ÉducationSolidarité
Et si tous les enfants allaient à « L’École de la générosité » ?
L’École de la générosité porte extrêmement bien son nom. Alors que l’on parle de cours d’empathie pour lutter contre le harcèlement scolaire et que les enfants grandissent dans un monde très individualiste, cette association offre aux enseignants un programme gratuit au service de la cohésion sociale, de la solidarité et de l’action citoyenne. Depuis 2012, plus de 20 000 enfants ont été sensibilisés partout en France. Reportage à Marseille dans une classe de CM2.

Ce vendredi après-midi, les CM2 de l’école du Sacré-Cœur à Marseille, ont du courrier. Philomène Empathie leur a de nouveau écrit pour les aider à devenir de petits philanthropes. Et c’est Fanny Caubet-Diadema, bénévole à L’École de la générosité qui joue la factrice. Créée en région parisienne en 2012, à l’initiative des Fondations Edmond de Rothschild, cette association ambitionne d’ouvrir les enfants aux autres, de favoriser la cohésion sociale et de les amener à soutenir concrètement une cause. Elle a déjà sensibilisé plus de 20 000 enfants en France, grâce à la participation d’une centaine d’enseignants chaque année, dans des établissements publics comme privés.
Des ressources gratuites

L’École de la générosité met gratuitement à disposition des enseignants des ressources clés en main sur la pédagogie de projet. Les volontaires reçoivent un guide à suivre à leur rythme au fil de l’année scolaire (environ 13 heures d’activités) pour favoriser l’esprit critique, l’empathie et l’engagement. Autant d’enjeux de l’enseignement moral et civique (EMC). Ils ont aussi à leur disposition un annuaire d’associations partenaires pour choisir celle avec laquelle ils coconstruiront leur projet.
Un programme socle « développé avec des enseignants, qui fait ses preuves depuis dix ans, qui est aujourd’hui mis en œuvre dans presque toutes les académies et dans tous les niveaux de primaire », détaille Chloé Laudereau, responsable de l’association. D’abord destiné aux élèves de CM1-CM2, il s’est ouvert aux CE2 il y a quelques années. Et a récemment été décliné dans une version simplifiée pour les CP-CE1.
Six causes à départager

« Philomène est une journaliste, explique Fanny Caubet-Diadema. Elle envoie une première lettre aux enfants pour introduire le vocabulaire et la notion de philanthropie. Puis une seconde pour présenter les grandes causes qu’elle défend, en leur donnant des revues de presse pour qu’ils travaillent sur les différentes thématiques. Et enfin, une dernière pour introduire les exposés que les enfants vont faire sur les différentes causes. »
C’est cette dernière lettre que les élèves du Sacré-Cœur découvrent lors de cette séance d’une bonne heure et demie. Ce jour-là, ils deviennent des ambassadeurs de la cause qu’ils présentent à la classe en petits groupes. Pour obtenir un maximum de votes de la part de leurs camarades. Car c’est la cause qui obtient le plus de voix qui sera ensuite défendue.
Accès à la culture pour tous, à l’éducation, à la santé, protection de l’environnement, lutte contre la pauvreté et l’exclusion, défense des droits humains. Chacun de ces thèmes bénéficie d’un plaidoyer, parfois timide, parfois plus militant, panneaux d’illustration à l’appui. Certains étant même mis en valeur par des diaporamas et des maquettes. Et c’est l’accès à la santé qui l’emporte, lors du vote à bulletin secret.
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Une cause qui avait déjà été retenue il y a deux ans. Car Faustine Damaz, leur professeur des écoles, connaît déjà sa quatrième rentrée avec Philomène Empathie… Et avec Fanny Caubet-Diadema, son binôme dans l’expérience. Un cas particulier puisque les enseignants mettent généralement en œuvre le programme seuls, en toute autonomie. « Au début on proposait un accompagnement bénévole, rembobine la responsable de L’École de la générosité, et certains binômes ont perduré. »
« Outiller les enseignants »
« Aujourd’hui, on a plutôt la volonté d’outiller les enseignants, notamment avec Canopée, l’opérateur de formation de l’Éducation nationale. Mais il y a une phase d’engagement, de septembre à novembre, pendant laquelle on organise des séminaires de présentation pour ceux qui sont intéressés. Puis, tout au long de l’année, on leur propose des temps d’échange réguliers. On travaille aussi avec des inspecteurs pour les impliquer davantage et sur une plateforme de communication plus large pour toucher directement les enseignants. On n’a que de très bons retours, mais il faut que de plus en plus d’enfants puissent en bénéficier.»
Des enfants acteurs

« C’est très peu connu, regrette Faustine Damaz, qui saisit chaque occasion d’en parler à des collègues. Alors que c’est bien fait et que c’est hyper intéressant. » Et de lister tous les atouts de ce programme : « On est vraiment dans de la transversalité puisqu’on aborde des notions d’EMC, d’histoire, de géographie, de français, de maths… Les enfants sont acteurs de leurs apprentissages. Ça fédère. Et clairement ça renforce leur empathie. » « Il n’y a pas eu une année avec peu d’engouement », prolonge Fanny Caubet-Diadema. Cette cheffe de projet à impact est venue à cette association par amour de l’école et des échanges avec les enfants : « C’est chouette, c’est toujours enrichissant. On leur montre qu’être généreux, ce n’est pas forcément donner de l’argent. »
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La première année, les élèves avaient choisi de soutenir Sea Shepherd – qui lutte contre la destruction de la vie et de l’habitat marin – en fournissant des quizz de sensibilisation et en vendant des produits dérivés. La seconde, ils avaient œuvré pour Le rire médecin – qui divertit les enfants hospitalisés. « Ils avaient fait des dessins plastifiés pour les jeunes malades et des carnets de blagues, porté des nez de clowns, organisé une vente de gâteaux au profit de l’association… » énumère la bénévole. Et l’an dernier, ils ont aidé Pépins, une pépinière de quartier, en réalisant des supports de communication originaux comme une BD et un jeu de 7 familles.
Cette année, c’est pour L’École au présent – qui accompagne des familles extrêmement précaires – qu’ils vont porter un projet. Leur projet, échafaudé en fonction des besoins de l’association qu’ils ne vont pas tarder à découvrir. Lors de la prochaine séance, sa fondatrice Jane Bouvier viendra elle-même en discuter avec eux. « Et si toutes les idées qu’on donne, ils les ont déjà faites ? » lance un élève. « Je suis sûre que vous en trouverez de nouvelles » le rassure Fanny. ♦
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Bonus
[pour les abonnés] L’école de la philanthropie – L’appui de France Générosités –
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# De L’école de la philanthropie à celle de la générosité. À sa création, l’association était nommée « L’école de la philanthropie ». Elle s’est déployée dans plusieurs villes françaises dès 2016 grâce au soutien de la Fondation de France. Puis sa plateforme, mise en ligne en 2018, lui a permis d’élargir encore son public. Elle s’appelle désormais L’école de la générosité. Un terme mieux compris que philanthropie.
# L’appui du syndicat France générosités. Depuis septembre 2023, L’École de la générosité s’est rapprochée du syndicat professionnel France générosités. Elle bénéficie ainsi d’un appui important, financier et opérationnel. De par l’expertise mais aussi le réseau de cette structure rassemblant les grands acteurs de la solidarité.