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La fermentation pour valoriser les coproduits alimentaires
[je recycle, tu surcycles, ils valorisent – #14]
Comment nourrir une population grandissante sans épuiser davantage les ressources naturelles ? Pour répondre à cette équation, de plus en plus d’entreprises s’évertuent à valoriser les coproduits alimentaires, ces matières générées lors du processus de production et non consommées. Parmi elles, Green Spot Technologies. Son usine à Carpentras recourt à la fermentation pour rendre consommables des matières organiques qui ne l’étaient pas. Sa cible : l’industrie agroalimentaire.
Elle a trouvé sa place sur le marché-gare de Carpentras, occupant un bâtiment historique de 1000 mètres carrés. L’usine de Green Spot Technologies, dont le siège social se situe à Toulouse, reçoit côté intrants une majorité de coques de légumineuses, féveroles notamment, mais aussi du marc de raisin.
À la sortie, ces coproduits sont transformés en ingrédients susceptibles de remplacer une partie du cacao dans des recettes de l’industrie agroalimentaire.
Pasteur en Nouvelle-Zélande
Pas de coup de baguette magique pour y parvenir, mais plutôt un procédé chimique bien connu : la fermentation. Pratiquée depuis des millénaires dans l’élaboration de boissons et la conservation d’aliments, la fermentation est réellement comprise grâce aux travaux de Louis Pasteur dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Le scientifique démontre que si des matières se transforment, cela est le fait de micro-organismes qui s’y développent, sécrétant des enzymes. Des procédés qui n’ont pas encore révélé tous leurs secrets. Et sur lesquels Ninna Granucci, originaire du Brésil, se penche à l’occasion d’une thèse en Nouvelle-Zélande.
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La chercheuse dévoile alors le potentiel de la fermentation dans la valorisation des coproduits. Transformés par les bons micro-organismes, ceux-ci peuvent alors devenir propres à la consommation et constituer des ingrédients susceptibles d’intéresser l’industrie agroalimentaire. Dans la foulée de sa thèse, elle crée une entreprise qui saura mettre en œuvre et industrialiser de tels procédés. Structure qui intéresse des investisseurs, français notamment. C’est ainsi qu’elle implante Green Sport Technologies à Toulouse, attirée par les compétences en biotechnologies qui s’y trouvent.
La bonne bactérie pour le bon coproduit
S’ensuivent trois années de recherche et développement. L’enjeu : trouver quels coproduits valoriser, à partir de quelles souches microbiennes et selon quelle méthode de fermentation. Ce, afin d’obtenir des ingrédients attractifs pour les consommateurs finaux, à savoir des industries agr-alimentaires désireuses de remplacer une partie de leurs matières premières par d’autres, plus vertueuses d’un point de vue environnemental. Et idéalement moins coûteuses.
« Nous nous sommes développés sur le marché des substituts au cacao au moment de la crise du cacao fin 2023 , explique Benoît de Sarrau, directeur technologique de l’entreprise.

Vertus économiques et environnementales
Pour les industriels, l’enjeu est de réduire l’usage de cette matière devenue très coûteuse. Mais la recherche d’économies est aussi vertueuse d’un point de vue environnemental.
La production d’un kilogramme de chocolat noir serait ainsi responsable de l’émission de 17,11kg de CO2, notamment par la déforestation qu’elle génère. « Nos ingrédients permettent de remplacer une partie de ce cacao par une matière fabriquée en France. Dont l’impact environnemental est bien moindre », souligne Benoît de Sarrau.
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200 coproduits identifiés comme valorisables
Au total, Green Spot Technologies a identifié un panier de 200 coproduits valorisables. On y trouve notamment des résidus (ou drêche) de tomates -résultant de leur transformation en sauces ou concentrés- qui s’intègrent bien dans des recettes de substituts à la viande. Ce, en raison de sa couleur pourpre, de sa saveur umami – ce cinquième goût identifié par la gastronomie japonaise et qui désigne un goût savoureux, donnant l’eau à la bouche. De même, ces résidus de tomates, une fois fermentés, ont des propriétés épaississantes. « On pourrait donc n’avoir qu’un seul ingrédient naturel pour remplir toutes ces fonctions, au lieu de trois ou quatre », pointe le directeur technologique. Une aubaine pour les fabricants agro-industriels, de plus en plus soucieux de « simplifier leurs listes d’ingrédients afin de répondre aux attentes des consommateurs ».
Sur ce marché, l’entreprise a conclu un partenariat avec une usine espagnole de transformation de tomates. L’idée étant de réutiliser les drêches rendues digestes grâce à la fermentation comme exhausteurs de goût dans les sauces tomates de cette même usine.
Avec la fermentation en milieu solide : de considérables économies d’eau
Au-delà d’être vertueuse par sa capacité à réduire l’utilisation de ressources naturelles dans l’industrie agroalimentaire, Green Spot Technologies se distingue par le choix de pratiquer la fermentation en milieu solide. « Classiquement, la fermentation s’opère dans des milieux liquides, et il faut beaucoup d’énergie pour faire évaporer l’eau qui est utilisée. Pour éviter cela, nous avons fait le choix de travailler sur une fermentation en milieu solide. Ceci nous permet de consommer 10 à 20 fois moins d’eau. Ce n’est pas la technologie la plus simple à maîtriser et nous sommes peu nombreux à le faire en France. Mais c’est un pilier très fort de notre innovation ».
À ce jour, l’entreprise compte 23 salariés, dont 8 dans son usine vauclusienne. Un chiffre qui devrait s’accroître avec la hausse prévue des capacités de production dans les prochains mois. « Cela devrait nous permettre d’atteindre 15 à 20 salariés d’ici un an dans l’usine ». ♦