Solidarité

Par Marie Le Marois, le 5 avril 2024

Journaliste

Daphné Charveriat transcende la sororité avec Sista4Good

Daphné Charveriat, cofondatrice de Sista4Good @Celia Benisty
[Héroïne Du Quotidien] En dépit de nombreuses avancées, des femmes peinent encore à prendre leur place dans la société. Face à cette réalité, Daphné Charveriat a cofondé une communauté de femmes issues des quatre coins de Marseille. Née en novembre 2023, Sista4Good donne de la force et de la visibilité aux femmes engagées, pour un monde plus durable et inclusif. Elle vient de passer la barre des cent adhérentes. Et s’apprête à organiser le festival de la sororité.
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Elle arrive au rendez-vous, bomber jaune soleil et pendentif Sista4Good au cou, « un cadeau de Noël que je me suis fait », glisse Daphné Charveriat, avenante et pétillante dans un bar de quartier du 7e, à Marseille. Sista ? C’est le nom familier de ‘’sœur’’ en anglais pour évoquer la sororité. Accroché à ‘’4good’’, il évoque la solidarité entre femmes pour (se) faire du bien. Sista4Good entend « prendre soin de celles qui prennent soin du monde ».

Un programme ambitieux. Mais rien ne fait peur à cette entrepreneuse, qui a toujours innové pour connecter les uns avec les autres (bonus). Co-directrice de Marseille Solutions pendant quatre ans, elle a en effet lancé plus de 30 projets à impact à Marseille. Avant de devenir co-pilote du Lab d’innovation de la Ville de Marseille. Mais Sista4Good n’aurait jamais pu naître sans sa rencontre avec Dalila El Jaouadi, chargée de développement territorial à la direction Politique de la Ville.

Puissance de la sororité

Daphné Charveriat et Dalila El Jaouadi @DR

Rien ne prédestinait cette rencontre. « On n’habite pas le même quartier, on n’a pas la même culture ni la même trajectoire et pourtant, c’est vraiment ma sœur », souligne cette maman de deux ados. Toutes deux croient en la puissance de la sororité, « en la force des liens entre femmes, l’entraide, l’inspiration mutuelle et la célébration de nos réussites », étaye-t-elle en buvant son thé. Ces Marseillaises, qui se sont connues lors d’un atelier d’intelligence collective avec les Transformateurs Publics, veulent agir pour une société plus solidaire et engagée. Avec six autres Sistas, venues d’horizons variées, elles créent Sista4Good, sans vraiment savoir où cette initiative les mènera, mais convaincues que « la confiance en soi est contagieuse. Plus on va rencontrer des femmes inspirantes, plus on va aider les autres à prendre leur place », explique celle qui fonctionne à l’intuition. Elle s’est rendu compte, bien plus tard, que ce rayonnement démultiplié porte un nom : lShine Theory.

100 Sistas, bientôt 1000

Les Sistas lors de la soirée de lancement en novembre 2023 @Estelle Audigé

Quatre mois après son lancement au tiers lieu Coco Velten, en novembre 2023, la communauté a passé la barre des 100 adhérentes. Toutes positives, créatives, « attentionnées » et partantes pour « se faire la courte échelle » . Un réseau féminin de plus ? « Non, chez nous, peu importe que les femmes soient entrepreneuses ». Peu importent également l’âge, la culture, le milieu social ou la langue. L’idée est de fédérer « toutes celles qui ont une conscience sociale et environnementale, et qui veulent lutter contre l’injustice », insiste cette rassembleuse. Avant d’ajouter : « plus qu’un réseau, nous sommes une famille ». L’effet démultiplicateur du mouvement est tel que Daphné Charveriat estime qu’« on passera rapidement à 1000 Sistas ». Ce qui nécessitera une autre organisation, car aujourd’hui, l’équipe est bénévole.

Un mouvement ouvert au monde 

Des entrepreneuses de différents pays d’Afrique ont présenté leur projet à impact, soutenu par le SIBC – l’accélérateur de projets innovants de l’AFD (Agence Française de Développement) @Estelle Audigé

Depuis le lancement de Sista4Good, Daphné Charveriat a remarqué qu’il existe beaucoup « de mouvements de femmes qui s’entraident dans le monde ». Son idée alors est de créer « des ponts » avec eux. À la soirée de lancement, elle a invité 30 entrepreneuses Africaines, en séminaire par hasard à Marseille cette semaine-là avec l’AFD – Agence Française de Développement. Étaient présentes aussi, en visio d’Afrique du Sud, des représentantes de Girls Make The City qui œuvre pour l’accès de l’espace public aux adolescentes. Depuis, le projet de déployer ce programme à Marseille avance (bonus). 

