ÉconomieEnvironnement

Par Philippe Lesaffre, le 28 octobre 2024

Journaliste

Au bureau, le mobilier de seconde main a la cote

Cela n'a pas de sens de jeter des biens non défectueux - photo @ Unsplash

Chaque année, près de 200 000 tonnes de mobilier de bureau sont jetées. Heureusement, de plus en plus d’entreprises s’équipent de meubles reconditionnés : une manière de réaliser une économie financière et de réduire leur impact écologique. Et les acteurs du réemploi, comme adopte un bureau, se multiplient.

En 2015, Christophe Cote saute le pas. Employé par un cabinet de conseil en stratégie, il rêvait de « lancer un projet à impact », comme il dit. Mais dans quel domaine ? Un jour, son employeur décide de changer de meubles de bureau et ce qui n’est pas conservé file à la benne. Christophe Cote réalise à ce moment-là que d’autres entreprises font souvent de même. Il prend connaissance de l’estimation de Valdelia, l’éco-organisme chargé depuis 2012 de la fin de vie du mobilier et des équipements des professionnels : chaque année, les acteurs économiques jettent près de 200 000 tonnes de tables de réunion, de fauteuils ou encore de bureaux. Des biens qui pourraient pourtant resservir à d’autres.

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Christophe Cote, fondateur d’adopte un bureau ©DR

Christophe Cote tente le coup, lance son entreprise baptisée adopte un bureau. Il l’a remarqué, de nombreuses jeunes pousses ont tendance à plutôt sélectionner pour leurs locaux des produits neufs. Pourquoi alors ne pas les inciter à s’offrir à la place du mobilier retapé de bonne qualité et à un prix moins élevé ? Ce n’est pas ce qui manque, le néo-entrepreneur s’en rend compte en démarrant son activité professionnelle pendant l’année de la COP21.

Le télétravail s’est développé

Mais pourquoi un tel gaspillage de biens ? Le mobilier, les sociétés en changent régulièrement, par exemple lorsqu’elles déménagement. « Souvent, elles ont un planning à respecter et ainsi les enjeux de valorisation des équipements deviennent secondaires. Les collaborateurs manquent de temps, dit-il. Offrir une seconde vie pour le mobilier, c’est le job de personne », glisse Christophe Cote. Alors par « habitude » ou par « facilité », dit-il, les organisations laissent les déménageurs emmener ce qui n’est plus voulu à la déchetterie. Par ailleurs, le télétravail s’est développé, ce qui conduit nombre de directions à « réduire la taille des locaux » et les poussent peut-être ainsi à « se débarrasser » de certains meubles…

Pour autant, « les mentalités évoluent ». Les effets du changement climatique se font de plus en plus sentir, et beaucoup de citoyens entendent prolonger la durée de vie du mobilier. Car cela n’a pas de sens de jeter des biens non défectueux. Preuve de cette prise de conscience collective, de nombreuses entreprises ont vu le jour dans le but de valoriser le mobilier inutilisé, comme SCOP3 ou encore Loire Eco Distribution, par exemple. Autant de sociétés qui veulent favoriser une économie plus circulaire afin de limiter notre impact environnemental. Et tout simplement développer « leur attractivité », dixit Christophe Cote.

♦ Relire l’article : Le design recyclé et vertueux des Résilientes

Attirer les « talents »

Pas un hasard. Désormais, les citoyens espèrent trouver des employeurs pour qui il importe par exemple de limiter l’empreinte écologique ou encore qui se mobilisent sur la préservation des écosystèmes naturels. « Les directions ont besoin de montrer qu’elles s’engagent sur les sujets de protection de l’environnement, qu’elles redéfinissent leur place dans la société, observe l’entrepreneur. Si elles veulent ”attirer les talents”, elles n’ont plus le choix. » Or, opter pour des bureaux reconditionnés peut être perçu comme un signe de la mobilisation de l’entreprise, « l’initiative peut satisfaire les collaborateurs ».

La réglementation pousse aussi les acteurs économiques à faire le pari de la seconde main. Depuis 2020 (et la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire), 20% des achats de mobilier bureau sont censés être effectués en réemploi. Sur ce point, toutefois, le fondateur d’adopte un bureau ne se fait guère d’illusion. « Je ne pense pas que ce soit encore bien respecté, mais c’est dû à un manque de connaissance de la réglementation, qu’il faut faire connaître. » Il reste du travail.

Au bureau, le mobilier de seconde main a la cote
Depuis l’adoption de la loi anti gaspi pour en 2020, 20% des achats de mobilier bureau sont censés être effectués en réemploi – photo @ Pixabay

La seconde vie des cabines phoniques de Paris 2024

Toujours est-il que les projets se multiplient pour ses équipes. Cet été, sa société a remporté un appel d’offres de l’académie de Créteil et va équiper un millier de postes de travail reconditionnés, grâce à tout ce que son entreprise collecte dans son entrepôt francilien. L’an dernier, celle-ci a réaménagé le site de l’institut de recherche PariSanté Campus et installé 750 bureaux.

Plus récemment, c’est avec Paris 2024 qu’elle a collaboré. Christophe Cote et les siens ont racheté une série de 80 cabines phoniques utilisées par le comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques en vue de leur assurer une seconde vie. Christophe Cote les revend à d’autres structures, souvent de petite taille. Pour l’heure, certaines cabines ont d’ores et déjà été livrées. Dans les locaux, les équipes ont gagné de la place. Elles ne réservent plus forcément les salles de réunion pour un rendez-vous au téléphone. Sans oublier l’économie réalisée.

« En optant pour du reconditionné, les entreprises déboursent de 30 à 50% du prix neuf. » Un argument qui fait mouche depuis le début de son aventure, il y a presque dix ans. Seulement, aujourd’hui, les motivations d’ordre écologique « prennent de l’ampleur », observe le même. Faire le pari de la seconde main pour équiper les bureaux a des vertus. Il suffit de calculer le bilan carbone lié à cet aménagement. Les émissions de gaz à effet de serre chutent alors de 50 à 80% environ. Cela plaît en ces temps qui courent. ♦

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