Solidarité

Par Philippe Lesaffre, le 4 mars 2025

Journaliste

Des cartons pour se “remobiliser”

© Géraldine Aresteanu - Carton Plein

Depuis une dizaine d’années, l’association Carton Plein soutient en région parisienne des personnes exclues du marché de l’emploi, tant des sans-abri que des personnes au statut de réfugié. Chaque jour, au sein de différents ateliers, les salariés réemploient et vendent des cartons de seconde main, reprenant ainsi confiance en eux.

Au sein de l’atelier, dans le nord parisien, ça s’agite, mais pour la bonne cause. Des femmes et des hommes s’emploient à reconditionner des cartons, ils leur assurent une seconde vie. Les « valoristes », comme on les appelle ici, remettent des cartons d’occasion sur le marché. Les produits pesés, triés, rescotchés sont destinés… à des particuliers comme à des professionnels, qui pourront se les procurer via la boutique en ligne, par exemple en vue d’un déménagement. Si l’article est vraiment en mauvais état, il peut être transformé en matière de calage – ce qui équivaut à du papier bulle – grâce à une machine adaptée.

Les employés de Carton plein en plein travail de revalorisation d’un produit utile ©Carton Plein

Ici, dans le 18e arrondissement, comme à l’atelier de Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis, ainsi qu’à Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, l’association Carton Plein, via son dispositif « premières heures », salarie des personnes très éloignées du marché de l’emploi. Elles sont en période d’errance ou sans domicile fixe et ont besoin d’ « un coup de pouce », comme nous l’explique Johanna Sanson, responsable de la communication de la structure d’insertion professionnelle. <!–more–>

« Chacun a sa place dans la société »

Dans le détail, les employés épaulés travaillent de six à neuf heures par semaine, pas plus. « Le temps plein, précise Odile Rosset, la directrice de Carton Plein, ne leur est pas forcément accessible pour des raisons de disponibilité physique ou psychique. » Pour autant, dit-elle, « tout le monde a sa place au sein de la société », et on peut leur tendre la main pour les « remobiliser » et leur permettre de se remettre debout et de se réhabituer à travailler.

L’association, lancée en 2012, accompagne chaque année près de 150 personnes d’horizons divers. Outre des sans-abri, que Carton Plein a pu rencontrer grâce au Samu social ou à des associations organisatrices de maraudes, l’entité emploie des chômeurs longue durée, d’anciens détenus ou encore des citoyens en situation d’exil.

♦ Relire : Comment Dispo Ménage booste les femmes éloignées de l’emploi

Carton Plein accompagne sur mesure

Ces collaborateurs, le matin, ont pour mission de chercher à vélo-cargo les cartons à revaloriser. Des restaurants et des enseignes font appel aux équipes de  « cyclo-logisticiens », selon l’expression en interne, pour se débarrasser de cette matière encombrante (1). Celle-ci vient ainsi remplir les étagères des ateliers franciliens de Carton Plein. Les « cyclo-logisticiens » ont plus d’heures de travail que les « valoristes ». Ils travaillent de 12 à 35 heures hebdomadaires, en fonction de leur dispositif adapté (2).

« J’ai beaucoup appris quand je travaillais à Carton Plein », explique Hayatullah

Parfois, des entreprises franciliennes sollicitent également l’association pour que celle-ci assure le déménagement d’une partie de leurs équipes à bicyclette. Et ce sont les bénéficiaires des chantiers d’insertion de Carton Plein qui s’en occupent. Parmi eux, il y avait l’an dernier Hayatullah Safi, « cyclo-logisticien » entre juillet 2023 et juin 2024.

Cet Afghan Pachtoune de 22 ans, qui a dû fuir son pays en 2022, garde un bon souvenir de sa « première expérience en France », dont il a bénéficié grâce à l’aide de son assistante sociale. Au sein des équipes, Hayatullah a pu se familiariser à un nouvel environnement professionnel, découvrir une ambiance de travail « agréable », comme il dit un an après. « J’ai beaucoup appris durant cette période. »

Carton Plein vise à lever les freins à la réinsertion… et aide ses employés dans leurs démarches administratives du quotidien. « Cela leur permet de se projeter plus sereinement dans leur avenir professionnel », indique Johanna Sanson. « On m’aidait pour la recherche de logement, pour remplir les documents administratifs, par exemple la feuille d’impôt », confirme Hayatullah, qui n’avait pas non plus de notion de français à son arrivée. « On peut aussi, ajoute Johanna, leur trouver des cours de français ou d’informatique en fonction des besoins. »

Les bénéficiaires des dispositifs de Carton plein sont accompagnés dans leurs démarches administratives © Carton Plein

Des séances de sport

Carton Plein leur propose de surcroît tout un tas d’activités. Au choix, l’association met à disposition des ateliers d’art-thérapie, des initiations à la communication non violente, des formations pour mieux lutter contre le sexisme, des cours de self défense destinés aux femmes, ainsi que du sport. Chaque semaine, les bénéficiaires des chantiers d’insertion peuvent aller à la piscine, s’essayer à la gymnastique chinoise ou tenter l’escalade. « Grâce au fonds de dotation Climb up, dont l’objectif est de faire découvrir l’escalade en indoor ou en extérieur, nous pouvons accéder à des salles parisiennes, glisse Johanna Sanson, également responsable des activités sportives pour l’association. Tout le monde en profite. »

Et avant que leur contrat se termine, ils pensent à la suite. « On les met en lien avec de potentiels recruteurs. On sait vers qui les orienter pour que les personnes dénichent un emploi le plus durable possible. » Le but du jeu ultime. Après son contrat, Hayatullah a commencé à suivre un CAP pour apprendre le métier d’électricien. « La formation se termine en juin 2025, après je pourrai travailler », sourit le néo-Parisien. ♦

« On sait vers qui les orienter pour que les personnes dénichent un emploi le plus durable possible » @Carton Plein

 

1) Par exemple : Made.com, Eram ou Aesop

2) Au programme, trois dispositifs :

– Premières heures : de 6 à 8 heures de travail par semaine

– Chantier d’insertion remobilisant : de 12 à 24 heures

– Entreprise d’insertion : de 28 à 35 heures