Solidarité
Des cafés pour rompre la solitude
Au cœur de Grenoble, l’Accueil Sourire offre un café, un peu de chaleur et surtout une présence à ceux que la solitude isole. Porté par les bénévoles de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, ce lieu ouvert à tous devient un refuge où les liens se tissent.
« On est ouvert à tout le monde, sans condition ni jugement », affirme d’emblée Jean-Paul Lamorisse, bénévole, lorsqu’on pénètre dans ce local du centre-ville grenoblois. Porte ouverte et kakémonos de présentation déjà en place, cet après-midi, l’Accueil Sourire sera fréquenté par une vingtaine de personnes, venues prendre un café, discuter ou simplement profiter de l’espace chauffé et confortable.
Jeux, discussions et échanges humains

Ce jeudi après-midi, quatre hommes tiennent la permanence. Ces bénévoles appartiennent à la branche iséroise de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, qui œuvre à « créer un réseau de charité pour tous ceux qui ont besoin d’un moment de chaleur humaine », explique Anne-Marie Durbet, présidente du conseil départemental de l’association.Assis à des tables dans cette pièce sommairement meublée, café en main, ils discutent de la vie du quartier et de leur quotidien. Puis s’interrompent pour accueillir les arrivants. <!–more–>
Ainsi, deux fois par semaine, ils installent les tables, les chaises, préparent les boissons et participent à des parties de belote, Scrabble ou Skyjo. « La semaine dernière, on a même dû rajouter des chaises, c’était super convivial ! », ajoute fièrement Jean-Paul. L’arrivée d’un visiteur déclenche immédiatement leur attention : « Comment allez-vous ? Vous voulez un café ? Vous poser sur le canapé, tranquille ? Ou discuter ? » Les piliers de l’Accueil Sourire sont palpables : écoute, partage et bienveillance.
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Rompre la solitude avant tout !
L’Accueil Sourire attire un noyau de visiteurs isérois réguliers, témoignant du besoin de tisser des liens. Certains vivent seuls et n’ont pas l’occasion de discuter avec d’autres personnes dans leur quotidien. D’autres sont à la rue et cherchent un peu de chaleur, de nourriture et réconfort. D’autres encore sont en précarité, avec des enfants. Et tous se retrouvent ici où ils se sentent reconnus, écoutés et accompagnés.
« Quand on ne se croise pas pendant plusieurs semaines, on est contents de se revoir, de prendre des nouvelles des uns et des autres. D’essayer d’aider comme on le peut. C’est chaleureux, bon enfant et ça apporte beaucoup aux bénévoles aussi », souligne Jean-Paul Lamorisse.

Une initiative nationale et variée
Ouvert en 2023, le lieu grenoblois commence doucement à se faire connaître et quelques têtes sont désormais familières aux bénévoles. Anne-Marie Durbet précise toutefois que cette association caritative, reconnue d’utilité publique, existe au niveau national : « Des cafés de ce type sont créés partout en France. Nous apportons une aide aux personnes âgées avec des visites à domicile et des paniers alimentaires pour les familles en difficulté. » Ces derniers sont uniquement financés par des dons privés. « Nous ne faisons aucun bénéfice. Tous les dons sont reversés aux personnes dans le besoin, comme ça doit toujours l’être », ajoute-t-elle.
Jean-Paul Lamorisse ajoute qu’à Voiron, commune voisine de Grenoble, une autre antenne propose des repas partagés une fois par mois. « Il y a en général une vingtaine de personnes et ce sont des moments très agréables. Avec des activités, de la musique et de nombreux échanges. »
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« La reconnaissance et le respect de chaque personne »
Celles et ceux qui franchissent la porte de l’Accueil Sourire trouvent là un refuge contre la solitude. « Certains viennent tous les jeudis et samedis après-midi en alternant avec les autres associations similaires des environs. D’autres viennent plus ponctuellement. Mais tous repartent avec le sourire et en ayant créé du lien », raconte la présidente iséroise.
Et si la dimension spirituelle est présente dans les messes mensuelles et événements proposés par la Société de Saint-Vincent-de-Paul, les cafés eux sont laïcs et accueillent tout le monde. « Pour nous, la foi se traduit par l’action. La prière nous accompagne dans notre dévouement bénévole, mais il n’y a aucun prosélytisme. L’important, c’est la reconnaissance et le respect de chaque personne. »
Un credo qui semble guider les bénévoles et visiteurs : « être présent, tout simplement » pour les autres, quelle que soit leur situation dans la société. Z.C. ♦
Et ailleurs…
# À Nantes, un Café Sourire à réinventer
Les portes sont souvent closes désormais. À Nantes, depuis septembre, le Café Sourire n’ouvre plus que le mardi après-midi. « Nous avons même complètement fermé cet été, alors que nous étions auparavant ouverts trois demi-journées par semaine depuis notre création il y a deux ans. Mais le projet avait dévié de son objectif initial », explique Denis Hubert, vice-président de l’association départementale Saint-Vincent-de Paul, et responsable de l’accueil du Café Sourire.

