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Et si vos chaussettes esseulées repartaient d’un bon pied ?
Avec Chaussettes Solidaires, la styliste Marcia de Carvalho transforme les pièces orphelines en accessoires tendance. Les couper, les recoudre et les détricoter pour leur donner une seconde vie permet de lier engagement social, conscience écologique et esthétisme.
Tout a commencé par un concours. Celui des Grands prix de la Création de la Ville de Paris de 2008. Invitée, la styliste Marcia de Carvalho souhaite présenter quelque chose de créatif et d’innovant. « Je travaillais pour de grandes maisons de mode et j’étais spécialisée dans la maille, présente-t-elle. En cherchant des idées de création, j’ai fouillé dans les tiroirs de mes enfants et vu toutes ces chaussettes orphelines. Je me suis dit que c’était une bonne idée de faire une collection les utilisant. » En découlent des mitaines, un manteau, un béret et quelques accessoires que Marcia de Carvalho expose à l’Hôtel de Ville de Paris et qui rencontrent un grand succès. « Donc j’ai poursuivi sur cette idée » ! <!–more–>
« On est tous concernés par des chaussettes avalées par notre machine à laver ! »

De la maille de haute couture à l’engagement social, il n’y a qu’un pas que la Franco-Brésilienne franchit sans se questionner. Elle crée l’association Chaussettes Solidaires la même année. L’idée est simple : collecter des chaussettes esseulées et surtout inutilisées pour les recycler en nouvelles paires ou autres accessoires.
Marcia de Carvalho récupère ces chaussettes dans son entourage puis constate que le concept prend corps. « Et, petit à petit, des gens se sont mis à nous envoyer les leurs. » L’association s’appuie aussi sur des collectes organisées dans les entreprises, les écoles ou les lieux culturels. Rozenn, salariée d’un cabinet d’avocats parisien, témoigne : « Quand je suis arrivée en début d’année, à chaque étage du cabinet se trouvait une boîte en carton dans laquelle déposer les chaussettes dont on ne se sert plus parce qu’elles sont seules, trouées, trop petites… C’était simple, utile, et tout le monde a joué le jeu. Parce qu’on est tous concernés par des chaussettes avalées par notre machine à laver ! »
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Faire rimer insertion et écologie

Car que faire de cette orpheline délaissée par son ou sa propriétaire ? Au lieu de finir incinérée et d’engendrer des déchets, elle peut rejoindre aujourd’hui les bacs de l’association. Ce geste, anodin voire rigolo en apparence, permet d’éviter des tonnes d’émissions de CO2 et de réduire la consommation d’eau qui est encore extrêmement importante dans l’industrie de la mode. Un kilo de chaussettes neuves nécessite par exemple environ 16 000 litres d’eau et génère 25 kg de CO2. Le recyclage textile relève donc de l’urgence climatique.
Mais Marcia voit encore bien au-delà d’un simple recyclage : elle revendique, avec Chaussettes solidaires, une démarche sociale. Une fois les collectes achevées, les chaussettes sont en effet envoyées dans des chantiers d’insertion pour attaquer leur transformation. « Les entreprises dans lesquelles on récupère les chaussettes rémunèrent l’association pour qu’on travaille comme il faut, insiste-t-elle. Un premier tri des chaussettes est fait par des personnes en situation de handicap. »

La formation Mode d’emploi recyclé est née de cette envie de participer à l’insertion de tous dans le monde du travail. Elle permet aux personnes éloignées de l’emploi d’acquérir des techniques de couture et de vente et est dispensée dans des lieux sociaux. Des ateliers de couture sont également organisés dans des centres d’hébergement d’urgence pour femmes et dans le milieu scolaire. Le tout pour aider et sensibiliser un public large à l’économie circulaire « en faisant rimer conscience et création, insertion et écologie. »
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« Ce n’est pas parce que c’est recyclé que ça ne peut pas être beau »

Le côté esthétique n’est pas non plus laissé-pour-compte. « Ce n’est pas parce que c’est recyclé que ça ne peut pas être beau, tient à préciser la créatrice. Nous tenons à ce que nos produits soient désirables ! » Sur le site internet Chaussettes orphelines, on peut bien sûr retrouver des chaussettes, mais aussi des bonnets, des mitaines et des sacs en coton recyclé. Ces vêtements matérialisent les valeurs fortes du projet.
En 2014, Marcia de Carvalho a collaboré avec des stylistes et des ingénieurs pour mettre au point un fil recyclé. Il deviendra la base de ses collections 100% fabriquées en France. De quoi valoriser des déchets textiles. Pour l’année 2023, l’association a récupéré plus de 2 300 kg de chaussettes et ainsi permis la réinsertion d’une dizaine de personnes.

Pour Rozenn, l’une des donatrices, cette initiative est utile sur tous les points : « Bien souvent, ces chaussettes survivent au fond de nos armoires et on ne sait pas quoi en faire. On est tenté de les jeter à la poubelle alors que le coton n’est pas forcément usé outre mesure. Savoir qu’en donnant simplement mes chaussettes je participe à aider des personnes et à rendre l’industrie du textile plus raisonnable, c’est super chouette ! » ♦
Bonus
# Que faire de mes déchets ? Vous ne savez pas quoi faire de vos habits ou autres objets du quotidien ? Un site internet a été mis en place par l’Agence de la transition écologique (Ademe) et l’État. Sur Que faire de mes déchets ?, vous serez guidés vers des points de collecte ou de réparation !
# Participer, donner, acheter ou proposer une collecte en entreprise sont diverses façons d’encourager la bonne idée écologique et solidaire de la styliste parisienne Marcia de Carvalho.