EnvironnementSanté
Un bloc opératoire plus respectueux de l’environnement
Le bloc opératoire, c’est le plus gros émetteur de gaz à effet de serre d’un établissement de santé. Une donnée qui a eu l’effet d’un électrochoc pour Géraldine Calamy et Hélène Terrasa, deux infirmières anesthésistes de l’Institut Paoli-Calmettes à Marseille. Lutte contre le gaspillage, tri des déchets, suppression du gaz anesthésique le plus polluant… Depuis 2020, elles mettent tout en œuvre pour travailler dans un « bloc 2 D » ou « développement durable ».
C’est en assistant à un webinaire, fin 2020, qu’Hélène Terrasa a pris conscience de l’impact environnemental d’un bloc opératoire. Ni une ni deux, cette infirmière anesthésiste à l’Institut Paoli-Calmettes (IPC), le centre anti-cancer de Marseille, en parle alors à sa collègue Géraldine Calamy. « On s’est dit qu’on ne pouvait pas continuer comme ça », retrace cette dernière, en nous guidant dans le service au côté de Sylvie Mas, cadre du bloc opératoire. Et de s’étrangler : « C’est le plus gros émetteur de gaz à effet de serre d’un établissement de santé. À lui seul, il produit 20 à 25% des déchets du site. Une intervention standard en génère autant qu’une famille de quatre personnes en une semaine. » Les trois salariées de ce centre de lutte contre le cancer de référence ont donc lancé le projet « bloc 2D » pour « développement durable ».
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100 kilos de métal recyclés chaque mois

« Déjà avant le Covid, un groupe de travail avait été créé sur cette thématique. On a trié alors les petits cartons, recontextualise Sylvie Mas. Mais avec la crise sanitaire, la priorité a été ailleurs. » Hélène Terrasa et Géraldine Calamy ont donc relancé la réflexion et mis en place les premières actions. « On a repris le tri des petits cartons et revu nos trousses de matériel chirurgical à usage unique pour moins gaspiller. On a aussi remplacé les plateaux en plastique stériles jetés tous les jours par des plateaux en inox », énumère Géraldine Calamy. Et la liste est loin d’être terminée !
Les deux infirmières se sont aussi penchées sur « le plus petit matériel recyclable : les déchets métalliques, en inox et en aluminium ». Elles ont elles-mêmes recherché des ferrailleurs, demandé des devis. Pour que l’IPC trie aujourd’hui une centaine de kilos de métal chaque mois… Sans dépenser plus. Prélevés au bloc après les interventions, ces métaux sont ensuite stockés dans des fûts dédiés en attendant d’être collectés.
Un bloc zéro déchets non triés

Dans chacune des onze salles d’intervention, des « bars à poubelles » sur roulettes ont été installés. Trois sacs étiquetés pour séparer les ordures ménagères, le plastique, le carton et le papier – les documents non confidentiels. Résultat : 2,5 à 3 tonnes recyclées chaque mois. Quant aux grands bacs jaunes « DASRI » réservés aux « déchets d’activités de soins à risques infectieux », ils ont disparu. Redimensionnés à la baisse, ils ont été relégués dans le couloir et ne reçoivent plus que les liquides biologiques ou certains produits (anesthésiants, antibiotiques, chimiothérapie…).
Le bloc a ainsi jeté 48 tonnes de DASRI en moins sur l’année. « On a considérablement progressé, grâce au tri et à une réglementation moins restrictive. Cela permet de faire des économies car faire traiter ces déchets coûte très cher, environ 600 euros la tonne. Et on n’a rien investi ! » explique l’infirmière anesthésiste avec d’autant plus de fierté que d’autres services et établissements s’inspirent de ces pratiques.
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Un service pilote

« On a été un peu un service pilote », souligne Sylvie Mas, la cadre du bloc opératoire pour qui « ce projet a un triple intérêt : innover, sortir des habitudes et donner davantage de sens au travail. Il a stimulé le travail d’équipe, la collaboration, parce que tous les agents se sont investis. Les infirmières, les aides-soignantes… Ça a fédéré les équipes. » Jusqu’aux médecins et aux chirurgiens. Soit environ 200 personnes. En 2022, l’IPC a même créé un groupe de travail pluridisciplinaire « 2D » avec le Dr Camille Pouliquen.
Un gaz anesthésiant moins polluant
Ce médecin anesthésiste réanimateur à l’IPC a rapidement procédé à un changement de gaz anesthésiant. Fin 2022, le sevoflurane a ainsi totalement remplacé le desflurane . « De vieilles études disaient que le desflurane convenait mieux à certaines chirurgies et certains craignaient des temps de réveil plus longs avec le sevoflurane mais ce n’est pas le cas, rembobine le Dr Pouliquen. Et en parallèle, beaucoup d’études ont montré que le desflurane était très polluant. Son indice de potentiel de réchauffement climatique (PRC) à 100 ans est de 3700kg de CO2 contre 349kg pour le sevoflurane. Il est même interdit dans certains pays et doit faire l’objet d’une nouvelle réglementation européenne. On a donc décidé de le supprimer. » Ce qui a permis de réduire de 73 tonnes les émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2023.
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Sensibiliser pour progresser

« On a fait les choses les unes après les autres pour que le personnel accepte », détaille Géraldine Calamy, qui constate une forte adhésion, après quelques réticences au démarrage. « Il a fallu expliquer, faire preuve de patience, lutter contre la fausse croyance disant que tous les déchets partiront au même endroit. On a donc beaucoup discuté avec nos collègues sans jamais rien imposer. Ensuite, on leur a transmis des chiffres et des tutoriels vidéo, on a créé une boîte mail dédiée et on a communiqué dans une newsletter. Enfin, on forme les nouveaux internes comme les recrues… Certaines personnes sont plus disciplinées que d’autres, mais on n’a plus de réfractaires. Certaines nous demandent même d’aller plus vite ! »
Détecteurs de mouvement pour l’éclairage, régulation des flux d’air en fonction de l’occupation des salles, corbeille dans laquelle récupérer des champs, blouses ou gants déstérilisés, mais utilisables par exemple pour bricoler… Il n’y a pas de petits gestes. À l’IPC, le tri est d’ailleurs également la règle en salle de repos. Pour les canettes et le plastique, mais aussi pour les surchausses, les calots et les blouses jetables. Prochaine étape : adopter des charlottes et tenues d’opéré en tissu lavable. Mais ce n’est pas si simple qu’il y paraît. ♦