À l’École Gustave, la motivation est un critère de recrutement

Pour répondre au manque de main-d’œuvre dans le secteur du bâtiment, l’École Gustave s’est spécialisée dans les formations aux métiers de plombier-chauffagiste et d’électricien. Toutes les candidatures sont les bienvenues, avec ou sans expérience. Car une seule compétence est demandée aux postulants : la motivation. 

Has been le CV et la lettre de motivation ? En réalité pas encore, même si force est de constater que les méthodes de recrutement évoluent et font davantage la part belle aux compétences socio-émotionnelles – on parle de « soft skills » (lire bonus). Un virage déjà amorcé par l’École Gustave, entreprise de l’économie sociale et solidaire (ESS) spécialisée dans la formation aux métiers du BPT et de l’artisanat. « On recrute nos apprenants sur leur motivation. Il n’y a aucun pré-requis de diplôme ou de niveau », indique Pauline Courbon, directrice du campus de Marseille, ouvert depuis novembre 2023. Deux conditions sont toutefois obligatoires. Avoir au moins 18 ans et être inscrit à France Travail, l’établissement public de l’emploi.

Motivé, motivé

Le processus de recrutement de l’École Gustave ne fait néanmoins pas l’impasse sur le CV. Il est demandé dès la première étape, en complément d’un questionnaire à remplir. « Ce formulaire est surtout axé sur la motivation et l’expérience », nuance Gabriella Kern, chargée des relations entreprises au sein du campus de la deuxième ville de France. « Puis vient un entretien où l’on cherche à savoir pourquoi le candidat veut entrer dans cette école, s’il s’est renseigné sur le métier, etc ». Bref, sa motivation.

Un rendez-vous dont se souvient Zakaria, 19 ans, qui a intégré l’actuelle promotion fin novembre. « J’ai expliqué que je suis rigoureux, ponctuel et que quand j’aime un truc, je le fais à fond », confie ce Marseillais aux yeux rieurs et cheveux long attachés en queue-de-cheval. Des qualités mises aussi en avant par Zinedine, membre de la première promo. « J’aime le travail manuel et technique, c’est pour ça que je me suis orienté vers cette formation », expose ce vingtenaire longiligne.

Chaque promotion compte en général entre 15 et 25 apprenants, dont la moyenne d’âge gravite autour de 28 ans. La majorité sont des hommes – seulement une à deux femmes par classe – malgré la volonté de l’équipe pédagogique de féminiser les troupes. « On essaye de les sourcer mais elles ne sont pas encore nombreuses dans ce secteur », regrette Gabriella Kern.

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Pallier le manque de main-d’œuvre

Reste ensuite une ultime étape à franchir pour intégrer l’École Gustave : trouver une entreprise en alternance. Une démarche souvent compliquée, c’est pourquoi l’établissement accompagne ses apprenants en jouant en quelque sorte les entremetteurs. « On identifie les profils qui correspondent aux attentes des entreprises et on organise des rencontres. Ça nécessite de trouver un panel conséquent de sociétés pour chaque promotion, mais il y en a beaucoup de disponibles et intéressées dans la région », assure Pauline Courbon.

Les formations proposées ont d’ailleurs été choisies parce que les métiers auxquels elles permettent d’accéder (à savoir électricien du bâtiment et plombier-chauffagiste) se trouvent en tension. Aussi bien pour l’installation, la maintenance ou le dépannage d’installations. « La philosophie de l’École Gustave est de pallier le manque de main d’œuvre sur ces métiers en formant des professionnels qualifiés et motivés », souligne la directrice. Si bien qu’une nouvelle formation devrait s’ajouter dès cette année, en CVC (chauffage, ventilation et climatisation). À Marseille ainsi que dans d’autres campus du groupe (bonus).

Bootcamp et alternance

Avant d’entrer pleinement dans le système d’alternance – trois semaines en entreprise, une à l’école – les apprenants passent trois mois complets en format « bootcamp ». « C’est une formation intensive pour qu’ils puissent attaquer en entreprise avec un bagage de connaissances. Ils ne sont bien sûr pas confirmés à l’issue de celle-ci, mais disposent d’une logique de travail et des méthodes d’installation pour exercer le métier », indique Nicolas Abiad, formateur sur la partie plomberie-chauffage. Une phase dans laquelle Zakaria est pleinement plongé. « On voit des choses en cours et on les exécute en atelier. La pratique, c’est ce qui me plaît le plus car on apprend plus vite, donc j’ai hâte de démarrer en entreprise. Surtout que les anciens (ndlr : les apprenants des précédentes promotions) nous ont dit que les chantiers réels, c’est encore mieux que l’école », glisse le jeune adulte.

Son futur employeur n’en sera d’ailleurs pas à son premier alternant de l’École Gustave. À la tête de Paca Plomberie FCHY (froid, chaud, hydraulique), Omar Belhadj a déjà pris Zinedine sous son aile. « Il est arrivé avec les bases, notamment savoir lire un plan. En revanche, il ne maîtrisait pas certaines techniques », relève-t-il. Rien d’alarmant néanmoins à ses yeux, conscient que trois mois, même intensifs, cela reste une période courte. « L’expérience s’acquiert avec le temps. Les chantiers sont faits pour ça et on a un an pour qu’ils sachent comment bien tenir un outil entre leurs mains », sourit l’entrepreneur.

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95% de réussite au CAP

Pendant cette période d’alternance, les semaines à l’école servent, elles, à préparer l’examen du CAP. Les apprenants le passent à l’issue de leurs 15 mois de formation afin de ressortir avec un diplôme en poche. Ce sera donc d’ici quelques semaines pour Zinedine et le reste de la première promotion. Le futur plombier se veut plutôt confiant après de très bonnes notes aux épreuves blanches. L’École Gustave affiche d’ailleurs un taux de réussite de 95% à l’examen. À titre de comparaison, il est en moyenne de 91% pour les mêmes formations dispensées dans les centres de formation d’apprentis (CFA) du bâtiment de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

L’entreprise de l’ESS revendique en outre 83% de sortie positive pour ses apprenants (c’est-à-dire en emploi durable (CDI, CDD de plus de 6 mois), en formation qualifiante ou diplômante ou en création d’entreprise à leur sortie). De bons résultats qui lui permettent de préparer une quatrième promotion à Marseille. Et la création de nouveaux campus ailleurs en France. ♦

Bonus

# Cinq campus et d’autres à venir – Le premier à avoir ouvert est celui de Saint-Denis (93) en 2021. Suivi par Marcq-en-Barœul, près de Lille, et Marseille. Depuis, deux autres ont vu le jour à Lyon et Bordeaux, bientôt rejoints par Rennes, Toulouse et Strasbourg. « Pour se déployer dans une ville, il faut des entreprises intéressées par le projet et que France Travail le soit aussi », explique Pauline Courbon. L’École Gustave a été cofondée par Marie Blaise, Jérémy Diavet et Cyril Pierre de Geyer. Elle fait partie du groupe Rocket School, dont elle s’est inspirée pour son modèle de formation (bootcamp puis alternance).

# Les soft skills ont la cote dans les recrutements – De plus en plus d’entreprises recrutent leurs salariés en ne regardant plus uniquement les diplômes mais également les fameux « soft skills ». Un terme qui regroupe aussi bien la motivation que les capacités de communication, la créativité, la flexibilité, l’empathie, etc. Une liste loin d’être exhaustive. Plus d’infos en cliquant ici.