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Découvrir la « Culture Montagne » en apprenant à skier
Pour permettre aux enfants de mieux connaître la montagne et de la respecter, l’ESF (École du ski français) a imaginé un dispositif pédagogique et ludique avec l’association de sensibilisation et d’éducation à la transition écologique Mountain Riders. Elle le teste cet hiver avec 3500 moniteurs dans 19 stations, dont Risoul, dans les Hautes-Alpes.
Depuis le mois de décembre, les moniteurs de 19 ESF pilotes réparties sur cinq massifs (voir bonus) disposent d’outils pédagogiques et ludiques pour sensibiliser leurs élèves à la « Culture Montagne ». Un dispositif test imaginé avec l’association de sensibilisation et d’éducation à la transition écologique Mountain Riders (lire bonus), qui pourrait être généralisé dès la saison prochaine… Pour toucher alors jusqu’à 2,5 millions de skieurs et snowboardeurs !
L’objectif est « qu’ils comprennent le milieu dans lequel ils évoluent », résume Olivier Gaurenne, directeur de l’école de Font-Romeu et responsable RSE au Syndicat national des moniteurs du ski français. Pour qu’ils en prennent soin. « Qu’ils sachent que nos territoires ne sont pas que des espaces de ski. Mais sont avant tout des espaces de vie, poursuit-il. Qu’on peut y pratiquer d’autres activités, l’hiver mais aussi l’été… Ce sont des points que nos moniteurs abordent déjà en général. Parce qu’ils vivent à la montagne, ce milieu naturel très spécifique. Mais certains le font plus facilement que d’autres. On a donc voulu formaliser un peu la démarche en leur donnant des supports. »
Jusqu’à 2,5 millions de personnes sensibilisées en 2025/2026

Leurs outils ? Une fresque par école, à afficher devant l’ESF, au point de rendez-vous pour les cours de ski, au jardin des neiges ou encore sur les pistes. Et un quiz type « Incollables », pour chaque moniteur. Soit 19 bâches représentant la montagne en hiver et en été, ainsi que 3 500 éventails distribués en décembre dernier. Chacun est libre de les utiliser comme il le souhaite, quand il le souhaite. Au moment de la pause goûter, dans les files d’attente pour les remontées mécaniques ou dans les télécabines, la priorité restant évidemment l’activité sportive.
« Les retours sont très positifs, assure Olivier Gaurenne, ça ajoute de l’échange et c’est bien perçu par les clients ». Quant aux moniteurs, « ceux qui sont accompagnateurs de montagne l’été y sont plus sensibles par exemple que ceux qui vont avoir une activité nautique », explique celui qui est aussi agriculteur. « Mais même si tous n’adhèreront pas, ça restera un plus. »
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Une fresque été/hiver très parlante

Luc Berard, lui, est charpentier quand il n’est pas moniteur de ski à Risoul, dans les Hautes-Alpes. Et s’il reconnaît encore peu utiliser ces outils, il les exploite déjà bien. Bâche sous le bras, il amorce sa dernière heure avec un groupe de « deuxième étoile ». Deux descentes pour travailler les virages en dérapage puis il leur accorde une petite pause ludique en bordure de piste bleue, entre les arbres. Des mélèzes, leur explique-t-il, avant de leur montrer la différence avec un pin cembro. Chacun déchausse et s’assoit dans la neige, face à la fresque que « Lucho » vient de déployer.
« Qui est déjà allé à la montagne l’été ? » lance-t-il. Deux doigts se lèvent, sur huit enfants. « Qu’est-ce qu’on peut faire l’été à la montagne ? » Et de pointer du bâton la partie droite de la grande illustration, verdoyante à souhait. « Du sport ! » Grâce à ce support, ses élèves peuvent participer. Et comprennent qu’on peut y faire du vélo, du canoë, de la randonnée. « Et qu’est-ce qu’on peut trouver à la montagne l’été ? » « Des animaux ! » « Des cochons ! » « Des fermes ! » « Des vaches ! »

Ils apprennent aussi que le lièvre variable change de couleur l’hiver et devient blanc, pour se camoufler sous la neige. « C’est pour ça qu’il ne faut pas trop faire de hors-piste, pour ne pas le déranger », leur enseigne Luc. Avant de les aiguiller vers le lac qui gèle l’hiver, côté gauche et blanc du paysage, pour leur dire qu’il permet de stocker l’eau nécessaire pour produire la neige de culture, quand il fait froid. « Mais c’est mieux quand elle tombe du ciel ! » leur glisse le moniteur, sans pouvoir trop creuser la thématique du réchauffement climatique cette fois. Car il faut s’adapter à son public, or celui de cet après-midi a entre 7 et 9 ans.
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Un quiz ludique

