendu compte de l’énorme charge de travail de la profession et combien c’est la galère pour trouver de la main-d’œuvre ».
Très sensibilisées à la ruralité, les deux amies ont donc entrepris de se pencher sur cette réalité. Plus de la moitié des agriculteurs français peinent à recruter. Les raisons qui expliquent la difficulté à embaucher sont multiples : préjugés, manque de valorisation des métiers et méconnaissance de la ruralité, défaut de communication et de mise en relation…
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Peu d’attention portée aux problématiques du monde paysan
En 2023, France Travail a mené une enquête faisant état d’un besoin criant de bras dans la filière agricole d’Occitanie, première région de France avec plus de 15% des exploitations du territoire national. C’est aussi la deuxième région pourvoyeuse de main-d’œuvre agricole. Elle emploie 12% des salariés recensés sur le territoire tricolore. Et pourtant, beaucoup de postes restent vacants.

Clara, dont les grands-parents sont agriculteurs en Auvergne, a depuis toujours conscience des difficultés rencontrées. Mais en travaillant en exploitation, elle a pu mesurer l’ampleur du déficit en personnel comme en reconnaissance. « Cela a été une énorme claque. Les agriculteurs nous nourrissent tous les jours sans que nous prêtions attention à leurs problématiques ». Et Marnie de poursuivre : « C’est difficile pour eux de s’absenter un week-end ou de prendre des vacances. Car il faut s’occuper des bêtes, les nourrir, veiller sur les récoltes… ».
Clara a alors l’idée de créer un dispositif pour mettre en contact les agriculteurs avec les étudiants en recherche de stage. « Nos expériences nous avaient montré qu’il y avait du potentiel. De fil en aiguille, c’est devenu le projet d’activité de nos études ». Les deux associées ont réalisé que les besoins n’étaient pas seulement centrés sur les tâches agricoles. « Les forces vives en vente, communication, web design ou encore dans l’organisation d’événements, sont également bienvenues », souligne Marnie.
Une douzaine de domaines où les besoins ont été identifiés
Les deux associées ont lancé une étude de marché en Occitanie pour entendre les deux parties concernées. Et connaître leurs desidératas. « Les agriculteurs ont en effet besoin de diversifier leurs exploitations. Cependant, ils ne maîtrisent pas forcément les outils de la communication ou du marketing », commente Clara.

Une douzaine de domaines où l’aide est nécessaire ont été identifiés. Cela va de la transformation et l’agro-alimentaire à la comptabilité, ou encore la restauration. Les étudiants interrogés se sont montrés très ouverts à l’idée de travailler en connexion avec la campagne, d’être au contact de la nature et de l’essentiel. « Ils nous ont fait savoir qu’ils étaient intéressés par tout type de contrat, du CDD ou CDI à faible taux horaire, au stage et missions diverses », ajoute Marnie.
Ce sondage de terrain a permis de faire remonter les premières offres d’emplois offertes par les agriculteurs. « Comme nous n’avions pas encore de site, nous avons utilisé les réseaux sociaux pour les poster. Notamment les stories d’Instagram ». Les écoles les ont relayées. Cet été, une trentaine de liens agriculteurs-étudiants ont ainsi été établis en Occitanie. Et ont porté leurs fruits. « Cela nous a encouragé à lancer une campagne de financement sur Miimosa, plateforme spécialisée dans l’agriculture, pour monter notre site internet », observe Clara. L’initiative a permis de récolter 10 000 euros.
Une sélection en fonction des critères définis pour la mission
Le site de Clara et Marnie, nommé Clarnie (contraction de leurs deux prénoms), vient de voir le jour en ce début décembre. Il repose sur deux formules de services adaptées selon les besoins. La formule “Liberté” a été pensée pour que l’agriculteur reçoive directement les candidatures des étudiants intéressés par l’offre de poste qu’il a publié. S’il opte pour la formule ‘’sélection’’, les deux fondatrices de Clarnie s’occupent de recruter la main-d’œuvre étudiante en fonction des critères définis pour la mission proposée. « Nous effectuons alors des entretiens pour trouver le bon candidat ».
« Lorsque nous avons élaboré ce projet, notre objectif était que les agriculteurs n’aient pas à régler les offres postées sur la plateforme », indique Clara. Ce sont donc les coopératives ou les filières agricoles qui prennent le forfait en charge, et répercutent un code d’accès à leurs adhérents. « Ces derniers peuvent alors poster gratuitement les offres sur notre site », complète Marnie. Lorsqu’un agriculteur n’adhère à aucun groupe représentant la profession, il peut aussi bénéficier de la plateforme. Il devra cependant s’acquitter des frais de la formule choisie.

La plateforme propose de s’occuper du recrutement du bon candidat. ©DR
Clara et Marnie s’engagent à faire le suivi de chaque mise en relation afin de vérifier que tout se déroule pour le mieux. À peine sur les rails, Clarnie a été reconnue ‘’innovation sociale à impact’’ par des acteurs tels que la Banque de l’Innovation du Crédit Agricole et sélectionnée pour des concours d’entrepreneuriat. « Notre plateforme vise à construire des liens durables entre générations autour de la passion du monde agricole », expliquent de concert Clara et Marnie. Et elle contribuera, à coup sûr, à faire tomber les préjugés. ♦