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La rénovation : un enjeu crucial pour bâtir la ville de demain
Préservation des sols, moindre consommation de matériaux, adaptation aux conséquences du réchauffement climatique… La rénovation est un levier majeur de la mue écologique du secteur du bâtiment. De sorte que le Club Immobilier Marseille Provence a choisi d’y consacrer la 10e édition de ses Assises de la transition écologique.
Il représente la moitié des ressources naturelles consommées et 44% de l’énergie produite. En France, le secteur de la construction est un mastodonte dont l’appétit a longtemps semblé insatiable. Première cause d’artificialisation des sols, il est aussi responsable de 70% des déchets produits. Sa responsabilité en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre est donc immense. Tandis que la question de l’adaptation aux impacts du réchauffement climatique se pose à lui de manière de plus en plus pressante.
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Face à ces défis, la rénovation semble apporter de nombreuses solutions. Pas de sols à artificialiser. Moins de matériaux à fabriquer. Ce, tout en améliorant la performance énergétique et réduisant la consommation d’énergie. Le sujet mobilise donc de plus en plus d’acteurs de la filière. Pour des raisons éthiques, mais aussi réglementaires, les collectivités locales étant de plus en plus sélectives dans les permis qu’elles accordent, elles-mêmes sous pression d’un nombre accru de contraintes législatives. De sorte que le Club Immobilier Marseille Provence a choisi d’y consacrer la dixième édition de ses Assises de la transition écologique à Marseille.

Une lente prise de conscience
Grand témoin de ces Assises de la transition écologique, Franck Boutté, Grand Prix de l’urbanisme 2022, rappelle combien les questions environnementales ont mis de temps à infuser la sphère de l’immobilier.
Après le rapport Meadows de 1968 qui, déjà, expliquait qu’on ne peut physiquement pas poursuivre une croissance infinie dans un monde aux ressources finies, le sujet ne pénètre le monde de la construction « qu’au début des années 2000 », situe-t-il. « Mais à ce moment-là, on ne s’intéresse qu’à une seule dimension de la durabilité : l’énergie ». Un sujet qui ne concerne alors que le bâtiment neuf. De sorte que, dit-il, « on ne s’intéresse qu’à 0,1% du problème ».
Il faudra attendre les années 2010 pour que la question du carbone mobilise tous les acteurs de la filière. On se penche alors plus particulièrement sur les enjeux liés aux matériaux, jusqu’à finir par prendre en considération l’importance « d’arrêter d’artificialiser comme des porcs et de consommer des terres fertiles alors que l’on sait que dix millions de logements sont peu utilisés », poursuit Franck Boutté. C’est là le sens de la loi sur la Zéro artificialisation des sols. Qui rend la rénovation plus urgente que jamais.
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Adapter l’existant
Urgente pour réduire notre impact environnemental. Mais aussi pour s’adapter aux conséquences déjà présentes d’un réchauffement climatique. Conséquences qui ne feront que s’amplifier dans les prochaines années.
« 80% des bâtiments, des espaces publics et des infrastructures de 2050 existent déjà aujourd’hui, relève Franck Boutté. Combien sont adaptés ? La réponse est quasi zéro ».
Le défi est donc colossal. Et les moyens, loin d’être à la hauteur : « En matière de réhabilitation, le diagnostic est essentiel », d’autant que les bâtiments anciens sont souvent de qualité supérieure à d’autres de construction plus récente, y compris face aux fortes températures. Il est donc nécessaire de préserver ces atouts. « Mais faute de temps et du fait des très faibles rémunérations des concours, les promesses incroyables aboutissent à une déception permanente ».

Une myriade d’initiatives
Il n’empêche, de nombreuses initiatives voient le jour. Et plusieurs invités de ces Assises de la transition écologique sont venus en apporter la preuve. Président de l’agence d’architecture Rougerie+Tangram, Emmanuel Dujardin voit dans la réhabilitation du patrimoine ancien « une occasion de faire preuve d’une créativité de dingue ». Créativité qui doit profiter à tous, comme il le rappelle en citant l’opération Plus Belle ma ville, rue du Tapis vert à Marseille. « Plusieurs entreprises ont mis de l’argent pour acheter de l’immobilier et le réhabiliter ». Non sans difficultés administratives. « Nous avons besoin de relations de confiance avec les collectivités locales ».
S’ajoutent à cela des difficultés techniques. Car on ne rénove pas selon les mêmes logiques qui prévalent dans la construction de logement neuf. Les intervenants rappellent que le diagnostic est important. Lorsqu’on surélève un immeuble, il faut évidemment être certain de la capacité des fondations déjà en place à supporter ce surcroît de charges. Il faut aussi savoir valoriser l’existant, par exemple les capacités de résistance à la chaleur dont fait souvent preuve le bâti ancien. Essentielles face aux canicules de plus en plus longues et fréquentes. De même qu’on travaille sur les « vides », comme le précise Franck Boutté, ces espaces sans bâtiments qu’il est urgent de végétaliser, d’irriguer, dans une ville pensée comme un écosystème.
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Enjeu de solidarité
L’enjeu est environnemental, sanitaire. Mais il s’agit aussi, et peut-être surtout, d’une question sociétale. « Ceux qui le peuvent pourront toujours trouver refuge dans une résidence secondaire. Mais d’autres sont assignés à résidence climatique. Quand on voit que certains appartements ont atteint une température de 48°C à Aubervilliers par exemple, on voit bien qu’il y a dans la réhabilitation une question de solidarité », insiste Franck Boutté.
Enfin, ajoute-t-il, la mal-adaptation des villes a tendance à générer un « sentiment anti-ville » qui conduit bon nombre d’urbains à déménager en zone rurale. « Mais les villes sont essentielles à la sobriété carbone car elles sont un lieu de mise en commun et de partage des ressources et infrastructures. Si tout le monde les fuyait, ce serait une catastrophe climatique. Il est donc urgent de les adapter pour redonner envie d’y vivre. De créer du collectif qui donne à nouveau envie de vivre en collectif ». ♦
Bonus
# Quelques chiffres sur la rénovation en France – La rénovation est un sujet majeur de la transition écologique de la filière bâtiment. Pour autant, beaucoup reste à faire. D’après un rapport publié début janvier par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), 623 790 logements avaient été rénovés en 2023 contre 670 000 en 2022. Une baisse de 7% qui s’explique entre autres par l’inflation.
# Franck Boutté – Fondateur et président de l’agence d’ingénierie de la ville durable Atelier Franck Boutté, diplômé des Ponts et Chaussées, il a suivi un cursus de quatre ans au sein de l’atelier UNO à l’école nationale d’architecture Paris-Belleville, qu’il quitte avant de passer son diplôme pour entamer son parcours professionnel. Il s’intéresse alors de près en problématiques environnementales, de sorte que l’Atelier Boutté fait figure de référence dans les domaines de la conception et de l’ingénierie environnementale. Ce qui lui vaut en 2022 l’obtention du Grand Prix de l’Urbanisme du ministère de la Transition écologique et de celui de la Transition énergétique.
# Club Immobilier Marseille Provence – Fondé en 1998, le Club Immobilier Marseille Provence regroupe des architectes, investisseurs, promoteurs immobiliers ou encore des avocats engagés dans le secteur immobilier. Il organise chaque année divers événements, dont ses Assises de la transition écologique.