Alimentation

Par Frédérique Hermine, le 28 janvier 2025

Journaliste

Planet-Score, le référentiel environnemental indépendant qui monte

À ce jour, 150 000 millions d'emballages ont été passés au crible de Planet Score © Planetscore

À l’heure où les labels se multiplient comme les escargots après la pluie, il n’est pas inutile de faire un focus sur Planet-Score, organisme indépendant et société à mission créée il y a trois ans par des experts et des associations. Il ambitionne de devenir un référentiel complet des démarches environnementales d’une marque, aligné sur des enjeux scientifiques. Quelques exemples dans la filière agroalimentaire.

L’objectif de Planet-Score est audacieux : synthétiser l’ensemble des démarches environnementales d’un domaine ou d’une marque. L’objectif est d’offrir une meilleure traçabilité et une transparence des produits pour les consommateurs. Rendre visibles les sujets sensibles du champ à l’assiette. L’association multiplie donc les conférences et interventions (la dernière en date à l’Assemblée nationale) pour expliquer le concept et les enjeux. Quelque 300 marques de l’agroalimentaire dans une douzaine de pays se sont déjà lancées dans la démarche, dont une demi-douzaine de maisons de la filière Vins et Spiritueux – les emblématiques champagnes Krug et Mercier par exemple sont en cours d’évaluation.

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Cela concerne à ce jour plus de 150 000 millions d’emballages recensés. La liste des entreprises engagées est consultable sur l’appli mobile gratuite de UFC-Que Choisir : QuelProduit. Elles ont choisi de jouer la transparence avec Planet-Score qui va leur « restituer leurs trajectoires avec de la nuance sans tabou et leur fournir des repères et des recommandations pour mettre en place des améliorations », explique Sabine Bonnot. Experte évaluation de la durabilité des systèmes de production chez Planet-Score, elle précise :  « Nous demandons aux entreprises volontaires de nous fournir en toute confidentialité leurs données pour évaluer leur trajectoire. On établit ainsi une échelle à trois facteurs (pesticides, biodiversité et climat) sur cinq niveaux, de vert à rouge, avec un score général ».

Une grille de lecture simple et claire

Le groupe languedocien Exea a été la première entreprise vinicole à afficher son score l’an dernier. Et à accoler son nouveau label sur ses bouteilles de vins bio Château Tour de Montrabech. Famille d’Exea est à la tête de 240 hectares de vignes sur quatre domaines (Châteaux de Sérame, d’Argens, Tour de Montrabech et Abbatiale de Leingoust) dans plusieurs appellations du Languedoc (AOP Minervois, Corbières et IGP Pays d’Oc). Des informations telles que la taille du vignoble, des parcelles, le pourcentage de haies, l’itinéraire technique de fertilisation, d’irrigation, la couverture des sols… ont dû être fournies.

Famille d’Exea-Planet Score©F.Hermine

« Quand les données sont certifiées par d’autres organismes comme HVE, Ecocert pour le bio, Demeter pour la biodynamie, nous nous en servons car il est inutile de doublonner, commente Sabine Bonnot. On retranscrit ensuite les informations dans un référentiel avec des nuances selon la région et le secteur d’activité pour obtenir une grille de lecture simple et claire, de la vigne au verre ». Exea s’est donc vu attribuer un B global, A pour les pesticides (les vignes sont certifiées Demeter) et le climat, un B+ pour la biodiversité. Un bon classement dû notamment à la plantation depuis 2021 de 5000 arbres et arbustes par an.

Exea toujours “work in progress »

Exea s’est engagé dans une démarche de « transparence complète », notamment pour le château d’Argens en biodynamie. Il a, en parallèle, étoffé sa démarche RSE et engagé un bilan carbone complet « pour bénéficier d’indicateurs plus précis et chiffrés, précise le directeur Aymeric Izard. Car pour progresser, le processus est lent. Et nos plantations de haies en espèces endémiques sont encore jeunes ».

Cette entreprise réfléchit également à réduire la taille des parcelles en replantant des arbres de toutes tailles dans celles existantes. Il expérimente la production de jus et de cosmétiques à partir de figues de barbarie. « Nous avons déjà une quinzaine d’hectares d’oliveraies, complète Aymeric Izard. Nous étudions la possibilité de semer dans nos champs des céréales africaines moins gourmandes en eau. Mais leur implantation n’est pas évidente ». L’idée des amandiers, hydrophiles, a été abandonnée ; et les pistachiers génèreraient des résultats aléatoires et à trop long terme.