Trois rendez-vous mensuels

Action collective à l’Auberge Marseillaise lors du Samedi Bien du 5 février 2023 @DR

Chaque mois, Sista4Good organise trois rendez-vous. Le premier est le Sist’Apéro. Il s’agit d’emmener les Sistas rencontrer des femmes dont le projet est « exemplaire et ambitieux ». Comme le Plan de A à Z – un tiers lieu culinaire, solidaire et anti gaspi -, ou la Maison des Nines – café-cantine engagé, bientôt estampillé QG des Sistas. Le deuxième rendez-vous est le Sista Codev (comme co-développement), un atelier d’intelligence collective au bénéfice d’une Sista porteuse d’un projet (bonus). Les réunions se déroulent en visio « pour que toutes les femmes, où qu’elles vivent en France ou ailleurs, puissent en profiter ». La cofondatrice de Sista4Good caresse un rêve, celui de « trouver un fonds pour financer toutes ces femmes à impact ». Le troisième rendez-vous est l’action collective. « Fondamentale », pour celle qui a co-créé l’opération Samedi Bien.

Un festival et un tiers lieu

Daphné Charveriat transcende la sororité avec Sista4Good 5
Le conseil d’administration de Sista4Good @DR

L’audacieuse projette un festival de la sororité d’ici cet été. Et, en 2025, pour ses 50 ans, un tiers lieu – de la sororité, bien sûr – « en pleine campagne, à une heure de Marseille, accessible en transports pour se ressourcer ». Car ces femmes super engagées, pour qu’elles poursuivent leur mission sans s’épuiser, doivent prendre soin d’elles. Pour Daphné Charveriat, sa source de jouvence est la nature. Elle l’inspire, la nourrit et la guérit. « C’est pour cela que je me sens toujours à ma place “hors des sentiers battus” ! » Elle pratique également avec Maryam Kaba l’afrovibe sur la Corniche à Marseille. Cette danse lui offre « un shoot d’énergie positive pour le reste de la semaine ». Une énergie qui contamine son entourage. Et, avant tout, les Sistas.♦

Bonus

  • Sista4Good repose sur quatre piliers : 

-Célébrer les petites comme les grandes joies. Des réjouissances qui servent de « haut-parleurs pour donner envie aux autres d’y arriver », explique Daphné Charveriat. Le passage à cent adhérentes sera célébré le 31 mai 2024 lors d’une soirée [S100] à La Fabulerie.

-Connecter. Créer des liens solides, attentionnés et de confiance entre les Sistas. « C’est pour ça qu’on se voit souvent ». Le 11 avril 2024, Sista4Good inaugure son QG à La Maison des Nines

-Outiller. Former les femmes grâce à l’intelligence collective : « 100 adhérentes, c’est 100 compétences ». 

-Agir collectivement sur terrain

  • Financements : le bureau estime à 100 euros par an l’adhésion, « mais l’argent ne doit pas être un problème. On préfère que personne ne se prive pour nous rejoindre ». Cet argent servira notamment à financer le festival de la sororité.
  • Les projets à impact des Sistas. Lors des Sista Codev, Toute Sista peut exposer sa problématique aux autres et bénéficier de leur expertise. Anissa Bekkouche a ainsi présenté Six Générations, sa plateforme ‘’d’émancipation sociale pour travailleurs et travailleuses précaires’’, et Aziza Boussafeur, Donne-moi ma chance. « Ces femmes font un travail extra au pied des cités, c’est elles qui devraient faire des conférences TEDx », lâche enthousiaste Daphné Charveriat. Il y a aussi Dalila El jaouadi, fondatrice de Sororité Inter-Qartiers – fédération des associations de femmes engagées. Et Marie Bonichon, de Yes We Give, une communauté de donateurs et donatrices engagés à donner un pourcentage de leur salaire pour l’intérêt général.

Le programme Girls Make The City est déployé à Marseille avec Joke Quinten, fondatrice de Wetopia et porteuse du projet.