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Par Zoé Charef, le 26 juillet 2024

Journaliste

Des policiers animent des centres de loisirs et créent du lien

Stéphane et Alice sont les deux policiers en charge du Centre Loisirs Jeunesse de Grenoble. ©Zoé Charef
Imaginé pour favoriser le contact entre les policiers et les jeunes de quartier, le Centre Loisirs Jeunesse de Grenoble organise de nombreuses activités tout au long de l’année. En lien avec les Maisons des Jeunes et de la Culture (MJC), ce centre prévoit des ateliers de prévention à la sécurité routière, mais aussi des après-midi ski nautique, motocross ou laser game. Une dynamique positive pour se rencontrer, échanger et apprendre à se connaître.

On entend déjà de la musique à quelques rues de là. Des tubes actuels vers lesquels nos pas nous mènent. Nous atterrissons alors dans un petit parc qui jouxte la maison de quartier Gabriel Péri à Saint-Martin-d’Hères, en Isère. « Ce soir, on est à une fête de quartier et on anime un stand sur la sécurité routière », présente Stéphane, policier détaché à temps complet au Centre Loisirs Jeunesse de Grenoble. Polos floqués « Steph » et « Alice », ces deux policiers en civil travaillent là depuis respectivement 5 et 25 ans. Avec pour objectif premier de créer du lien entre leur profession et les jeunes de quartier, ils proposent de nombreuses activités en collaboration avec les Maisons des Jeunes et de la Culture (MJC) de l’agglomération.

 

Laser game, motocross et ski nautique pour favoriser le contact

Le Centre Loisirs Jeunesse de Grenoble recrée du lien entre jeunes de quartier et policier 4
Session laser game ! ©CLJ

Depuis sa création en 1991, les agents de police du CFJ de Grenoble sont sur le terrain tous les mercredis et pendant les vacances scolaires. « L’objectif de notre association est de favoriser et améliorer les contacts entre les policiers et les jeunes, explique Stéphane. Nous allons à la rencontre des jeunes dans les structures déjà existantes – en grande majorité les MJC. »

Contrairement à la trentaine de CLJ qui existent en France, celui de Grenoble n’a pas de local. « Les autres centres fonctionnent exactement comme des MJC, mais ce sont des policiers qui les tiennent, pas des animateurs. De notre côté, nous avons tenu à garder cet aspect originel : ne pas avoir de structure dans un quartier donné, mais être mobiles. Cela nous permet de toucher plusieurs groupes de jeunes. »

Stéphane et Alice voient cela comme un avantage puisqu’ils peuvent travailler avec les différents quartiers de Grenoble et de son agglomération… jusqu’à organiser des activités communes pour faire se rencontrer les jeunes ! C’est par exemple le cas entre le quartier Mistral et l’un des quartiers de Saint-Martin-d’Hères la semaine prochaine, avec l’animateur Faouzi, qui s’en réjouit déjà. Laser game, ski nautique, ski, motocross, les activités sont nombreuses, et les jeunes, très motivés.

 

La police de proximité comme solution aux possibles frictions

Le Centre Loisirs Jeunesse de Grenoble recrée du lien entre jeunes de quartier et policier 1
A la fête de quartier de Saint-Martin-d’Hères. ©Zoé Charef

« Notre travail, c’est de la police de proximité ! », soutient Stéphane. Instaurée en 1998 par le gouvernement de Lionel Jospin, la police de proximité – sous-partie de la police nationale – fut supprimée en 2003. « Nicolas Sarkozy (alors ministre de l’Intérieur du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin – Ndlr) a toujours considéré que ce n’était pas le métier de la police d’aller jouer au foot dans les quartiers. Mais nous existions même avant la police de proximité, et nous voyons bien que passer du temps avec les jeunes et discuter avec eux est bénéfique. »

