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Les déchets des panneaux photovoltaïques valorisés grâce à ROSI
À la mi-juin 2023 en France, le nombre d’installations photovoltaïques s’élevait à plus de 760 000. Pour traiter la masse des déchets électriques et électroniques, notamment, que cela implique, l’entreprise grenobloise ROSI a conçu un processus de recyclage sélectif de ces matériaux. Aluminium, argent, silicium, cuivre, verre, d’une grande valeur, sont trop souvent jetés sans être valorisés. ROSI les traite et les recommercialise.
Elle s’appelle ROSI et elle a mis au point un processus de recyclage sélectif des matériaux issus des panneaux photovoltaïques. Elle, c’est une entreprise grenobloise qui a vu le jour en 2017. Mais pourquoi ce nom ? « Pour l’acronyme de Return Of SIlicon, explique Caterin Salas-Redondo, responsable du développement durable. Soit la capacité de récupération et de réutilisation du silicium provenant des panneaux solaires. » Elle nous explique plus en détail les étapes qui s’égrènent de la récupération des matériaux à leur réutilisation.
De l’énergie renouvelable et 60 millions de tonnes de déchets

Les panneaux photovoltaïques sont composés de nombreux matériaux : une plaque de silicium, des connecteurs en métaux conducteurs (argent, cuivre, aluminium), un cadre en aluminium et un vitrage en verre. Si ces panneaux permettent de produire de l’électricité à partir de l’énergie solaire, ce processus de création d’énergie renouvelable induit également des déchets.
On les estime à quelque 60 millions de tonnes d’ici 2050. « Ce qui est vraiment énorme, commente Caterin Salas-Redondo. Les matériaux contenus dans les panneaux sont d’une grande valeur. Au lieu de les traiter comme des déchets qui ne seront pas valorisés du tout, il y a un atout économique à attendre de leur recyclage. » L’entreprise ROSI a donc réfléchi à une solution technologique pour recycler et recommercialiser l’argent, le cuivre, le verre et le silicium haute pureté de ces déchets photovoltaïques.
En 2030, 33% de l’énergie française proviendra du solaire ?

« Nous ne nous positionnons pas que comme une entreprise de recyclage. Surtout comme un fournisseur de ces matières premières », résume la responsable. Avant d’appuyer l’aspect préservation des ressources naturelles, « primordial chez ROSI. » Ces matériaux « sont stratégiques et critiques en Europe. Il est largement préférable de les recycler et de les réinjecter dans des filières industrielles – par exemple des semi-conducteurs, des métaux ou même du photovoltaïque – pour éviter de prélever une fois encore des matières premières pour fabriquer un corps de produit », souligne-t-elle.
En France, à la mi-juin 2023, le nombre de panneaux photovoltaïques installés s’élevait à plus de 760 000. Or, leur durée de vie ne dépasse pas les 30 ans, estime l’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT). Les besoins de fabrication comme de revalorisation sont donc d’actualité. D’autant que le gouvernement français a pour objectif d’atteindre, en 2030, 33% de renouvelable (électricités éolienne, solaire, hydraulique…) dans la consommation brute d’énergie du pays.
Éviter la dépendance hors Europe

Après des années de recherche et de développement pour trouver le bon procédé, les activités de ROSI à l’échelle industrielle ont démarré en France à l’été 2023, avec l’usine ROSI Alpes. Depuis, l’entreprise a prévu de s’étendre en Allemagne et en Espagne. « Nous voulons élargir nos activités aux autres pays européens. Pour augmenter la résilience et diminuer la dépendance des fournisseurs des matières premières à des pays hors UE. Notre choix de pays se fait également en fonction de son appétence pour les panneaux photovoltaïques », explique Caterin Salas-Redondo. L’Allemagne, l’Espagne et la France sont les plus gros consommateurs européens de ces panneaux. ROSI souhaite donc se développer dans ces pays, avec pour objectif 30 000 tonnes de capacité de traitement de matériaux en Allemagne en 2028, 10 000 en Espagne et 10 000 en France.
Pour que la technologie ROSI puisse être développée, l’entreprise récupère les panneaux solaires en fin de vie chez Envie 2E Aquitaine (qui réalise le prétraitement des panneaux en retirant le cadre aluminium ou le vitrage) et Soren (l’éco-organisme chargé de la collecte des panneaux usagés en France). « Nous travaillons avec des organismes et associations qui œuvrent, comme nous, à valoriser des flux de déchets, ici issus de l’industrie photovoltaïque. Nous vendons ensuite nos matériaux circulaires recyclés à des acheteurs de différentes industries européennes. Principalement des industriels pour les métaux. Et la chimie spécialisée pour le silicium. »
Des équipements à fort potentiel de recyclage
Une filière de collecte des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) a été mise en place à l’échelle nationale en juillet 2005. Les producteurs concernés doivent organiser et financer la collecte de tous les déchets issus des équipements qu’ils ont mis en circulation sur le marché français. Fin février 2024, le ministère de la Transition écologique rappelait que ces « EEE » représentaient « aussi un fort potentiel de recyclage des matériaux qui les composent. » Ainsi, ce sont désormais plus de 600 000 tonnes de DEEE qui sont gérées par an, notamment grâce à Emmaüs et Envie. ROSI œuvre également en ce sens.
Cependant, notre interlocutrice constate que cette directive « nous dit qu’il faut collecter 85% des panneaux en fin de vie, dont 80% de leur poids doit être réintroduit dans le cycle des matériaux, mais ça s’arrête là. La récupération de matières premières critiques comme le silicium, l’argent et le cuivre (3% du poids mais 60% de la valeur économique) est problématique. Actuellement le module est cassé, tous les matériaux sont dévalorisés et leur qualité est amoindrie. C’est pour répondre à ces manquements que nous avons développé notre méthode innovante de recyclage. »

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« On ne sait pas vraiment où ces déchets sont envoyés »
Toujours en perfectionnement, cette technique de récupération a vocation à être utilisée sur le marché international. À ce jour, la capacité de traitement de ROSI avoisine 3 000 tonnes de modules photovoltaïques par an. Mais l’un des gros défis de l’entreprise est encore de récupérer les panneaux usagés. « Pour sécuriser la chaîne d’approvisionnement, ROSI a suivi le volume de déchets attendu sur le marché et le volume réel collecté par chaque pays. Jusqu’à présent, le volume de collecte est bien inférieur à ce qui était prévu, regrette Caterin Salas-Redondo. Et on ne sait pas vraiment où ces déchets absents ont été finalement envoyés. En décharge ou ailleurs ? » ♦