Santé

Par Agathe Perrier, le 30 juin 2025

Journaliste

Des soignants en bas des quartiers contre les inégalités de santé

Des structures de soins et associatives sont présentes pour rencontrer les habitants © Ville de Marseille

Face aux difficultés d’accès aux soins dans certains quartiers, principalement du nord de Marseille, la mairie y déploie des « villages santé » éphémères. En plus de réaliser des dépistages et de dispenser des conseils, l’objectif est de sensibiliser les habitants sur l’importance d’une bonne santé. Dans l’espoir qu’ils se remettent dans un parcours de soins, malgré les (nombreux) obstacles qu’ils rencontrent.

« À Marseille, selon les quartiers, l’espérance de vie varie de presque dix ans ». Ce constat n’est pas nouveau puisque déjà dressé en novembre 2021 par deux responsables de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille (AP-HM)* dans une tribune publiée sur Le Monde – le directeur général, François Crémieux, et le président de la commission médicale d’établissement, Jean-Luc Jouve. Près de quatre ans plus tard, il est toujours d’actualité et les raisons sont connues. Parmi elles, les difficultés d’accès aux soins et à la prévention, en raison particulièrement du manque d’offre, de leur isolement géographique et de transports en commun limités.

Pour pallier ce problème, la municipalité a décidé d’installer temporairement un « village santé » dans certains quartiers (lire bonus). Après Bougainville (3e arrondissement) à l’automne dernier et les Rosiers (14e) au printemps, le dernier en date s’est tenu à Air Bel (11e) les 19 et 20 juin. Une dizaine de tentes blanches ont ainsi pris possession du plateau multisports. Chacune occupée par une structure de soin ou de prévention. « L’idée est que les visiteurs passent par tous les stands pour réaliser un bilan complet de santé », explique Michèle Rubirola, première adjointe au maire en charge notamment de la santé publique, à l’inauguration de l’espace.

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Simplifier les parcours de soin

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La Ville de Marseille et plusieurs partenaires, dont l’AP-HM et la CPTS Itinéraire Santé, portent le dispositif de « village santé » © Agathe Perrier

Certaines démarches se font directement sur place comme le dépistage du diabète, la vérification de la tension, le point sur sa vaccination… Si besoin d’un rendez-vous par la suite, les professionnels présents orientent les visiteurs vers le bon interlocuteur. Exception avec les vaccins : ils peuvent être effectués dans la foulée puisque le Centre de vaccinations internationales de la Ville de Marseille est venu avec tout le matériel nécessaire. Lors du premier village santé, à Bougainville, 70 rattrapages vaccinaux ont ainsi été effectués.

« Les personnes en situation de grande précarité sont pas ou mal vaccinées », relève le docteur Richard Giraud, exerçant au sein de la structure. Roukia figure parmi les patients du jour. « Ça faisait longtemps que j’avais pas fait de vaccin », reconnaît-elle dans un sourire coupable. Son médecin traitant lui avait pourtant prescrit son rappel, mais elle n’a jamais passé le pas de la pharmacie pour récupérer le produit ou faire l’injection, prise dans la spirale du quotidien entre le travail et les enfants. Proposer une mise à jour immédiatement sur le stand du village santé permet de simplifier la démarche. Les habitants l’acceptent d’ailleurs dans la plupart des cas. « Ils ont bien sûr le choix de refuser, on ne les oblige en rien », précise le docteur Giraud.

♦ Lire aussi l’article « Des espaces santé hospitalo-universitaires dans les quartiers nord de Marseille »

L’enjeu d’une bonne information

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Les visiteurs trouvent aussi dans le village santé de l’écoute, grâce à la présence d’associations © AP

L’objectif du village est également de sensibiliser les visiteurs à prendre soin de leur santé. « Les raisons du renoncement à la prévention ou aux soins sont plus complexes que le seul accès géographique ou financier au système de santé. D’autres facteurs sont aussi déterminants », rappellent dans leur tribune François Crémieux et Jean-Luc Jouve. Et de développer : « La représentation pour chacun de l’état de bonne santé, la compréhension même intuitive de la gravité des symptômes, le fait de relativiser une douleur ou une souffrance à l’aune de celle de ses proches ». D’où l’importance d’une bonne connaissance des enjeux.