Il sort ensuite le quiz de sa poche, le feuillette et opte pour l’un des thèmes : vie à la montagne, biodiversité, cycle de l’eau, aménagement et déchets. Puis il parcourt rapidement les questions destinées à leur catégorie d’âge. Couleur verte : pour les enfants scolarisés en maternelle et début de primaire. Bleu pour la fin de primaire et les collégiens. Rouge pour les lycéens et les adultes. Noir enfin pour les questions bonus. Mais malgré ces indicateurs, il faut encore affiner son choix pour viser juste et stimuler son auditoire.
Luc sélectionne une question sur le temps que met une bouteille en plastique pour se dégrader si on l’abandonne dans la nature après un pique-nique. « Très longtemps ! » lui répond un garçon. « C’est-à-dire ? » « Deux ans ? Trois ans ?» tente sa voisine. « Entre 100 ans et 1 000 ans ! » « Nooooon !?! » « Et pendant tout ce temps, elle aura tué des limaces, des fourmis, peut-être un lièvre qui en aura mangé… En montagne, il ne faut pas faire n’importe quoi. »
« C’est bien de les sensibiliser, estime le moniteur. C’est pour eux qu’il faut préserver l’environnement. Et je leur en parle facilement parce que la montagne, c’est ma passion. Je peux aussi leur raconter ce que m’ont appris les anciens. » Partager sa propre expérience, compléter les réponses du quizz avec ses connaissances, c’est précisément ce qui est préconisé en introduction du jeu concrétisé avec Mountain Riders. « Sensibiliser sans moraliser.»
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Faire sa part
« On n’attend pas l’ESF pour faire passer ces messages, mais si on peut faire notre part, c’est bien », résume Jean-Marc Roux, directeur de l’École du ski français de Risoul, qui s’est porté volontaire pour tester le dispositif. « On participait déjà aux opérations de ramassage des déchets « Le dernier planté de bâton » et « Adopt’1 spot », c’était donc naturel de faire aussi cette expérience. » (voir bonus).
En plus d’être généralisé, Culture Montagne pourrait être prolongé par un diplôme du petit montagnard ou encore par un outil digital à destination des familles. Il sera aussi adapté aux classes de neige, avec l’élaboration d’un jeu de cartes et probablement une intervention ciblée durant le séjour. ♦
Bonus
# Les 19 ESF pilotes – Les Ecoles du ski suivantes participent à cette saison test de « Culture montagne » : Arcs 1800, Arêches-Beaufort, Chamrousse, Courchevel 1650, Font-Romeu, Gourette, La Toussuire, Les 2 Alpes, Les Gets, Les Houches, Les Rousses, Manigod, Megève, Méribel, Risoul, Serre-Chevalier Chantemerle, Super-Besse, Tignes-le-Lac et Valberg. Elles ont été retenues par les délégués régionaux du Syndicat national des moniteurs du ski français, après un appel à candidatures. Et représentent les différents massifs français.
# Mountain Riders – Créée en 2021, Mountain Riders est une association de sensibilisation et d’éducation à la transition écologique en montagne. Elle organise notamment des opérations de ramassage des déchets, anime des Fresques de la montagne, des formations ou encore des activités pédagogiques destinées aux enfants. Elle attribue aussi le « flocon vert ». A la fois label et démarche de progrès, il accompagne les territoires et valoriser les destinations touristiques de montagne engagées. www.mountain-riders.org
# Le dernier planté de bâton et Adopt’1 spot – Depuis 1996, l’ESF organise une opération nationale de ramassage des déchets sur les domaines skiables chaque fin de saison : “Le dernier planté de bâton”. Il réunit les professionnels – remontées mécaniques, office du tourisme -, les collectivités, les écoliers, les élèves des ESF pour parcourir le domaine à la fin des neiges et récupérer plusieurs tonnes de déchets abandonnés sur les pistes. Grâce à Mountain Riders, ces déchets sont ensuite triés et caractérisés. L’association propose aussi “Adopt’1 spot” qui consiste à choisir un espace, le front de neige par exemple à Risoul et à s’engager à y faire deux ramassages suivis de deux caractérisations des déchets de niveau 2 par an, pendant trois ans.