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Par Audrey Savournin, le 1 avril 2025

Journaliste

« Refaire Surface » avec le sport-santé

Diabète, pathologies cardiovasculaires, obésité, affections musculo-squelettiques… Plus de 20 millions de Français souffrent de maladies chroniques qui entraînent une diminution de leur qualité de vie et des coûts de santé publique élevés. Pour y remédier, le Plan National Sport Santé encourage la prescription du sport sur ordonnance en tant qu’outil thérapeutique et de prévention. Illustration avec l’association marseillaise Refaire Surface, qui additionne les bienfaits du mouvement et ceux des pratiques (sub-)aquatiques.

Michèle a fini sa chimiothérapie en janvier. Guillemette souffre d’obésité. Et Aurélien Guillois est là pour les aider à reprendre une activité physique régulière. En douceur, à leur rythme, en tenant compte de leur forme, de leurs craintes et de leurs besoins. Co-fondateur de l’association marseillaise Refaire Surface, créée en 2024, ce moniteur de plongée a choisi d’évoluer du loisir vers la santé. Un domaine que maîtrise l’autre co-fondatrice Marianne Morini.

Depuis octobre, ils proposent des séances collectives de marche aquatique et de randonnée palmée en mer; d’aquagym et de nage en piscine ; de plongée et d’apnée à l’extérieur comme à l’intérieur. Des activités physiques adaptées (APA), c’est-à-dire qui tiennent compte de la condition médicale de chaque participant et sont reconnues comme une thérapeutique non médicamenteuse par la Haute Autorité de Santé depuis 2011.

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Économiser 1,5 milliard d’euros par an

Guillemette et Michèle vont se jeter à l'eau avec Aurélien Guillois
L’APA a notamment un impact positif sur l’obésité et le cancer. Alors Guillemette et Michèle vont se jeter à l’eau. © AS

Car plus de 20 millions de Français souffrent d’affections longue durée (ALD) détériorant leur qualité de vie : maladies cardiovasculaires ou musculo-squelettiques, diabète, cancers, obésité ou encore dépression (voir bonus) sur lesquelles l’activité physique a un impact positif. À plus forte raison quand elle est pratiquée dans l’eau, ce qui protège les articulations. Voire sous l’eau, ce qui apporte encore davantage de détente et d’apaisement. Et selon une étude de la Caisse nationale de l’assurance maladie, un programme d’APA peut réduire de 50% à 70% les dépenses de santé liées au diabète de type 2, à l’hypertension ou à la dépression. Faire progresser le taux de pratique régulière de 10% pourrait permettre d’économiser 1,5 milliard d’euros par an.

D’où à la mise en place du Plan National Sport Santé (2019-2024) introduisant le Sport Santé sur Ordonnance (SSO), adapté aux capacités et besoins de chacun. Des parcours incitant les personnes atteintes ou à risque de maladies chroniques et de perte d’autonomie à pratiquer régulièrement une APA. Depuis le décret de 2016 sur le sport sur ordonnance, les médecins peuvent ainsi les prescrire aux patients souffrant d’une affection de longue durée (ALD), qui ont besoin d’être encadrés par des éducateurs sportifs spécifiquement formés (voir bonus), comme Aurélien Guillois.

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« Le meilleur médicament non invasif »

Aurélien Guillois
“On est dans le sport réparateur”, précise Aurélien Guillois. © AS

« L’activité physique est un des meilleurs médicaments non invasifs, assure-t-il. Les femmes ayant eu un cancer du sein par exemple voient leur risque de récidive diminuer de 40%. On n’est pas dans la performance, le dépassement, mais dans le sport réparateur, qui permet de se sentir vivant, d’accompagner la santé mentale. » C’est d’ailleurs précisément ce que vient chercher Michèle, venue avec sa propre combinaison et ses bottillons thermiques. Car la Méditerranée est à 12 degrés en ce matin venteux de février. Et c’est une séance de gym en mer qui est au programme.

Rendez-vous a été donné à Malmousque, au club de plongée Le Dantes’que. Il accueille des légionnaires, le grand public et Refaire Surface. « Avant mon cancer du sein, je pratiquais le longe-côte avec les Excursionnistes marseillais. Mais je viens de finir ma chimio et je suis trop affaiblie pour reprendre avec mon club, c’est trop sportif, confie-t-elle. Alors j’essaie de m’y remettre progressivement en venant ici. J’espère que ça va aller… »

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Adepte elle aussi des activités aquatiques, en particulier en mer, Guillemette a été aiguillée par le centre de l’obésité de l’hôpital Saint-Joseph. « Je faisais de la natation l’an dernier, mais pas cette année », reconnaît-elle. Consciente de devoir reprendre, mais pas tout à fait rassurée. « Il ne faut pas trop faire monter mon rythme cardiaque », prévient-elle, alors qu’Aurélien Guillois l’équipe d’un capteur pour l’enregistrer.

