EnvironnementMobilité
Ça roule pour les Vélis
La voiture est responsable d’une part importante des émissions de gaz à effet de serre en France. Parmi les solutions émergentes, les véhicules légers intermédiaires (Vélis) qui se situent entre le vélo électrique et l’automobile. Ils sont plus sobres et durables que la voiture, tout en restant adaptés aux besoins quotidiens d’une famille ou d’un artisan.
Le point commun entre VeMoo, triporteur capoté avec coffre détachable et Karbikes, quadricycle carrossé modulable ? Tous deux sont des véhicules légers intermédiaires. Selon AVELI, l’association des Acteurs des Véhicules Légers Intermédiaires, il s’en vend aujourd’hui plus de 20 000 par an, à deux, trois ou quatre roues. Il existe autant de véhicules intermédiaires que d’usages. Certains sont en mode ‘’actif’’ – le conducteur pédale -, d’autres en mode ‘’passif’’ – avec un moteur électrique.
La Ville de Marseille s’intéresse de près à cette mobilité émergente. Lors d’un forum organisé avec Nature Peinture et l’ADEME sur le sujet, le 14 novembre 2024, elle annonçait son ambition de trouver de nouvelles pistes pour remplacer la voiture classique pour les déplacements du quotidien et la logistique du ‘’dernier kilomètre’’. Audrey Gatian, adjointe chargée des mobilités, louait le Véli comme « solution la moins coûteuse, la plus décarbonée et la moins encombrante dans l’espace public ».
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Faire émerger une industrie

Quels sont les atouts de ces véhicules low-tech ? « Ils sont dix fois moins coûteux et plus durables – car recyclables à l’infini. Également dix fois plus réparables, plus légers (les Vélis font tous moins de 600 kilos, NDLR), plus simples et plus efficients », développe Gabriel Plassat, ingénieur à l’ADEME. Il pilote l’eXtrême Défi. Ce programme d’innovation d’envergure en trois étapes, lancé en 2022 par l’ADEME, vise à faire émerger une nouvelle industrie en France : « Des matériaux qui composent ces véhicules à l’assemblage », détaille le cofondateur de la Fabrique des Mobilités. À cet effet, il rassemble une communauté avec des concepteurs, des partenaires industriels et des territoires. Brest Métropole ou la communauté de communes du Briançonnais se sont ainsi engagées à créer les conditions favorables à la circulation de ces véhicules.
♦ L’ADEME a répertorié 323 véhicules intermédiaires en phase de prototype, d’expérimentation ou de série.
Pour répondre à un réel besoin

Selon AVELI, 94% des déplacements quotidiens font moins de 40 kilomètres. ‘’Une distance largement à la portée de véhicules dont l’autonomie tourne autour de 100 kilomètres et qui peuvent recharger leur batterie sur n’importe quelle prise domestique en quelques heures’’. Mieux : 60% des trajets quotidiens ne dépassent pas les 10 kilomètres. ‘’Ils sont donc réalisables avec des véhicules finalement plus proches du vélo que de la voiture’’ : des tricycles ou quadricycles stables permettant d’emporter un passager et des petits bagages. Avec une structure qui protège des intempéries. Enfin assistés électriquement pour pouvoir se déplacer, même fatigué ou diminué.
’’56 voitures sur 100 sont potentiellement remplaçables par un Véli. En moyenne, c’est dix fois moins d’émissions qu’une voiture thermique moyenne. Pour un coût de mobilité quotidienne divisé par quatre ou davantage’’, in AVELI
OuiCycle, vélo-bus dédié au transport scolaire et au transport collectif inclusif.

Expérimenté depuis 2022 et assemblé dans la banlieue de Montpellier, OuiCycle possède un toit, des pédaliers et bientôt un pare-brise. Il est multiplace et modulable. « En quelques minutes, on passe du transport de six adultes à neuf enfants », précise Matthieu Spillman, dirigeant fondateur de France Quadricycle, concepteur du OuiCyle. Il roule grâce à la combinaison de trois énergies : les personnes qui pédalent, le toit solaire qui permet de le recharger. Et le freinage régénératif qui consiste à récupérer de l’énergie lorsque le véhicule freine ou décélère. Il possède ainsi environ 40 kilomètres d’autonomie. Le moteur OuiCycle d’une puissance de 1000 watts lui permet de gravir des côtes et maintenir une allure optimale. Avec ses ceintures de sécurité, rétroviseurs, feux et clignotants homologués, il offre de la sécurité.
Jusqu’à 25 km/h

Dans la configuration ‘’transport d’enfants’’, il est bridé à 13 km/h pour permettre aux élèves à vélo de suivre derrière. Pour la configuration adulte, il roule à 25 km/h. L’exploitation test a permis de valider la journée type du OuiCycle en semaine. Ramassage scolaire le matin (bonus), puis mise à disposition auprès des EHPAD, des Instituts Médicaux Éducatifs et autres établissements pour des sorties actives. Il peut servir également lors de séances de cyclothérapie pour les personnes qui doivent rééduquer un genou ou une hanche. Chaque bénéficiaire pédale à son rythme grâce aux pédaliers indépendants reliés à des générateurs. « Les personnes en centre de rééducation fonctionnelle peuvent ainsi pédaler à 30 watts et les rugbymen à 300 watts », illustre Mathieu Spillman.
Transport urbain et périurbain

