Société
Autisme : un violentomètre pour pacifier le quotidien
Près de 700 000 Français sont concernés par le trouble du spectre de l’autisme (TSA). La thérapeute toulousaine Florence Demourant a imaginé un outil qui mesure les paroles et comportements hostiles mais souvent banalisés envers ces personnes. Pour une meilleure compréhension et un apaisement des relations.
Le trouble du spectre autistique (TSA) est un trouble neurodéveloppemental qui touche principalement la communication socio-émotionnelle. Il comprend un ensemble de symptômes variables d’une personne à l’autre. La Haute Autorité de Santé estime qu’environ 100 000 jeunes de moins de 20 ans et près de 600 000 adultes sont autistes. Des chiffres à prendre toutefois avec précaution, car nombre de personnes n’ont pas connaissance de leur trouble. Selon le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis, un individu sur 36 est autiste dans le monde. Autisme France indique que 90% des concernés n’ont pas de diagnostic officiel.
« Je ne suis pas malade, mon cerveau fonctionne autrement »
Candice a 16 ans. Elle vit près de Montpellier avec sa mère. On lui a diagnostiqué un TSA dans sa onzième année. « J’ai du mal avec le bruit et la luminosité, avec le contact des objets ou matières sur ma peau, comme les étiquettes des vêtements ou le dossier d’une chaise dans mon dos ». Dès que l’emploi du temps change, que ses repères sont bousculés, l’adolescente a des angoisses. « Beaucoup de mes camarades ne comprenaient pas mes réactions, mes idées fixes. Ils me trouvaient bizarre, donc m’évitaient ».
Une fois le diagnostic posé, Candice décide de communiquer sur sa différence. Via des exposés au collège puis au lycée. « Je ne suis pas malade. Mon cerveau fonctionne autrement. Il ne faut pas associer systématiquement l’autisme avec la déficience mentale ». Cela n’empêche pas que l’adolescente se sente parfois victime d’agressions de la part de ses amis ou de ses proches. « On ne se rend pas forcément compte de la teneur négative de nos injonctions. Ou de la portée de nos agissements ordinaires », confie sa mère. Depuis peu, celle-ci se fie au violentomètre autistique pour mesurer l’impact de ses interactions avec sa fille, aussi anodines soient-elles.

Un travail collégial pour établir le violentomètre autistique

Le violentomètre autistique a été imaginé par la thérapeute toulousaine Florence Demourant. L’autisme est un sujet qu’elle connaît bien, en raison de sa spécialisation dans le suivi des adultes concernés. La construction du dispositif pédagogique a été largement inspirée par le violentomètre pour les violences faites aux femmes. Cet outil, conçu en 2018, permet de mesurer si une relation amoureuse est basée sur le consentement et ne comporte pas de violences.
Pour élaborer le violentomètre autistique, Florence Demourant s’est entourée des services de Claire Mallet, militante qui œuvre pour sensibiliser au TSA, et de personnes autistes. « Le travail collégial s’est nourri de nos échanges, de retours pertinents, de remises en question. Nous nous sommes basées sur près de 4 000 témoignages recueillis sur le net. En plus de ce que je voyais au cabinet en consultations …» L’outil, téléchargeable, est entièrement gratuit pour être accessible au plus grand nombre. Il se présente sous forme de règle et indique ce qui relève ou non des violences grâce à une gradation colorée.
Ainsi, on voit ce qui est acceptable et ce qui dépasse les bornes dans des situations d’échange verbal ou comportemental avec une personne TSA. « J’ai parfois du mal à distinguer ce qui tient de l’adolescence et ce qui est consécutif à l’autisme de ma fille. Je lui dis qu’elle exagère, qu’elle est paresseuse… Sans réaliser que ses attitudes ne sont pas calculées, pas plus que des rébellions de sa part », explique ainsi la maman de Candice. L’autisme n’est pas un choix. Il n’est pas modifiable que ce soit par la volonté ou l’effort d’adaptation de la personne TSA.
Un outil pour déculpabiliser et apaiser les tensions et les incompréhensions

« Les violences verbales ou comportementales que peuvent ressentir les personnes autistes n’ont l’air de rien dans le quotidien, mais dans un monde neuroatypique, elles sont très douloureuses », indique Florence Demourant. Le violentomètre autistique sert à la fois aux concernés et à leurs proches au sens large. Il identifie les comportements possiblement toxiques, permet de poser des limites, d’aplanir les tensions et les incompréhensions, d’ouvrir la discussion, de déculpabiliser.
« À l’usage, on voit que ce sont les proches qui y répondent très positivement. Ils veulent comprendre et bien faire », observe Florence Demourant, qui précise que plus on s’intéresse au quotidien des personnes autistes, « plus on est frappé par le niveau d’injustice, de méconnaissances, de fausses croyances dont elles font les frais ».
La thérapeute rappelle que la grande majorité des personnes touchées par le spectre de l’autisme sont des individus ordinaires, chez lesquels il y a peu de différences avec autrui. « On pathologise à outrance le trouble ». Certaines personnes ont de réelles difficultés, liées au spectre ou à des problèmes concomitants. En réalité, la plus grande proportion des TSA ne présente aucun ‘’signe distinctif’’. Donc n’importe qui peut en être porteur. ♦