Des séances collectives très individualisées

Aurélien Guillois
Marche, nage, exercices, le moniteur alterne les mouvements et veille au bien-être des pratiquantes. © AS

Deux profils très différents qui impliquent un suivi individualisé. « Les groupes peuvent être constitués d’une à huit personnes et mêler différents types de pathologies, développe le moniteur. On adapte l’activité à chacun. Michèle a besoin de mouvements doux, qu’elle puisse faire malgré sa chambre implantable (Ndlr : boîtier placé sous la peau, utilisé en chimiothérapie) et sa fatigue. Guillemette, elle, a besoin de faire un effort d’intensité modérée, pendant une quarantaine de minutes, pour son hypertension. »

 

Dans l’eau avec elles, il va les guider dans les exercices, le rythme à adopter, le degré d’effort à aller chercher. Le tout avec une extrême bienveillance. Il n’a pas accès aux dossiers médicaux, mais peut s’appuyer sur l’ordonnance et sur un questionnaire qu’il transmet en amont. Une autoévaluation en ligne de la fatigue, du sommeil, des objectifs…

Lever les freins

En sortant de l’eau, les deux femmes affichent un large sourire. Elles reviendront la semaine suivante, pour une nouvelle séance encore mieux adaptée puisqu’Aurélien les connaîtra davantage. « L’idée est d’arriver à cette régularité hebdomadaire, pour avoir les effets escomptés sur la santé », explique-t-il. Ce qui peut être compliqué pour les activités en mer. Puisque l’association n’en propose pour l’instant qu’au Dantes’que, sur le littoral sud. Mais elle réfléchit à une autre implantation au nord, à L’Estaque. Et les créneaux en piscines municipales offrent d’autres possibilités.

Aurélien Guillois dans l'eau avec Michèle et Guillemette / Refaire surface
Pour rendre ces activités accessibles, Refaire Surface ne facture que 25 euros les 4 séances et les propose à un tarif libre aux plus en difficulté. © AS

Reste un frein majeur : le coût. D’autant que « souvent la pathologie vient de la précarité » et que « certains malades ne peuvent plus travailler ». Car si l’ordonnance apporte une incitation forte, elle ne garantit pas une prise en charge. Les APA sont rarement remboursées et « les activités en mer sont souvent coûteuses », reconnaît Aurélie Guillois. Pour les rendre accessibles, Refaire Surface ne facture que 25 euros les 4 séances (45 euros les 8) et les propose à un tarif libre aux plus en difficulté. « On organise un modèle économique avec du mécénat et des subventions. »

Les patients peuvent être orientés par des médecins, des centres de soin ou des Maisons Sport Santé (voir bonus). Et ceux souffrant de diabète peuvent bénéficier d’un programme spécifique gratuit piloté par Marseille en forme. Ce sera bientôt aussi le cas des patientes atteintes d’endométriose. ♦

 

Refaire Surface : 06 52 36 83 77. contact@refaire-surface.fr.
Cinq séances par semaine : au Dante’sque à Malmousque (7e), aux piscines Pont de Vivaux (10e), René Magnac (8e) et Vallier (4e). Programme détaillé sur :
refaire-surface.fr.

Bonus

plongée
D’autres APA sont proposées, dont la plongée sous-marine ou l’apnée. © DR

# Des éducateurs sportifs formés – Des éducateurs sportifs diplômés d’État (BPJEPS, DEJEPS), titulaires du Certificat Complémentaire “Intervenir en Activité Physique pour la Santé” (CCIAPS), développé par le ministère des Sports, l’ARS PACA, la CPAM, le CREPS PACA et Azur Sport-Santé, encadrent les APA. Ils sont ainsi formés à adapter, encadrer et sécuriser l’activité physique en fonction des capacités fonctionnelles des bénéficiaires. Mais aussi à les éduquer à la santé. Pour les accompagner vers une pratique durable et à collaborer avec les professionnels de santé.

# Les Maisons Sport Santé – Depuis 2019, les Maisons Sport Santé accueillent, informent, font un bilan et orientent le public vers des APA, partout en France. Elles mettent également en réseau des professionnels de santé, du social, du sport et de l’activité physique adaptée.

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# Des résultats évalués et chiffrés – Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une APA régulière réduit de 30% le risque de maladies cardiovasculaires, notamment d’AVC et d’infarctus. De 40% à 50% le risque de développer un diabète de type 2 (et fait reculer les besoins en insuline des malades de 25% à 30%). De 30% à 40% les douleurs associées à l’arthrose. Selon l’Institut National du Cancer, l’APA diminue de 20% à 30% le risque de développer certains types de cancer, notamment du côlon, du sein et de la prostate.

randonnée palmée
Plutôt natation en piscine ou randonnée palmée ? Chacun peut être aiguillé vers l’activité qui lui conviendra le mieux. © DR

D’après une étude de l’American Psychological Association, 30 minutes d’exercice modéré peuvent atténuer de 20% à 30% les symptômes liés au stress et à l’anxiété. Et estomper les troubles du sommeil chez environ 60% des personnes âgées en souffrant. Cela impacte aussi le risque de développer une démence, la maladie d’Alzheimer ou la dépendance des personnes âgées. Selon une étude de l’American Heart Association, une activité physique régulière d’au moins 2h30 par semaine permet de prolonger l’espérance de vie de 3 à 5 ans. Cela réduit le risque de décès prématuré de 30% à 40%.

♦ Légende photo de Une – Pour rendre ces activités accessibles, Refaire Surface ne facture que 25 euros les 4 séances et les propose à un tarif libre aux plus en difficulté. © AS