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Haut potentiel intellectuel : ni un trouble ni une maladie
Au vu du nombre de parents qui échangent ou s’inquiètent au sujet de leur enfant précoce, surdoué, à haut ou très haut potentiel intellectuel (HPI), on imagine que les cours de récréation doivent en être remplies ! Pourtant, leur proportion est établie à environ 3% de la population et ne bouge pas.
« Voilà la nouvelle maladie du siècle », s’amuse le Pr David Da Fonseca. Le professeur de pédopsychiatre à Aix Marseille Université et praticien à l’APHM rectifie dans la foulée : « En fait, ça n’est en rien une maladie ni un trouble, c’est une chance. Les HPI sont des personnes vives, curieuses, créatives, douées d’une envie de comprendre et de maîtriser phénoménale ! Il y en a toujours eu, mais le thermomètre a changé ». Il expose que la plupart des jeunes HPI, dont le quotient intellectuel est supérieur à 130, vont majoritairement plutôt bien, car ils sont armés pour s’autonomiser, s’adapter et composer avec une intelligence et une sensibilité particulières.
Parfois d’autres troubles associés
Quand on en parle comme d’un problème, « c’est bien souvent parce qu’il existe d’autres troubles associés. Troubles anxieux, dépression, angoisse, TDAH (trouble déficitaire de l’attention)… », souligne le médecin. Qui poursuit : « Et souvent une confusion avec les TSA, troubles du spectre de l’autisme. Or il y a d’un côté un fonctionnement cognitif analogique et accéléré, de l’autre un trouble du traitement de l’information. D’un côté un fonctionnement très flexible et empathique, de l’autre, très rigide et peu empathique ».
Être HPI n’étant pas une maladie, il n’y a pas de raison de consulter, « sauf quand il y a de la souffrance bien sûr, une rupture dans le fonctionnement, des répercussions sur les apprentissages, les relations sociales, familiales ou professionnelles. »

Leur inculquer le goût de l’effort
Si la scolarité est compliquée, « il faut considérer la pédagogie et l’environnement scolaire, l’écoute et la compréhension des professeurs, invite le Pr Da Fonseca. Parfois aussi l’attention familiale portée à l’enfant qui n’est pas bien compris par ses proches. « Le risque est également de les laisser croire qu’ils peuvent y arriver sans effort, qu’ils sont plus doués que les autres. Même s’ils ont des facilités, à un moment l’effort est nécessaire et là, attention à la chute ! »
De fait, pour la psychologue Jeanne Siaud-Facchin (bonus), être doté d’un haut ou très haut potentiel ne rime pas forcément avec être premier de la classe. Si la puissance intellectuelle et la capacité d’analyse sont supérieures à la moyenne, cela se double souvent d’une hypersensibilité et d’une importante porosité au monde qui peuvent les tempérer.
♦ (re)lire l’article : Tchiquit’ tchiquita à l’hôpital psychiatrique
Ils sont plus susceptibles
Ces enfants et ados qu’elle a surnommés affectueusement les Zébres (bonus) sont facilement blessés ou en colère. Souvent en désaccord et déterminés à interagir ou argumenter avec les adultes, et notamment les enseignants. « En effet, ils supportent mal le carcan qui veut que tout soit appris d’une certaine façon et à un certain rythme. Et le fait de ne pouvoir exercer leur intelligence de façon naturelle peut amener certains à s’étioler, se désinvestir de l’école ou se montrer très dissipés. Les autres y verront quelqu’un qui veut se rendre intéressant et jouer les bolosses », décrypte Jeanne Siaud-Facchin, pointant des « alchimies complexes ».

Des petites filles trop discrètes
Il y a autant de filles que de garçons HPI. Pourtant, la psychologue relève pourtant que les patients croisés depuis le début de sa carrière sont aux trois quarts masculins. Ce qui l’alerte : « Les filles ont souvent grandi dans une exigence de perfection. Avec le projet de rentrer dans le moule et la peur de ne pas être à la hauteur. Tandis que les garçons sont plus bruyants, se font remarquer. Or à l’âge adulte vers la trentaine, certaines jeunes femmes HPI non diagnostiquées font des burn-out très caractéristiques. Elles n’en peuvent plus de s’adapter et ne supportent plus les pressions ». Elle préconise donc de prêter davantage attention aux petites filles…
Un repérage plus efficace
La nouveauté, c’est un repérage plus important car la nouvelle génération de parents (parfois encouragée par les enseignants) consulte beaucoup plus facilement. « Pas forcément pour les bonnes raisons. Ils ont tendance à penser qu’être un bon parent, c’est être le parent d’un enfant qui réussit à l’école. Soumis à cette pression, ils s’inquiètent beaucoup plus vite pour un mauvais bulletin que pour un manque d’appétit ou d’entrain », remarque Jeanne Siaud-Facchin.
Il n’empêche, certains ne seront jamais détectés et suivrons des parcours académiques sans histoire, en raison d’une personnalité bien structurée. Pour les autres, il est important d’éviter que cette intelligence ne devienne un handicap.
Et puis ans la famille HPI, je demande les parents, les grands-parents, les fratries… Car pour le Professeur Da Fonseca, « le facteur génétique ne fait aucun doute » ! ♦
Bonus
- « La guérison émotionnelle ». Cet ouvrage est paru en 2023 aux Ed Odile Jacob. Elle y a également publié « L’enfant surdoué » et dispose d’un site Internet jeannesiaudfacchin.com
Par ailleurs, Jeanne Siaud-Facchin suggère deux lectures : « 100 idées pour accompagner les enfants à haut potentiel », ouvrage collectif paru chez Tom Pousse, et « Les enfants surdoués ou la précocité embarrassante », par Jean-Charles Terrassier, fondateur en 1971 de la première école dédiée aux enfants intellectuellement précoces.
- Les Zèbres. Ce surnom s’est imposé à Jeanne Siaud-Facchin en 2002, « parce que ces enfants sont de drôles de zèbres. Ils me font penser à cet animal dont le pelage rayé, unique, crée un effet stroboscopique lorsqu’il court. Un animal qui a besoin de la compagnie de son troupeau, car il n’aime pas vivre seul».
Elle a donc baptisé Zébra le centre qu’elle a créé en 2011 à Marseille. « Pour accueillir les jeunes qui se trouvaient en marge de leur vie, exclus de l’établissement scolaire, médicalisés de façon outrancière, avec des parents dépassés. Ce n’est ni une école, même si des enseignants interviennent. Ni un centre de soins. Mais un lieu pensé comme une station de gonflage ».