Pendant tout l’été, les enfants de 10 à 17 ans des MJC de l’agglomération grenobloise pourront par exemple participer à l’atelier de sensibilisation aux dangers de la route organisé sur un circuit de motocross. Les jeunes en raffolent, mais l’idée derrière cette activité est de faire passer un message : « On observe régulièrement des rodéos dans certains quartiers de Grenoble, déplore le policier. C’est dangereux pour les autres, mais aussi pour eux, car ils ne portent pas de protection. »

Alors, sur le terrain, ils apprennent à porter non seulement un casque, mais aussi des gants, une protection dorsale, un pantalon adapté… « On leur montre la dangerosité des motocross. L’autre jour, un jeune est tombé et s’est fait mal au nez malgré le casque. Il a compris l’utilité de la protection et il a promis d’en porter un désormais. Il va peut-être continuer à faire du motocross là où il ne faut pas, mais au moins il sera mieux protégé… », se rassure Stéphane. 

 

« Avant d’être un uniforme, ils sont des humains »

Le Centre Loisirs Jeunesse de Grenoble recrée du lien entre jeunes de quartier et policier 3
Atelier vélo et sécurité routière pour les jeunes de CM1 et CM2. ©CLJ

Faouzi, l’animateur présent sur place à la fête de quartier, assure que le travail des policiers du Centre Loisirs Jeunesse de Grenoble est primordial : « Les enfants les aiment bien ! Ils les trouvent cool et gentils. Pas comme ceux qu’ils voient la plupart du temps. Ce que Stéphane et Alice montrent, c’est qu’avant d’être un uniforme, ils sont des humains. Il y en a des bons et des mauvais, comme partout. Ce sont de bons interlocuteurs, ils communiquent beaucoup sur la police, les conflits, la sécurité… »

Assis à leur stand lors de la fête du quartier, les deux agents de police regardent autour d’eux. « Il n’y a pas beaucoup de grands, ils sont tous à l’atelier écriture et expression. » Les plus petits s’amusent à apprendre à tirer à l’arc, à dessiner ou à esquisser quelques pas de capoeira avec le danseur venu pour l’occasion. Leurs lunettes d’alcoolémie ne seront pas beaucoup testées ce soir. Mais pas de problème, la semaine dernière, elles ont fait fureur lors d’une autre fête de quartier. 

 

« La prévention n’est pas la priorité, malheureusement »

Le Centre Loisirs Jeunesse de Grenoble recrée du lien entre jeunes de quartier et policier
L’atelier de sécurité routière prévu pour la fête de quartier. ©ZC

Et si Stéphane a choisi de s’engager au CLJ, c’est qu’il a toujours eu la fibre associative. Un temps au syndicat de police, puis gérant de l’amicale de la police, il voit qu’une place se libère au CLJ en 2019 et se dit : « C’est ma chance. C’est fait pour moi ! » Toujours détenteur d’une arme, puisqu’elle fait partie de son uniforme de policier, il préfère s’atteler à ces activités sociales et de sensibilisation, après des années passées sur le terrain. « Mais ça reste compliqué de trouver d’autres policiers motivés. On manque déjà d’effectifs dans les services classiques, donc la prévention n’est pas la priorité, malheureusement », poursuit-il, le sourire aux lèvres tout de même. 

En 2022 et dans le cadre d’un projet Ville Vie Vacances porté par la MJC Théâtre Prémol et le CLJ, Stéphane et Alice avaient aussi accompagné douze adolescents lors de sessions de graffiti. C’est le mur du local de la piste de sécurité routière qui avait alors reçu une seconde jeunesse. Cette action pédagogique avait permis aux jeunes de plusieurs quartiers de se rencontrer et de s’initier au street art avec un professionnel.

Demain, Stéphane se rendra près d’Albertville, en Savoie, avec six adolescents, pour faire du ski nautique. Un moment de convivialité et d’amusement tout aussi important pour renouer les liens entre les policiers et les jeunes dans les quartiers sensibles. ♦