Santé
SaMouvE : le sport santé qui équilibre le corps et l’esprit
Les adhérents de l’association Santé Mouvement Équilibre se réunissent les mardis et jeudis à Toulouse. Durant les heures consacrées à la gymnastique et au karaté, il n’y a plus de maladie ou de handicaps pour freiner l’envie de se dépenser et de se détendre dans une ambiance de franche camaraderie et de bienveillance.
Il est bientôt 18 h. La porte de la salle de sports s’ouvre et une jeune femme apparaît. Le haut de son kimono noué d’une ceinture orange. Prénommée Umus, elle est la benjamine des adhérents de l’association Santé Mouvement Équilibre (SaMouvE). Elle reçoit les félicitations chaleureuses de ses camarades. Elle vient de passer un nouveau grade avec succès, consacrant sa maîtrise de mouvements d’autodéfense du karaté. Umus n’est pas peu fière mais confie très humblement : « Les premiers niveaux sont les plus faciles. C’est après que ça devient plus compliqué ».
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Jean-Pierre Bergez, qui encadre les cours de gymnastique posturale et d’arts martiaux santé de ce mardi au gymnase de Gironis à Toulouse, et Antoine Trin, le président de SaMouvE, qui entraîne Umus le lundi à Cugnaux (au sud de Toulouse), confient que la jeune sportive est appliquée. Elle apprend vite. Elle a d’autant plus de mérite qu’elle est mal-voyante et a débuté le sport avec de gros problèmes d’équilibre. Sa progression, elle la doit à sa volonté de fer ainsi qu’au professionnalisme et à la bienveillance de ses coachs.
Des cours collectifs mais un suivi individuel
Le cours de gym peut débuter. Jean-Pierre Bergez est concentré et attentif. Bien qu’il ait un collectif face à lui, il sait les forces et les faiblesses de chacun des participants. Il intervient sans brusquer pour rectifier un mouvement. Conseille quand il le faut. Mais surtout, il décortique les exercices à voix haute, détaille les placements pour que les postures soient sûres et pas mal ou vite exécutées. « C’est pour cela que c’est un très bon enseignant. Il nous connaît tous avec nos parcours. Il s’adapte et respecte nos fragilités », indique Franck, qui a rejoint SaMouvE il y a quelques années.

Depuis 2014, l’association est au service des personnes en situation de handicap – celles atteintes de maladies chroniques, patients en traitement ou en rémission, seniors qui souhaitent pratiquer un sport adapté… et tous ceux dont l’état de santé est altéré par des difficultés passagères comme durables. L’idée n’est pas de se fatiguer, mais de se réapproprier son corps, de trouver un bien-être et un équilibre par l’activité physique.
C’est ce que Laurent est venu chercher, il y a six mois, lorsqu’il s’est inscrit. Et pourtant, il a hésité. « Être handicapé et entre handicapés, ça m’a plutôt freiné. Mais, tout compte fait, nous nous comprenons. Il y a des personnes avec des problématiques de santé différentes des miennes. Et j’ai trouvé un groupe accueillant, motivé, joyeux ». Les progrès de Laurent sont certains. Hémiplégique du côté gauche, il reconnaît qu’il a repris confiance et qu’il a gagné en souplesse et en mobilité.
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Chacun à son rythme avec la possibilité de s’aider de chaise, de barres
Jean-Pierre Bergez élabore son cours de gym posturale en fonction des besoins, mélangeant le Pilate, le yoga et d’autres méthodes. Chacun va à son rythme, peut s’assoir quand il est nécessaire de faire une pause, s’aider des barres fixées au mur ou d’une chaise. Le professeur se faufile, sans bruit. Toujours à pas feutrés, comme s’il glissait, pour ne pas déranger les pratiquants en action. Le sport, c’est toute la vie de cet éducateur spécialisé. Jean-Pierre Bergez pratique les arts martiaux et le tennis de table depuis très longtemps.

« Le handisport et le sport santé l’ont intéressé jusqu’à passer un diplôme STAPS activités adaptées à Paris et à se perfectionner en continu », indique Antoine Trin, le président de SaMouvE. Formé à la problématique du sport et du cancer, Jean-Pierre est à l’origine de la création de la CAMI 31. « Il a commencé à donner des cours à des personnes en chimiothérapie à l’Oncopole de Toulouse. Le sport santé pratiqué durant un traitement très lourd aidait les patients à mieux le supporter. Mais au sortir des soins, ils n’avaient pas forcément d’activités pour prolonger la remise à niveau. SaMouvE s’est constituée pour cela », poursuit Antoine Trin.
Au début, les activités proposées comprenaient le tennis de table, la gymnastique santé, le para-karaté et le karaté santé. Après un déménagement au gymnase de Gironis, le tennis de table a dû s’arrêter. La nouvelle salle qui lui est dédiée, à l’étage, n’est pas accessible aux fauteuils. Des travaux sont toutefois à l’étude pour placer un ascenseur ou un monte-charge. « En revanche, l’espace où se déroulent les sports maintenus, qui ont lieu le mardi et le jeudi, est accessible à tous ainsi que les vestiaires et les toilettes », précise le président de SaMouvE.
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L’exercice physique diminue la douleur, le stress, renforce l’estime de soi
« Ichi »*, lance Jean-Pierre Bergez qui a enchaîné avec le cours de karaté. Le professeur dicte les mouvements tout en veillant au grain. Replace un pied mal positionné, aide un participant à se retourner en ralentissant le rythme. Démonstration de Kata**. Chacun son tour. La concentration se lit sur les visages. Tout le corps travaille. Même les parties que la vie a meurtries. Il est clair que l’exercice physique diminue la douleur, allège le quotidien, lutte contre le stress. La tête se vide. On se relâche et ça rigole. Laurent est tout sourire. Umus l’amuse dans sa recherche de perfection. Elle râle parce qu’elle pense avoir raté ses postures tout en se moquant d’elle-même.

Cette camaraderie, ce lien, c’est aussi tout ce qui fait la différence et qui donne envie de venir suer sur les tapis. « La rencontre avec d’autres personnes, quand on est isolé par le handicap ou la maladie, est primordiale. Pendant une heure et demie, deux heures, on communique avec d’autres. On plaisante. On gagne en estime de soi. L’aspect psychologique est très important », témoigne Antoine Trin. Et il sait de quoi il parle.
Des problèmes de santé très graves, une complication neuromusculaire rencontrée en réanimation, l’ont privé des muscles releveurs des pieds. Sans eux, il ne peut plus fléchir, courir, sauter. Se déplace avec une canne. « Je suis venu au para-karaté pour compléter mes séances de kiné. Depuis deux ans, les arts martiaux ont remplacé la rééducation. Je suis donc un exemple de ce que peut apporter le sport santé ». Antoine s’est depuis pris au jeu des grades. A passé son premier dan en 2023 et enseigne le para-karaté. Le cours animé par Jean-Pierre touche à sa fin. On se salue avec respect. Le teint un peu rougi par l’effort consenti. La banane aux lèvres. ♦