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Par Zoé Charef, le 13 février 2025

Journaliste

Gastronomie : une Étoile Verte pour les tables écoresponsables

Depuis 2020, le restaurant doublement étoilé Maison Aribert arbore fièrement l’Étoile Verte du Guide Michelin, en récompense de son engagement écologique. À Uriage, en Isère, Christophe Aribert et son équipe privilégient en effet une cuisine locale et responsable, du potager aux assiettes. Matériaux durables, circuits courts, gaspillage minimum : chaque détail témoigne de la volonté forte de concilier gastronomie d’exception et respect de l’environnement.

« Tu as fini avec l’épluchage ? On va laisser le chou cuire pendant une heure. Puis on va le mettre dans un four assez puissant, à 220°C, pendant 5 ou 6 minutes ». Voilà ce que l’on peut entendre en entrant au Café A, la brasserie du restaurant doublement étoilé Maison Aribert. Dans cette bâtisse du 19e entièrement rénovée et adossée à la colline du parc d’Uriage, en Isère, les cuisiniers sont au fourneau dès le petit matin. 

Christophe Aribert est à la tête de ce laboratoire d’innovations culinaires et éco-responsables. Ce chef de 52 ans travaille produits bio et régionaux avec toute sa brigade. En 2020, son positionnement a valu au restaurant gastronomique et à sa brasserie l’Étoile Verte du prestigieux Guide Michelin. « C’est une reconnaissance qui compte beaucoup à mes yeux, assure Christophe Aribert. Notre mode de fonctionnement est tourné vers un (très) faible impact sur la planète, que ce soit dans l’habitat comme dans l’assiette. »

Le Guide Michelin, engagé et précurseur

La Maison Aribert, perchée dans les collines iséroises, est pensée pour respecter au maximum l’environnement. ©ZC

Cette étoile transcende les autres distinctions du Guide. Elle « promeut les acteurs les plus engagés ainsi que leurs initiatives concrètes » pour une transformation de la filière, présente l’institution. Le tout avec l’objectif d’ « accélérer la prise de conscience et le passage à l’action de tous. » Pour faire bouger le monde de la haute gastronomie autour des enjeux du développement durable, le guide s’est appuyé sur les connaissances et réflexions des plus grands chefs pour imaginer cette nouvelle distinction. Christophe Aribert en fait partie. Son restaurant se veut modèle et témoin des valeurs de l’Étoile Verte : « Nous avons rénové la maison de manière vertueuse et écologique. Avec de la basse tension, pas de climatisation, de l’isolation en laine de bois, des matériaux nobles… » Jusqu’aux vêtements portés par le personnel, fabriqués en coton bio et issus d’un circuit court. 

Les aliments sont conservés dans du cirophane, un emballage naturel et réutilisable. Pour les déchets organiques, l’équipe fabrique un compost « qu’on donne ensuite aux agriculteurs de la région avec qui on travaille, explique le chef. C’est en quelque sorte mon don de retour à la terre. À moi d’agir, à mon niveau, pour que l’alimentation des gens soit meilleure. En tant que chefs étoilés, nous nous devons d’être exemplaires dans notre façon de travailler, notamment au niveau écologique. »  

♦ (Re)lire : L’alimentation, un bon prétexte au vivre-ensemble

Et ça se ressent dans l’assiette !

Une cuisine de saison, faites de produits locaux, et simple. ©ZC

Mais dans l’assiette, comment les clients peuvent-ils ressentir cet investissement ? Les quarante couverts de la Maison Aribert donnent sur le parc d’Uriage et le jardin aromatique du restaurant. Le potager fournit quasiment 100% des herbes et plantes aromatiques de Christophe et son équipe et « apporte une forte spontanéité » à leur gastronomie. « Ce jardin donne également le ton aux équipes. C’est un outil merveilleux pour les éduquer et les imprégner de notre état d’esprit. » 

