CultureSociété

Par Olivier Martocq, le 23 avril 2025

Journaliste

Cinéma d’auteur, la grande débrouille

[au fait !] Alterlove vient de sortir sur les écrans de 37 cinémas en France. L’avant-première de ce film avait eu lieu le 8 avril à Marseille suivie deux jours plus tard d’une seconde, au Grand Rex à Paris, devant une salle comble. Pourquoi parler de ce film ? Parce qu’il illustre le cinéma d’auteur. Aujourd’hui confronté aux coûts exorbitants des productions classiques comme aux règles imposées par les réseaux de distributeurs, ce cinéma-là ne peut exister que par débrouillardise et amitié…

« Moi je vais vous dire, j’ai rien compris à votre film… ». Dans la grande salle du cinéma Le Prado, à Marseille, quand la lumière revient, c’est la douche froide. Sur scène l’équipe du film respire un bon coup et commence à se prêter au jeu des questions réponses. Les échanges vont durer longtemps et seront vifs, y compris entre spectateurs car les avis sont tranchés.

En effet, Alterlove ne laisse pas indifférent. Je fais partie de ceux que ce film a ému et enthousiasmé d’où, d’ailleurs, cet article. « Je suis le premier surpris par les passions que ce film déchaîne. On est en dehors des normes classiques du cinéma français », constate l’auteur-réalisateur. Et de relever que tous les baromètres habituels de la profession sont inopérants : « On est incapable de catégoriser en fonction de l’âge, du sexe, des revenus, du niveau d’étude ceux qui accrochent où qui détestent. La presse a fonctionné de la même façon. Des médias louent le film. Mais d’autres le critiquent vertement ».

Jonathan Taïeb, qui signe ce nouveau long métrage dix ans après Stand, entend désormais miser sur ce côté clivant pour créer le buzz. Et convaincre ainsi les réseaux de distribution de lui donner sa chance. Il faut 300 salles pour avoir une bonne exposition. Il en a eu dix fois moins pour le lancement.

Tourné en dix jours avec un budget de 300 000 euros

L’autre spécificité d’Alterlove réside dans son budget : dix fois inférieur à un coût moyen de l’ordre de 4 millions d’euros dans le cinéma français, pour un long métrage. Distribué par Perspective 7, le film a été tourné en dix nuits et les équipes techniques ont été payées sur la base du tarif minimum de la convention collective. Les deux acteurs principaux (Kim Higelin et Victor Poirier), mais aussi Christophe Lambert – particulièrement fin et touchant – ont accepté, eux aussi, le forfait de base qui tourne autour de 400 euros par jour. « Le plus cher, a été la post-production, le montage en studio notamment de la bande son qui est essentielle dans ce film. Un savoir-faire français unique », analyse le jeune réalisateur.

Jonathan Taïeb reconnaît que rien n’aurait été possible sans le volontarisme et la bienveillance de tous. Y compris ceux qui ont accepté de l’accompagner financièrement : Paul-Maxime Koskas, David Obert ou encore le Marseillais Sami Chlagou. Ce dernier, patron de studios de production de jeux vidéo, à la une de l’actualité pour la saga Cross The Ages, l’accompagne depuis son premier court métrage. C’était il y a 18 ans : « Certains s’imaginent qu’il improvise, c’est tout l’inverse. Il travaille énormément. Maîtrise toute la chaîne, de l’écriture à la diffusion en passant, bien-sûr, par la réalisation. Le cinéma, c’est d’abord un business. Avec Jonathan Taïeb, j’ai fait le pari de l’avenir. Ce film marque un tournant ». Le scénario se résume en une phrase : la nuit d’errance dans Paris d’un jeune couple qui s’est rencontré par hasard. ♦

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