C’est justement la mission du Centre régional de coordination Sud Paca : informer sur les dépistages organisés des cancers du sein, colorectal et du col de l’utérus. Les taux de participation sont très faibles en France et particulièrement en région Paca et à Marseille. Or, ils permettent de diagnostiquer d’éventuelles lésions cancéreuses précoces et d’agir au plus tôt. « Les personnes concernées par ces dépistages ont été averties par courrier, mais si elles n’en ont pas entendu parler avant, elles ne le font pas forcément », indique Léa Estansan, chargée de prévention. « Notre but en venant ici est de donner le plus d’information possible pour lever certains freins. Plus les personnes vont être informées, plus elles vont vouloir s’engager », appuie-t-elle.

Les visiteurs trouvent aussi dans le village santé de l’écoute, grâce à la présence d’associations dont les actions portent sur la santé mentale, la santé des enfants et des jeunes, la vie affective et sexuelle… « Dans ces quartiers avec plein de difficultés, la santé n’est pas la priorité. D’où notre volonté d’aller vers les habitants », synthétise Michèle Rubirola.

♦ Lire aussi l’article « Comment remédier aux inégalités de santé ? »

Goutte d’eau

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La mairie compte renouveler l’expérience des « villages santé » dans le futur © Ville de Marseille

La première matinée du village santé n’a pas rencontré un franc succès à Air Bel, la faute notamment aux températures presque caniculaires. Les rares visiteurs se sont toutefois réjouis du dispositif. « C’est bien que [les professionnels] soient venus chez nous. Au moins je fais tout d’un coup plutôt que d’aller attendre chez les médecins », apprécie Ali.

Reste que leur présence pendant deux jours par an ne provoquera pas de miracle. « Ça ne résout rien, mais on sensibilise, on fait connaître », défend Michèle Rubirola. L’idée est que les personnes se remettent ensuite durablement dans un parcours de soins, désormais conscients des enjeux derrière une bonne santé. Pour y parvenir, il faudra réitérer l’opération dans chacun des quartiers. « On compte renouveler l’expérience », avance justement la première adjointe. Après les trois autres villages prévus cette année (bonus), la municipalité « refera un point pour savoir où il faudra qu’on aille ou retourne ». La liste pourrait être encore plus longue. ♦

*L’AP-HM est le parrain de la rubrique « santé » de Marcelle. Cet article n’est cependant pas une commande puisque ce rôle ne donne ni droit de regard, ni ingérence dans le choix des sujets et la ligne éditoriale de notre média. Plus d’informations en cliquant ici.

Bonus

# Les dates des prochains « village santé » – 10 et 11 septembre à la Belle de Mai (3e), 17 et 18 septembre à Gèze (15e), du 15 au 17 octobre à Grand Littoral (16e). Toutes les infos sont à retrouver sur le site de la Ville de Marseille en cliquant ici.

# Derrière le « village santé » La mairie de Marseille et ses partenaires (liste ici) portent ce dispositif. Il est financé dans le cadre du Contrat local de santé, un programme d’actions dans lequel sont aussi engagées l’Agence régionale de santé (ARS), l’Assurance maladie et la Préfecture des Bouches-du-Rhône. Signé en avril 2024, cinq priorités y ont été inscrites noir sur blanc. Outre la lutte contre les freins d’accès à la santé, figurent : la prise en compte de la souffrance psychosociale des enfants et des jeunes habitants confrontés à un cadre de vie dégradé́, l’accès à la santé des personnes en situation de handicap, la lutte contre l’obésité infantile et l’amélioration de l’accès à une activité physique. Plus d’infos en cliquant ici.