La brigade se ravitaille dans un rayon d’environ 50 kilomètres et cueille tout ce qui peut l’être dans les collines alentour. Ainsi, l’oxalis sauvage, la pimprenelle ou encore l’achillée millefeuille se retrouvent dans les plats et leur apportent une saveur toute particulière. Ce sont ces bonnes odeurs que l’on hume en prenant place à l’une des tables en bois brut du Café A, juste à côté de la cuisine ouverte sur la salle. Fabrice, chef du lieu, développe : « On a des convictions : servir des produits locaux, travailler avec bon sens, faire de la permaculture. Agir de la graine au déchet. Et réfléchir au travail du produit, à son optimisation et à son respect. »

« Le poisson de mer, on oublie ! »

©ZC

Les plats sont aussi « dirigés par les saisons. En fonction des produits disponibles localement. Actuellement, on travaille les choux. Lisses, fleurs, rouges… Il y a donc des choux-fleurs blanchis et de la choucroute à la carte ! En cuisant les légumes de base à la bonne température, avec le bon assaisonnement et le bon accord, on peut avoir quelque chose de vraiment extraordinaire », détaille avec enthousiasme Fabrice, le chef de la brasserie. 

En ce moment, ce sont les volailles bio du Trièves et la truite rose du nord de l’Isère qui intéressent Fabrice. « Le poisson de mer, on oublie ! On opte pour ceux du lac Léman, pour les perches du cirque d’Archiane dans la Drôme, pour l’omble chevalier qui se pêche actuellement. » Travaillant ensemble depuis une vingtaine d’années, les deux chefs partagent une optique de travail très claire.

Soutenir un terroir et ses ressources

Le Café A, avec le chef Fabrice aux commandes. ©Maison Aribert

Murs en pierre, escaliers en bois, lumière basse tension, la Maison Aribert est pensée pour être simple, conviviale et « juste pour notre environnement. » Christophe Aribert l’assure : « C’est un travail infini et passionnant. Nos ressources sont fragiles, à nous d’en prendre soin au quotidien. » Cela se matérialise par cette volonté de soutenir un territoire en tissant des liens forts avec les ressources et les artisans isérois. 

Justement, n’est-ce pas trop contraignant de dépendre de la saison et des ressources d’un territoire plus restreint ? « On n’est jamais aussi bons que sous la contrainte, rétorque Christophe Aribert. Les productions des maraîchers et les saisons nous rendent plus créatifs. On prépare par exemple la blette sous plusieurs formes : en terrine ou rôtie. C’est gourmand, c’est végétal, c’est herbacé, c’est singulier, vivant et bon ! » En affirmant et réaffirmant son attachement aux herbes et racines des montagnes environnantes, le chef marie fruits, légumes, fleurs du potager et protéines animales.

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La tanaisie à la place de la vanille, le sarrasin à la place du café

Le chef étoilé Christophe Aribert dans son potager, devant sa maison. ©Maison Aribert

Fabrice, le chef de la brasserie, l’assure également : ce n’est pas un obstacle, mais une méthode de travail « en harmonie avec les changements actuels. » Comment s’adapter alors ? « On cherche des alternatives qui fonctionnent au niveau du goût. Prenons la tanaisie par exemple. C’est une herbe de jardin qui a des saveurs un peu vanillées. On l’utilise pour éviter aux gousses de vanille de parcourir des milliers de kilomètres. On opte également pour le sarrasin qui a des familiarités avec le café. » Finalement, en testant des substituts plus locaux qui peuvent nous rappeler des saveurs d’ailleurs, le pari est relevé : une cuisine responsable et gourmande !

Des aspects chers au Guide Michelin qui souhaite « distinguer les engagements les plus remarquables et encourager la créativité dont font preuve les restaurateurs lorsqu’ils imaginent au quotidien de nouvelles pistes d’action. » Ainsi, sur les 15 000 restaurants recommandés par le guide, un peu plus de 350 ont aujourd’hui décroché leur Étoile Verte.