Par ailleurs, la famille d’Exea a réduit l’empreinte de ses packagings avec l’utilisation de papier recyclé sans aluminium ni dorure pour ses étiquettes, d’encres minérales naturelles, de cartons recyclés, de bouteilles allégées pour certaines gammes. Autant d’actions qui visent à améliorer encore le Planet-score.

Plantation de haies-Vignobles d’Exéa avec l’association d’insertion IDEAL ©DR

150 millions d’emballages étiquetés

S’il n’y a pas encore vraiment de bonus à afficher les labels, ils permettent de récolter des données et des diagnostics croisés et pas seulement d’avoir une trajectoire carbone sur les ACV (Analyse du Cycle de Vie). Le prix de l’évaluation par référence est compris entre 10 et 100 euros, auquel s’ajoute un abonnement annuel en fonction de la taille de l’entreprise (à partir de 300 euros). Le label obtenu peut être affiché sur les bouteilles et les fiches techniques envoyées aux acheteurs. « Notre plus grande satisfaction en 2024 est que Carrefour ait inclus le Planet-Score comme critère de référencement des marques nationales, estime Sabine Bonnot. Et que l’autorité de la concurrence ait estimé qu’un label de notation indépendant comme le nôtre participe à l’amélioration de la durabilité, indicateurs scientifiques à l’appui ».

Un engagement global sans greenwashing

On parle donc énergies fossiles, déforestation, usage des sols, gaz à effet de serre, biodiversité à travers une valeur écologique complète. Pas moins de 25 indicateurs pour cerner tous les enjeux et un fort engagement en matière de compensation carbone. Pas de greenwashing, mais un engagement global. « Car les petits gestes ne suffiront pas, déplore Fabrice Bonnifet, président de C3D, Collège des Directeurs de Développement Durable regroupant 400 entreprises favorables à des modèles régénératifs. La seule solution est de modifier les modèles économiques systémiques, pousser les conventions citoyennes locales et les systèmes coopératifs, mettre plus de circularité avec réemploi, recyclage, des produits durables. Packagings et transports doivent être moins gourmands en CO2. L’idée est de fabriquer moins de produits mais de les utiliser plus. Une approche holistique pour mettre en place la décarbonation sera plus efficace que de multiplier les bilans carbone, souvent faux ».

Pour cela, il faut éduquer les acteurs de l’agroalimentaire et les consommateurs. Le label a d’ailleurs bénéficié du soutien de Mediaperformances, régie publicitaire certifiée BCorp qui a amélioré la notoriété via des spots diffusés dans plus de 300 grandes surfaces (Carrefour, Système-U, Intermarché, Cora…). Son affichage ne sera hélas pas obligatoire en France en 2025 dans l’attente d’un cadre européen.

Des bilans carbone remis en cause

Chez Ninkasi, un réseau de 26 brasseries en Rhône-Alpes, il s’agit de s’enraciner dans son territoire et de mettre en avant l’utilisation de matières premières les plus locales possibles. « Après la stratégie RSE, nous nous sommes tournés vers Planet-Score pour une production régénérative et pour une pédagogie auprès de consommateurs responsables, précise son dirigeant fondateur Christophe Fargier. Les indicateurs de résultats nous y aident. Le bilan carbone nous semblait utile, mais il est parfois contre-productif. En arrêtant par exemple les fûts au profit des bouteilles pendant le Covid, nous avons été sanctionnés par un mauvais indice de progression. Nous nous sommes donc concentrés sur l’écoconception. On a expérimenté aussi la consigne, intégré une part de malt bio dans nos recettes, travaillé à une relation plus directe avec nos fournisseurs, proposé davantage d’alternatives à la viande dans nos restaurants… ».

Chez Daucy, groupe coopératif breton de 1600 agriculteurs, on compte sur l’effet papillon. « Quand on est gros, on a le pouvoir d’agir, estime la directrice RSE Armelle Guizot. On accompagne les agriculteurs pour qu’ils vivent mieux leur métier en étant acteurs de la transition alimentaire. Ça passe par la transparence qui permet la conscience et la traçabilité des données. On ne réussira pas la transition par l’assiette si l’on n’a pas tous la même grille de lecture. Aujourd’hui, nous avons une cinquantaine de produits affichant le logo parmi nos conserves et surgelés de légumes… Cela permet d’identifier dans le cadre coopératif les meilleures pratiques et de les déployer ensuite à grande échelle ». ♦