EnvironnementMobilité

Par Audrey Savournin, le 5 mai 2025

Journaliste

Voyager autrement avec le vélo-caravane solaire

Les vélos à assistance électrique inventés par Thomas Millès tractent des panneaux solaires sur une étroite remorque se transformant en tente la nuit venue. © DR

En dix mois, un couple de Marseillais a parcouru 11 000 km en pédalant et en prenant le temps de découvrir paysages et habitants. Leur vélo à assistance électrique, inventé par Thomas Millès, tracte des panneaux solaires sur une étroite remorque se transformant en tente la nuit venue. Grâce à cet équipement unique, ils sont partis de l’Équateur, pour longer la cordillère des Andes jusqu’à l’Argentine.

Céline Baur et Thomas Millès sont marseillais, mais c’est par appel Whatsapp que l’échange s’organise. Le couple de trentenaires se trouve à Rio de Janeiro, après dix mois passés à pédaler le long de la cordillère des Andes et à faire essentiellement du camping sauvage. De l’Équateur au Chili, en traversant le Pérou, la Bolivie et l’Argentine : 11 000 km sur la selle, à tracter chacun une remorque de 35 kg qui, paradoxalement, leur facilite grandement la tâche et la vie.

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À peine plus larges que leurs guidons, longues de 2m40, elles sont équipées de panneaux solaires reliés aux batteries lithium implantées sur les vélos. Et se transforment en « caravanes » sommaires le soir venu. Les cyclistes y posent leurs matelas et y déplient les tentes intégrées. Un équipement sur-mesure conçu par Thomas, ingénieur en conception mécanique, spécialisé jusque-là dans les engins nautiques. Expédié par container de Marseille à Guayakil, arrivé avec un mois de retard et resté un temps bloqué à la douane.

Un équipement unique pour un voyage unique

vélos-caravanes solaires
Les vélos à assistance électrique inventés par Thomas Millès tractent des panneaux solaires sur une étroite remorque se transformant en tente la nuit venue. © DR

« Il existe des vélos solaires, des vélos électriques qui tractent de petites caravanes, mais les deux ensemble, je n’avais jamais vu », résume-t-il. Et nous non plus ! Gros avantages : « Non seulement on est totalement autonomes, mais on dort confortablement, poursuit-il. C’est beaucoup moins contraignant que de voyager en bus, on est libres, on n’a rien à planifier. Pour aller de Cuzco au lac Titicaca, on a mis dix jours quand des back packers (voyageurs avec sac à dos – Ndlr) ont mis un jour et demi. Mais ça nous permet de passer beaucoup plus de temps dans la nature et d’en profiter. »

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« Tout le parcours fait le voyage, prolonge Céline. On découvre des lieux plus authentiques, plus typiques, où les habitants ne voient presque jamais de touristes. On fait de magnifiques rencontres humaines. C’est beaucoup plus facile de s’arrêter. On a juste à retirer le pied de la pédale. Tout peut être une visite potentielle, c’est hyper chouette. Et le changement de paysage est plus progressif. » « On passe 90% du temps dans des endroits qui ne sont pas dans les guides », ajoute son compagnon. Tout en parcourant de plus grandes distances qu’à vélo musculaire. Et avec moins de contraintes qu’en transportant une tente.

La liberté, le confort et le rythme idéal

Les vélos à assistance électrique inventés par Thomas Millès tractent des panneaux solaires sur une étroite remorque se transformant en tente la nuit venue. © DR
Rouler deux fois plus vite qu’avec un vélo musculaire (environ à 24 km/h) leur donne davantage le temps de profiter du paysage. © DR

« On arrive, on ouvre les remorques et on a un confort énorme ! On peut même régler les pieds au millimètre près pour être bien à l’horizontale ! Si on est fatigué, on s’arrête et on dort !»  Quant aux repas, ils peuvent être pris à table : le sommier en époxy, matière ultra légère des planches de surf, se transforme avec l’ajout de quatre pieds. Le réchaud, la casserole et les quelques provisions sont vite sortis du coffre d’une capacité de 100 litres. Ou des sacoches placées sur les vélos en acier, qui contiennent les objets les plus lourds pour épargner la remorque en aluminium, plus fragile. Une toile étanche peut même être déployée pour s’abriter.

