Aménagement

Par Jean-Baptiste Pietri, le 4 avril 2025

Architecte, fondateur de l'agence Pietri Architectes

Marseille, la verticalité comme signal d’ambition urbaine

@PietriArchitectes – Constructa Les Editeurs Urbains

[tribune] L’urbanisme est une affaire de vision, d’ambition et d’adaptation à une réalité économique et sociale en perpétuel mouvement. Marseille, ville d’histoire et de contrastes, a longtemps éprouvé des difficultés à faire passer ses transformations urbaines.

L’exemple de la rue de la République en est une illustration parlante. Conçue comme une grande percée urbaine au XIXe siècle pour relier le cœur de Marseille à son port en pleine expansion, cette artère n’a jamais pleinement trouvé sa vocation, restant le témoin d’une volonté d’intégration urbaine inaboutie. Il aura fallu attendre le programme Euroméditerranée et la mutation économique du port pour qu’un basculement de la ville opère et qu’un nouveau visage de Marseille émerge.

Le signe d’un renouveau du territoire

Dans ce contexte de transformation, la verticalité architecturale a été choisie comme un levier fort, un signal d’une nouvelle ambition. Si les tours sont aujourd’hui une réalité dans le paysage marseillais, elles n’ont pourtant pas été une évidence dans leur conception ni dans leur acceptation. Pourquoi des tours ? Parce qu’au début des années 2000, une volonté nouvelle s’affirme : celle de donner à Marseille une image moderne, ouverte sur le monde et en phase avec les grandes métropoles internationales. Ce choix ne vient pas des promoteurs eux-mêmes, mais d’une volonté politique et urbaine. Une impulsion d’Euroméditerranée qui a fait le pari de la verticalité pour signifier le renouveau du territoire.

Des coûts et processus qui sont autant de défis

Construire en hauteur est un défi, particulièrement en France, où ce modèle urbain reste marginal par rapport à d’autres pays comme les États-Unis ou les Émirats arabes unis. Les coûts de construction sont plus élevés, les processus plus complexes, et l’acceptation sociale plus difficile à obtenir. Pourtant, après vingt ans d’efforts, le pari a été relevé. Dans une ville historiquement populaire, où les moyens économiques ne permettent pas toujours d’accéder à des infrastructures d’une telle ampleur, ces projets ont su trouver leur place, transformant la skyline marseillais.

Deux tours déjà construites représentent des visions architecturales différentes. La tour CMA-CGM (dessinée par Zaha Hadid) est fondamentale, car elle a permis de montrer qu’il était possible de réaliser des immeubles de grande hauteur à Marseille. Elle a agi comme un aimant, attirant l’urbanité du sud vers le nord, devenant l’amer du quartier Euromed et sa nouvelle limite géographique : sa forme dessinée et si singulière met en évidence une architecture très technique et très fluide.

À l’opposé, La Marseillaise, signée Jean Nouvel, a choisi une architecture « contextuelle » privilégiant un « effacement » par la couleur, le bleu de la mer, le blanc des rochers, le rouge des toitures et des traitements de façade en lien avec leur orientation solaire.

La nouvelle aura de Marseille

Le dernier projet en date du cabinet Pietri Architectes, M99, s’inscrit dans cette dynamique. Son nom n’est pas anodin : il est l’héritier du projet H99, débuté en 2008 avec une hauteur de 99 mètres. Rebaptisé en 2022, M99 fait écho à la nouvelle aura de Marseille, avec ce « M » qui symbolise à la fois la ville et l’entreprise familiale porteuse du projet. Ce changement de dénomination illustre bien l’évolution du regard porté sur la ville : hier reléguée au rang de grande métropole en devenir, Marseille revendique désormais son statut de pôle d’attractivité affirmé.

Tour M99, un des symboles du renouveau vertical de Marseille © Pietri Architectes

Aujourd’hui, en contemplant les tours qui jalonnent Euroméditerranée, il est impossible de nier le changement de perspective opéré. Des bâtiments iconiques comme la tour La Marseillaise ou la future M99 attestent d’une ville qui assume son renouvellement, tout en restant ancrée dans sa réalité sociale. La verticalité n’est pas qu’un choix architectural : c’est une déclaration d’intention, un message envoyé au reste du monde. Marseille n’est plus seulement un port tourné vers la Méditerranée, elle est une ville-monde en devenir, prête à assumer pleinement son avenir. ♦

# Bio

Jean-Baptiste Pietri, originaire de Marseille et diplômé de l’école d’architecture de Paris-Belleville, a fondé son agence en 2001. Sa signature : une architecture solaire, aux formes arrondies et aux tons blancs calcaires, généreuse et respectueuse de son environnement.

Jean-Baptiste Pietri @DR

 

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