AlimentationSolidarité
Une boulangerie solidaire, devant ET derrière le comptoir
À la boulangerie de l’Abeille, à La Ciotat (Bouches-du-Rhône), le maître-mot est la solidarité. Avec les salariés, en insertion pour la plupart, que l’équipe permanente (ré)accompagne vers l’emploi. Et avec les clients, qui trouvent là du pain bio et local à un prix en adéquation avec leur pouvoir d’achat.
Fournir du pain bio, confectionné avec des produits locaux et par des salariés en insertion : tel est le credo de l’association Pain et Partage depuis 1997 (notre précédent reportage à retrouver ici). Des fournées longtemps réservées à la seule restauration collective. Jusqu’à il y a un an, en décembre 2023, quand elle a ouvert au grand public sa première boulangerie solidaire. Le commerce a pris place dans un local flambant neuf à La Ciotat, à une trentaine de kilomètres à l’est de Marseille. Plus précisément dans le quartier populaire de l’Abeille, qui a connu ces vingt dernières années un vaste projet de rénovation urbaine (lire bonus).
Au comptoir, c’est Marie-France qui encaisse. Un pain au chocolat et un café par-ci, un sandwich et une boisson par-là. En cette fin de matinée de janvier, les douceurs du petit-déjeuner laissent progressivement la place aux produits du déjeuner. « Être ici me remet le pied à l’étrier », confie la dynamique vendeuse. Après plus d’un an sans emploi, elle a signé un contrat d’insertion de sept mois. À mi-parcours, elle ne se projette toutefois pas encore vers l’avenir. « Je reprends confiance en moi », apprécie-t-elle pour le moment. Et c’est déjà beaucoup.
♦ Lire aussi l’article « Un pain bio, local et… solidaire »
Tremplin vers l’avenir

Au total, sept salariés sont actuellement employés en insertion comme Marie-France. Leur passage à l’Abeille doit leur servir de tremplin. « Ils entrent pour exercer un métier qui ne sera pas forcément le leur dans le futur. Le but est qu’ils réapprennent les habitudes du monde professionnel voire poursuivent sur une formation en lien avec leurs envies », explique Théodore Basile, le responsable du commerce. Ainsi, un précédent aide-boulanger a enchaîné sur un cursus dans le domaine de la sécurité. Loin donc du pétrissage et du façonnage des baguettes. Pour autant, quelques mois à la boulangerie lui ont permis de retrouver une dynamique d’emploi : se lever à heure fixe, respecter des consignes, travailler en équipe…
L’ensemble des postes nécessaires au fonctionnement de la boulangerie sont assurés par des salariés en insertion. Comme celui de préparateur snacking. Et c’est Hassan qui l’occupe depuis le mois d’octobre. Titulaire d’un CAP de chef cuisinier, il n’a aucun mal à préparer sandwichs, croque-monsieur et autres salades. Et dispose même d’une carte blanche pour proposer ses propres idées. Il a notamment imaginé une bruschetta anti-gaspi pour valoriser le « pain de la veille ». Nappées de béchamel et agrémentées de poulet, emmental et poivron, les parts disparaissent généralement dès la fin du service du midi. « J’aimerais trouver un poste en restauration collective » pour la suite, rapporte-t-il. Son projet professionnel reste néanmoins encore à définir. Il est donc épaulé par un conseiller en insertion professionnelle (CIP). Et peut compter sur l’accompagnement des quatre permanents de l’équipe, qui font office de formateurs et superviseurs.
Un équilibre encore à atteindre

Les fours de la boulangerie de l’Abeille cuisent aussi le pain de particuliers comme de diverses structures. Les cantines des écoles de La Ciotat, d’une part. Et aussi des magasins bio et des marchés locaux (bonus). Des livreurs, là encore en insertion, assurent les approvisionnements quotidiens ou réguliers.
Reste que, pour le moment, le modèle économique de la boulangerie solidaire n’a pas atteint son équilibre. « Il nous semble pouvoir exister sur le long terme, mais on doit encore en apporter la preuve. Il faut pour cela développer la vente sur le plus grand nombre de marchés possible », expose Mathis Prochasson, responsable opérationnel chez Pain et Partage. Rien d’alarmant cependant, l’établissement n’ayant ouvert ses portes que depuis quatorze mois. En attendant un retour d’expérience plus solide, l’équipe de l’association n’envisage pas d’en ouvrir d’autres de ce type dans un futur proche.
♦ Lire aussi l’article « Des biscuits à partir de pains invendus »
Plus qu’une boulangerie pour le quartier

Dans le quartier de l’Abeille en tout cas, la boulangerie a trouvé son public. « Nos pains en miche marchent très bien. Et le “sportif”, à base de farine semi-complète, cranberries, noix, noisettes et raisins secs, aussi », détaille Théodore Basile. Afin de coller au pouvoir d’achat des habitants de cette cité populaire, la baguette bio au levain coûte un euro. Et le pain de campagne est affiché à six euros le kilo. Des prix très inférieurs aux références de qualité identiques vendues en magasins bio.
Puisque c’est l’un des seuls commerces de proximité du quartier, les habitants aiment se poser à l’une des tables de sa terrasse donnant sur une large place. La Poste a même installé un “point services” pour réaliser des opérations courantes telles que le dépôt de courrier, l’achat de timbres, d’enveloppes et d’autres contenants, l’affranchissement de lettres et de colis. De quoi ancrer un peu plus la boulangerie dans son écosystème. « C’est un projet dans lequel on croit beaucoup », glisse le responsable. ♦
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Bonus
[pour les abonnés] – Où acheter le pain de l’Abeille ? – Toujours plus de boulangeries solidaires – Le quartier de l’Abeillle, à La Ciotat, en pleine mutation –
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# Où trouver le pain de la boulangerie de l’Abeille – Directement dans le commerce, situé 279 avenue Albert Ritt à La Ciotat. Jour de fermeture le dimanche. Mais aussi aux marchés de La Ciotat (jours et horaires à retrouver ici), à celui du Vieux-Port de Marseille (tous les dimanches matin de 8h à 13h) et au marché de la Barrasse à Marseille (tous les jeudis en fin d’après-midi).
# Les boulangeries solidaires continuent de se déployer – Bien que née à Marseille, l’association Pain et Partage est présente ailleurs en France via son réseau Bou’Sol (pour Boulangeries Solidaires). Notamment à Montpellier et, plus récemment, à Rennes. Ces établissements fournissent uniquement les acteurs de la restauration collective. Son ambition est maintenant de s’implanter à Paris.
En parallèle, à Marseille, l’association gère une biscuiterie anti-gaspi. Elle fabrique une farine avec ses invendus de pains pour confectionner des biscuits (notre reportage à retrouver ici). Pour le moment, la production se fait uniquement sur commande, pour les événements de ses clients.
# L’Abeille, un quartier en mutation – La première phase de l’opération de rénovation urbaine, financée par l’Agence nationale de rénovation urbaine (Anru), a démarré au milieu des années 2000. Puis une deuxième a pris le relais une dizaine d’années plus tard. Des bâtiments ont été démolis, d’autres construits pour accueillir logements, commerces, services publics (école, crèche, centre social…). De nouvelles voies ont aussi été créées redessinant ainsi ce quartier du nord de La Ciotat.