En Argentine, en roulant moins de 4 heures par jour, ils parcouraient plus de 100 km au quotidien. Pour atteindre les 3 105 km en un mois. « On était déjà partis deux semaines en Sardaigne avec des vélos musculaires, c’était super mais on pédalait toute la journée. On ne faisait rien d’autre, ça n’aurait pas été tenable pendant dix mois… On cherchait une aventure mais aussi des rencontres. Rouler deux fois plus vite (environ à 24 km/h) nous en donne le temps. En plus, dès qu’on s’arrêtait, les vélos se rechargeaient sans rien consommer. »

Aucun problème de recharge

Grâce au beau temps, les vélos n’ont eu aucun problème de recharge. Mais les panneaux solaires ont souffert sur ces routes accidentées. © DR

Ils n’ont d’ailleurs jamais eu le moindre problème de recharge. D’abord parce qu’il a très peu plu. « La zone est très bien exposée», glisse Céline. Ensuite parce que dans ce cas-là, rare, ils préféraient se reposer donc ne pas rouler. « Mais au fur à mesure, on perdait en production solaire, tempère l’ingénieur. On a beaucoup circulé sur des routes en terre, avec des gravats et de nombreuses vibrations. Ça a détérioré les panneaux. »

À la fin de leur périple, arrivés en Patagonie, ils ont donc décidé de les donner avant qu’ils ne soient plus utilisables – d’autant que les renvoyer en France par bateau coûte plusieurs milliers d’euros. C’est un Chilien qui voulait équiper sa maison qui en a bénéficié. Les « carreta » auront une seconde vie. Céline et Thomas, eux, ont poursuivi en bateau jusqu’à Ushuaïa. Puis se sont envolés pour le Brésil, dernière étape avant le retour en France, en juin. Un peu tristes de laisser cette « maison » qu’ils ont adoré transporter. Et qui a globalement très bien résisté.

Testé et approuvé

intérieur caravane
Sommier, matelas, coussin… La caravane porte bien son nom. En accolant les deux remorques, le couple avait même sa chambre. © DR

Seuls des éléments en aluminium ont dû être réparés ou changés en cours de route, la plupart du temps grâce à la solidarité des gens croisés. « C’était beaucoup de stress sur le coup, mais on a toujours trouvé une solution. Au final, ce sont de bons souvenirs », assure Céline, plutôt habituée à la mécanique du corps puisqu’elle est kinésithérapeute en pédiatrie.

Il faut dire que tout avait été étudié, modélisé sur ordinateur, testé en France et en Espagne et modifié si besoin. Le centre de gravité de la remorque avait ainsi été revu après qu’elle se soit retournée en heurtant une racine. La remorque avait été allégée de 12kg au fil du processus. Pour être finalement « très maniable » selon Céline.

« Si c’était à refaire, je referais exactement la même chose, conclut le concepteur de ce vélo-caravane solaire. Les moteurs ont beaucoup préservé la mécanique. Même les pneus se sont peu usés ! »

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Et justement s’il le « refaisait » ? S’il reproduisait et commercialisait ce vélo-caravane solaire ? « J’y ai pensé, mais ça représente trop d’heures d’assemblage, de couture… Et ça coûte trop cher, estime Thomas, qui a passé beaucoup de temps sur ce projet, en plus de son activité en free-lance. Sans la main-d’œuvre, ça représente déjà 3 500 euros par vélo équipé premium pour tenir autant de kilomètres, avec la batterie lithium. Et 1 500 euros par remorque. » Une aventure qui restera donc vraiment unique. ♦

# Pour retrouver l’itinéraire et le journal de bord de leur aventure, rendez-vous sur l’appli Polarsteps. Vous pouvez aussi les suivre sur Instagram.

« Si c’était à refaire, je referais exactement la même chose, conclue le concepteur de ce vélo-caravane solaire.
« Si c’était à refaire, je referais exactement la même chose”, assure Thomas Millès. © DR