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Une piscine mobile pour lutter contre les noyades
Près d’un millier de noyades ont lieu en France chaque année pendant la période estivale. La meilleure des préventions est de savoir nager. Mais comment apprendre lorsqu’il n’y a aucune piscine à proximité ? Pour y remédier, l’association Aqwa Itinéris sillonne la France depuis 2021 avec son bassin mobile. Après les Bouches-du-Rhône et avant le Nord, il a stationné à Allos, dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Pour les enfants d’Allos, petit village de montagne de 820 habitants, aller à la piscine est une odyssée. Il faut en effet compter deux heures de bus pour accéder à la plus proche, à Digne-les-Bains. Trop de route pour peu de temps sur place, autant dire que l’école élémentaire a renoncé aux cours de natation. L’association des parents d’élèves (APE) ne l’entend pas de cette oreille. Puisque les vingt élèves ne peuvent pas se rendre à la piscine, elle s’est mobilisée pour faire venir à eux le bassin Aqwa Itjnéris. Ce système inventé par un Suisse, Jean-François Buisson (bonus), est exploité en France depuis 2021 par l’association éponyme basée en Normandie. Son objectif est « d’apporter une solution pour lutter contre la noyade et offrir à tout le monde la chance d’apprendre à nager », détaille Jonathan Hautot, chargé de missions et coordinateur. <!–more–>
♦ Entre le 1er juin et le 21 août 2024, 983 noyades ont eu lieu en France, dont 268 suivies de décès – Santé Publique France
Un bassin mobile et adapté
Le camion Aqwa Itinéris est arrivé le 5 mai 2025 à Allos, sur la place Pré-de-Foire, sous les yeux écarquillés des passants. Le chauffeur a déployé des ailes d’un mètre de chaque côté. L’une pour permettre la circulation des élèves et de l’enseignant, l’autre pour l’accès par un escalier escamotable. Enfin, il a rempli le bassin par branchement sur une borne hydrique. L’intérieur ressemble à n’importe quelle piscine avec eau à 30°, plongeoir, vestiaires, douche, WC-lavabos, casiers et « toute la machinerie pour traiter le système », complète Jonathan Hautot, le seul salarié de l’association.
Le bassin mesure 8 mètres de long pour 2,10 mètres de large. Et se révèle équipé d’un fond mobile qui fait varier la profondeur de 0,20 à 1,20 mètre selon les exigences pédagogiques. Grâce à ce format, cette microstructure est « très adaptée aux enfants de la moyenne section, en maternelle, au CE2 ». En effet, l’intimité, le calme, la chaleur et la proximité avec le maître-nageur produisent chez l’enfant un sentiment de sécurité, et favorisent l’écoute et la discipline.
♦ (re)lire Apprendre à nager chez des particuliers grâce à Eau-Rizon
Acquérir l’aisance aquatique
Dans ce bassin, ils peuvent s’immerger entièrement dans l’eau, flotter sur le ventre et le dos, sauter et regagner le bord du bassin seul, se déplacer en surface. Cette première expérience de l’eau offre une première étape positive vers l’acquisition du ‘’savoir nager’’ et une prévention contre les noyades. Les chiffres restent en effet importants : en 2024, 32% des noyades ont concerné les moins de 6 ans, et 16% les 6-17 ans (entre le 1er juin et le 21 août). L’apprentissage de la nage à l’école est une priorité nationale, inscrite dans le socle commun de connaissances et de compétences. Mais beaucoup d’enfants ne savent pas encore nager en entrant au collège : un tiers des élèves d’après la dernière enquête “Savoir nager” (54% à Aix-Marseille, 74% en Seine-Saint-Denis). L’apprentissage reste inégal en raison d’une absence d’équipements ou de vétusté. Il manquerait, selon la Fédération française de natation, entre 200 et 500 bassins pour mailler le territoire français.