OuiCycle est conçu pour rouler en milieu urbain, mais aussi en périphérie. « Les trois quarts des clients intéressés sont en fin de métropole. Ils ne disposent pas de tramway, ne sont pas bien desservis, n’ont pas d’infrastructures cyclables ». C’est par exemple la cure thermale d’Évaux-les-Bains qui souhaite amener ses clients depuis la gare. La zone d’activité Porte de Lyon (Neyron) qui transporte les salariés depuis la gare la plus proche. Ou Nantes Tourisme qui offre un moyen pour parcourir l’île de Nantes. Pour la OuiCycle, Mathieu Spillman se heurte au cadre réglementaire qui n’évolue pas assez vite. « Il a été conçu au départ pour transporter des enfants en autocar, pas à vélo », précise l’entrepreneur qui souligne la volonté politique de donner un coup d’accélérateur aux Vélis, notamment avec la LOM (loi d’orientation des mobilités). Aucun frein, en revanche, pour l’autre véhicule de France Quadricycle, la Go Kids, dévolue au transport d’enfants et à la logistique. « Elle rentre dans la catégorie vélo ».
♦ 3e salon des Véhicules Intermédiaires à Laval du 10 au 12 décembre 2024
Voiturette “WEEZ” conçue dans les Alpes-de-Haute-Provence

WEEZ ressemble aux voitures dites ‘’sans-permis’’, mais elle roule à 90 km/heure – elle peut donc sortir de la ville – et possède 100 kilomètres d’autonomie. Quatre moteurs électriques sont répartis dans ses roues, ce qui permet de dégager de l’espace dans l’habitacle. Elle se caractérise également par son poids léger, 550 kg, donc peu gourmand en énergie. Son prix ? 15 899 euros pour la City-Pro, « bonus écologique non déduit », précise Christophe Charles, directeur marketing et commercial d’Eon Motors, le constructeur. Un prix conséquent, mais une mobilité économique à long terme. En effet : elle revient à 3 euros les 100 kilomètres. Concernant la sécurité, ce microvéhicule répond aux critères, il est homologué pour l’Europe par l’UTAC. Ce véhicule, conçu et assemblé à Malijay, offre ainsi de nouveaux avantages pour les professionnels et les collectivités. Oraison, ville voisine de 6000 habitants, a acquis ainsi deux Weez pour ses services techniques qui effectuent de nombreux allers-retours entre les bâtiments, écoles et crèches.
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De nombreux défis à relever

Depuis le lancement de la première WEEZ, en 2022, l’usine a sorti une centaine de véhicules. Elle doit cependant relever plusieurs défis : se faire connaître auprès du grand public et sensibiliser les pouvoirs publics notamment sur la disparité des bonus. « Il n’est pas normal que certains constructeurs soient aidés à hauteur de 4000 euros et pas d’autres. On veut que le bonus soit le même pour tout le monde », tempête Christophe Charles. Pour tous les acteurs de cette nouvelle aventure mobile, il reste de nombreux défis à relever. « Réglementaires, industriels, financiers et de reconnaissance » (bonus), expose Benoît Tholence, co-fondateur de Sanka Cycle et de l’association Aveli. En attendant, le sujet engendre de profondes réflexions pour décarboner les territoires. Et des collectivités se montrent intéressées. Suite au forum à Marseille, la direction des Hôpitaux de Marseille (AP-HM) réfléchit à une expérimentation en 2025. Et la Ville de Marseille, à remplacer une partie de son parc automobile.♦
Bonus
#Actuellement, OuiCycle est utilisé à Saint-Georges-d’Orques, dans la banlieue de Montpellier, pour le transport scolaire : chaque matin, le vélo-bus embarque sept élèves de primaire pour les amener à l’école et sert de « vaisseau amiral à ne pas dépasser » pour dix à quinze CM1-CM2 à vélo. Chaque OuiCycle permet ainsi de réduire « une vingtaine de déplacements de voitures génératrices de bouchons devant les écoles », affirme Mathieu Spillman, le cofondateur.
#Le OuiCycle coûte entre 25 et 28 000 euros avec les options complémentaires. « Par exemple, en Bretagne, où il pleut à l’horizontale, on m’a demandé de le toiler sur les côtés », explique le dirigeant. Il lancera une présérie de 10 à 15 OuiCycle en septembre 2025, puis de 80 à 100 au printemps 2026.
(re)lire À l’école oui, mais en vélo-bus !
# Les transports émettent 32 % du total des émissions de GES nationales, seul secteur où les émissions augmentent. Le transport routier contribue à la quasi-totalité (94%) des émissions. Elles incombent à 68% aux véhicules particuliers. Plus de détails ici.
#Les défis de la filière des Vélis, selon Benoît Tholence. Un défi de reconnaissance, notamment au niveau des instances publiques. Il faut absolument connaître les Vélis pour pouvoir se projeter dans l’usage de ces véhicules. Également, un défi réglementaire : il faut alléger la règlementation pour les véhicules légers, et financement : aujourd’hui, il est très difficile de financer ce genre de projet car ils nécessitent une grosse mise de départ et un retour sur investissement assez lent. Enfin, un défi industriel : on a besoin d’industrialiser le processus de déploiement du Véli. Il faut donc tirer le meilleur de l’industrie automobile pour faire évoluer le produit Véli et le rendre accessible et ainsi réellement challenger la voiture. L’interview dans son intégralité ici. [/wcm_restrict
