ÉconomieEnvironnement

Par Audrey Savournin, le 28 juillet 2025

Journaliste

Les bouteilles en plastique abandonnées transformées en lunettes stylées

Le Cassidain Sandro Cohn a créé Cyel, une marque de lunettes tendance et éco-responsables. © AS

[je recycle, tu surcycles, ils valorisent – #10]

Chaque jour, selon l’Ademe, près de 630 tonnes de plastique sont jetées dans la Méditerranée. La mer la plus impactée au monde. À Marseille, pour la dépolluer, des associations organisent régulièrement des opérations de ramassage, dans l’eau comme sur le littoral. Mais comment valoriser ces déchets ? En les transformant en lunettes de soleil aussi éco-responsables que stylées, répond le Cassidain Sandro Cohn. Il a créé sa marque, Cyel, et sort ses premiers modèles.  

On connaissait les bijoux de Sauvage Méditerranée, créés à Aix-en-Provence à partir de déchets rejetés par la mer. Voilà maintenant les lunettes de soleil Cyel, fabriquées avec du plastique récupéré par Clean My Calanques dans le massif du même nom et dans les rues de Marseille. Cette association organise régulièrement des ramassages auxquels Sandro Cohn a déjà participé. Entrepreneur dans l’âme, fan de mode et soucieux de son environnement, ce Cassidain d’à peine 22 ans est à l’origine du concept, de l’entreprise, de la marque…. reliés à ces lunettes « fraîches comme un apéro sur la Corniche » promet le slogan. Deux modèles unisexes en cours de production, dont le plastique coloré 100% recyclé est made in France.

<!–more–>

♦ Lire aussi l’article : La Monnaie Sauvage a un an : quel bilan ?

« Je devrais les avoir depuis plusieurs semaines, mais on a dû régler un problème de vernis, qui ne tenait pas sur la monture, reconnaît-il en toute transparence. C’est l’inconvénient quand on lance un nouveau process, à chaque étape il y a des complications ! Quand on a fait les prototypes en acétate classique, pour valider le design en février, tout était simple !» Mais quand il s’est agi d’innover et de fabriquer les montures en plastique recyclé, ça a été une autre histoire.

Une à deux bouteilles de Marseille dans chaque paire

Bouteille en plastique, granulés et lunette
10% du plastique de la monture provient de ramassages et 90% d’un centre de tri de Dijon. L’ensemble est transformé en granulés en laboratoire. Pour être ensuite injecté dans des moules. © AS

« Au départ, en 2023, j’avais imaginé utiliser uniquement du plastique ramassé à Marseille, en particulier dans les Calanques. Mais après des semaines au soleil, à l’extérieur, ce plastique perd de ses propriétés et devient cassant », explique-t-il. Une à deux bouteilles de plastique local – selon leur taille – sont donc utilisées pour une paire de lunettes. En attendant de pouvoir investir dans la Recherche Développement pour espérer en intégrer davantage.  Car cela ne représente que 10% du plastique recyclé transformé en monture. Les 90% restants provenant d’un centre de tri de Dijon, où est installé le laboratoire fabriquant la matière – des granulés de plastique.

« Là aussi, j’aimerais être encore plus proche de Marseille. Je devrais bientôt pouvoir collaborer avec le centre de tri métropolitain et une entreprise d’Aubagne pour l’injection dans les moules. Mais je n’ai pas encore trouvé de fabricant de matière ici.»  Ni de professionnel spécialisé dans les lunettes. « C’est un savoir-faire très spécifique », qu’il n’a déniché qu’à Oyonnax, ville de l’Ain connue pour ses entreprises travaillant le plastique.

♦ Lire aussi l’article Les lunettes d’occasion, un marché prometteur

Une pré-vente concluante

Sanfro Cohn a intégré l'école entrepreneuriale gratuite de Kedge Business School en 2023. Puis son incubateur.
Sandro Cohn a intégré l’école entrepreneuriale gratuite de Kedge Business School en 2023. Puis son incubateur. © AS

Seul aux commandes de sa start-up, dans laquelle il a investi 50 000 euros, il s’appuie sur les compétences de multiples professionnels, à chaque étape : fabricants mais aussi designer, graphiste, agence de communication… Et est grandement accompagné par Kedge Business School. Il a intégré son école entrepreneuriale gratuite en 2023, puis son incubateur Kedge Entrepreneurship, où il bénéficie d’un coaching personnalisé précieux.

L’opération de crowdfunding terminée en juin lui a d’ores et déjà permis de pré-vendre 109 des 660 paires produites – à un tarif préférentiel de 59 euros au lieu de 70 euros. Initialement attendues mi-juin, elles seront livrées dès leur réception, que Sandro Cohn espère imminente, une fois les ultimes « surprises » réglées. Elles pourront alors également être commercialisées sur le site de Cyel et dans des boutiques partenaires. Deux modèles mixtes donc, qui offrent un choix de couleurs allant de l’orange au vert en passant par le bleu mais aussi le noir et le marron. Quant aux verres -de catégorie 2 et 3 -, c’est l’entorse au bleu-blanc-rouge, à une couleur près, car ils sont fabriqués en Italie. Ils ont été choisis, assure Sandro Cohn, pour leur qualité. Le reste, jusqu’à la chiffonnette en plastique recyclé, c’est français !

Des lunettes « tarpin » mode

Boîte en carton recyclé aux couleurs du coucher de soleil qui a inspiré Cyel, chiffonnette en plastique recyclé... Ne reste plus qu'à rendre l'étu plus durable.
Boîte en carton recyclé aux couleurs du coucher de soleil qui a inspiré Cyel, chiffonnette en plastique recyclé… Ne reste plus qu’à rendre l’étui plus durable. © AS

Chaque paire est emballée dans une jolie boîte en carton lui aussi recyclé aux couleurs orangées du coucher de soleil qui a inspiré Cyel, version plus visuelle et dynamique du mot ciel. Boîte qui affiche un « Elles te vont tarpin bien, trop beau tié ». À la fois clin d’œil au style auquel Sandro Cohn tient énormément, au-delà du volet éco-responsable, « parce que c’est ce qui déclenche l’achat ». Aux petites phrases du même genre qui seront gravées à l’intérieur des branches. Et à la « marseillitude » du produit. Une identité importante, qu’il imagine déjà décliner dans d’autres régions avec d’autres modèles, d’autres packaging, d’autres fournisseurs et partenaires.

Le Cassidain, qui imaginait déjà une marque de tee-shirts à 14 ans, ne manque pas d’idées de développement. Ni de pistes de progrès. Certaines sont encore secrètes, mais d’autres se profilent ouvertement. L’étui à lunettes orange flashy, actuellement fabriqué à Annecy, pourrait ainsi prochainement être réalisé par Les toiles du large, à La Ciotat, à une trentaine de kilomètres de Marseille. L’entreprise transforme d’anciennes voiles en sacs, pochettes et autres objets de déco.

Et si la RD permet d’inclure davantage de plastique ramassé en ville ou dans les massifs dans la production, Sandro Cohn sait déjà vers quelles associations se tourner pour s’approvisionner. Car Clean My Calanques ne pourra pas lui fournir plus que les 10 à 30 kilos mensuels qu’elle lui donne déjà.

♦ Lire aussi l’article Des voiles recyclées en sacs par des adultes handicapés

En vente sur cyeloriginal.com. Chez Mademoiselle K (21, rue Michel Blanc, à Cassis). Le Lunetier du Sud (26, rue Francis Davso, 13001 Marseille et 34, rue Pastorelli, à Nice). Lua Baila (156, rue Paradis, 13006 Marseille).