Pour les adultes aussi
Contrairement aux idées reçues, les noyades touchent également les adultes, 52% les concernaient en 2024. Et la proportion de noyades suivies de décès est plus importante chez eux (46% versus 6% chez les moins de 6 ans, neuf noyades suivies de décès sur dix concernant des adultes). Madeleine, 68 ans, a pu consolider ses bases grâce aux créneaux séniors d’Aqwa Itinéris, qui a stationné dans son village, au Paradou. « J’y suis allée avec mon mari et le prêtre du village qui ne savait pas nager. J’ai trouvé le concept très sympathique. Et Thierry, notre moniteur, était très à l’écoute. Pendant une heure, il nous a fait marcher dans la piscine, reculer, lever les jambes, avancer avec une planche. Et même surfer en nous tenant au bord. Les exercices étaient simples, pour tous les niveaux et très agréables. J’ai rarement l’occasion de nager, car nous n’avons pas de piscine. Les plus proches sont à environ 16 kilomètres ».
♦ Les noyades touchent tous les âges lorsqu’elles se produisent en rivières et plans d’eau. Davantage les moins de 6 ans en piscine privée et les plus 65 ans en mer – Santé Publique France
Tous les enfants du Haut-Verdon
Aqwa Itinéris est également adapté pour les personnes aquaphobes, à mobilité réduite, malvoyantes ou en surpoids. La remorque reste en général entre deux et trois semaines sur place, en plus de la semaine d’installation. Le coût reste élevé, « environ 20 000 euros », signale le représentant d’Aqwa Itinéris. Plus de 23 500 euros pour l’association des parents d’élèves d’Allos. « Le transport, l’installation, la location, le maître-nageur, le surveillant de baignade, l’eau et l’électricité », détaille Sandy Nazari, la présidente de l’APE.
Grâce à la participation de la Fondation Princesse Charlène de Monaco, au groupement de transporteurs Tred Union, de la commune d’Allos et de l’APE, les enfants ne déboursent pas un centime. Et bénéficient dès la semaine prochaine de huit séances régulières et rapprochées par groupe de cinq sur le temps scolaire. « Ce qui fait qu’ils vont vraiment pouvoir progresser », se réjouit cette maman d’un garçon. Elle précise que tous les enfants du Haut-Verdon pourront aussi profiter de la piscine, gratuitement, mais sur le temps extrascolaire. Ce qui représente en tout « 50 à 60 enfants ».
5000 élèves bénéficiaires
Depuis son lacement en 2021, Aqwa Itinéris compte près de 5000 enfants suivis depuis qu’elle a démarré l’exploitation du bassin mobile et en vise 1000 par an. C’est sans compter les bénéficiaires des trois autres bassins mobiles éponymes qui circulent de leur côté, achetés à la société Suisse par la Moselle et les communautés de communes Sud Corse et Val Marnaysien. Après Allos, le camion-remorque de l’association remonte dans le Nord, à Haumont puis Wissant. Pour un été sécurisé.♦
Bonus
# Jean-François Buisson, l’inventeur suisse. Dans le cadre de ses activités humanitaires, Jean-François Buisson a été confronté au problème de la forte mortalité infantile due à la noyade dans les pays en développement. Il a alors conçu une piscine qui puisse être mobile et, ainsi, accéder aux populations les plus démunies. De cette idée est né le concept du camion-piscine. Il a été présenté à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (Suisse). Puis à la Haute école spécialisée Bernoise (HESB), qui a conçu le prototype actuel en 2017. La société mère, basée en Suisse reste propriétaire de la marque.
# Olivier Tauty, l’entrepreneur français. La rencontre de Jean-François Buisson avec Olivier Tauty lui permet de lancer le projet en France. Les deux hommes co-fondent l’association fin 2019 et lancent leur centre aquatique mobile sur les routes réellement en 2021. Gérée exclusivement par des bénévoles, l’association vit de dons et de mécénat.