L’objectif initial, à savoir rompre la solitude et créer du lien, notamment auprès des personnes du quartier où il est implanté, à proximité du centre-ville, s’est perdu en chemin. « Nous disposons d’une épicerie sociale dans notre local. Au départ, certains habitants qui venaient au Café Sourire passaient également prendre des denrées. Mais au fil du temps, on a constaté que beaucoup de personnes venaient juste chercher des produits alimentaires. Or, même si nous comprenons ce besoin, ce n’est pas notre finalité ».
Des bénévoles de l’association ont donc créé un groupe de réflexion afin d’imaginer comment proposer une offre différente. « Nous envisageons par exemple d’organiser des activités ludiques et artistiques lors des cafés. Peut-être faudra-t-il aussi changer de local. » Parallèlement, les bénévoles ont rencontré d’autres associations comme L’écoute de la Rue et l’Ordre de Malte. « Nous étudions avec eux comment construire une seconde offre, plus structurée, pour recevoir les gens de la rue, voire pour les sortir de leur situation, confie encore Denis Hubert. Le Café Sourire a mis un coup de projecteur sur cette problématique ». P.D.S. ♦
Bonus
# L’histoire des Cafés Sourire. L’association Petits Frères des Pauvres, qui publie régulièrement son baromètre sur la solitude et l’isolement, dénombrait 750 000 personnes en situation de mort sociale en 2025 (300 000 en 2017).
Face à ce fléau, les bénévoles agissent au quotidien en déclinant une idée originale née il y a une dizaine d’années dans le sud de la France. Lors des Diaconia 2013, rencontres organisées par l’Église pour lutter contre l’exclusion sociale, Didier Bohl, président du Conseil départemental de la Société de Saint-Vincent-de-Paul des Alpes-de-Haute-Provence, a décidé de passer à l’action en concevant le premier Café Sourire. « Je suis parti du constat que les structures existantes n’étaient jamais au bon endroit au bon moment », se remémore-t-il.
Le temps de réunir les équipes nécessaires et de trouver un local, le tout premier Café Sourire a ouvert en 2016 à Sisteron (05). Très vite une vingtaine de personnes s’y sont rendues chaque matin. Aujourd’hui, plus d’une trentaine de Lieux Sourire ont vu le jour en France et dix sont en cours de création. S’ils peuvent prendre différentes formes, le mot d’ordre est le même pour tous : l’écoute. À Chartres (Eure-et-Loir), il s’agit d’une Halte Sourire, ouverte les mercredis après-midi, où s’organisent une distribution alimentaire, des ateliers dessin ou chant et même un vestiaire. Dans les Hauts-de-Seine, à Saint-Cloud, bénévoles et accueillis jouent à des jeux de société et jardinent le samedi matin. À Sisteron, il y a aussi un Bouquin Sourire et une Camionnette Sourire itinérante. À Angers (Maine-et-Loire), un atelier couture a été mis en place un jeudi sur deux, etc.