ÉducationSolidarité
Jules Sitruk tacle le déterminisme social
Il est né en 1998. S’apprête à boucler HEC. A rencontré le Pape et le Président de la République. Figure dans le classement 2023 de Forbes30 qui focusse sur les élites de demain. De fait, son book presse est impressionnant. Pour autant, Jules Sitruk n’a pas pris la grosse tête et à travers le Protis Club, multiplie les initiatives pour lutter contre le déterminisme social.

Le Protis Club « rassemble la jeunesse de tout Marseille et la mène vers l’excellence ». Le message clair et concis figurant sur le site de l’association offre un champ d’action des plus vastes. Singularité de ce programme qui prépare les lycéens aux grandes écoles, il a été imaginé et déployé à partir de 2022 au sein d’un club de supporters de l’OM.
Des aficionados de l’OM venus de toute la ville

Les South Winners sont bien connus pour l’ambiance qu’ils mettent à chaque match et la personnalité de leur président. En effet, Rachid Zeroual a la réputation de faire « sauter » les dirigeants de l’Olympique de Marseille. Ce club d’ultras a comme autre particularité d’accueillir des passionnés du ballon rond venus de toute la ville. « Les amis du virage Sud », comme se définissent ses membres, offrent un vrai visage de la diversité « made in Marseille ». De quoi permettre à Jules Sitruk de s’appuyer sur des chefs d’entreprises, mais aussi un Général de corps d’armée (Pascal Facon, à l’époque gouverneur militaire de Marseille) pour structurer et faire avancer son projet.
Les clubs de supporters sont un lieu de brassage social où les codes du quotidien sont balayés. Tenues uniformisées, cris d’encouragement ou insultes identiques, au Vélodrome l’individu s’efface devant le groupe. Il n’y a plus de marqueur social ; des liens forts peuvent alors se créer. Un cadre qui facilite la mise en place d’un projet social, car tous les participants ont déjà un lieu qui les rassemble, le stade. Et un lien qui les unit : l’équipe qu’ils soutiennent et portent, pour laquelle ils vibrent et partagent les mêmes émotions.
L’accent, la façon de s’exprimer, la tenue autant de marqueurs sociaux

L’initiative naît d’un constat vécu. Parmi les lycéens membres des Winners, ceux qui habitent les quartiers Nord ont beaucoup plus de mal dans leurs études et vont beaucoup moins loin que ceux qui habitent dans le Sud de la ville. D’où l’idée de regrouper ceux qui sont en première et en terminale pour leur faire préparer les examens, notamment les oraux, ensemble.
Le programme mis en place par Jules Sitruk joue notamment sur la complémentarité entre ces jeunes. Leur fait partager des moments et des rencontres d’exception dans le cadre de la préparation aux examens. Car les formateurs viennent en effet de tous les horizons : sportifs, chefs d’entreprise, militaires, bénévoles… Au-delà de la méthodologie de travail et de l’expérience vécue, transmise et partagée, les coachs les motivent pour qu’ils s’investissent davantage encore dans leurs études. Les lycéens progressivement prennent conscience que des objectifs ambitieux pour la suite post-bac sont atteignables.
Les notes obtenues au bac par la première promotion d’une vingtaine de jeunes vont illustrer la pertinence de la démarche. Toutes très au-dessus de la moyenne. Et, surtout uniformes, quelle que soit la localisation de l’établissement scolaire fréquenté.
Après le foot, la voile de prestige

L’expérience menée par Jules Sitruk avec l’OM a inspiré un programme présenté en octobre dernier par des membres de la Société Nautique de Marseille, propriétaires d’un voilier historique conçu pour les épreuves olympiques d’avant-guerre, le Svanevit. Leur projet baptisé Voile Inclusive Projet (VIP) entend faire de ce bateau un support d’inclusion sociale pour des élèves méritants issus de quartiers défavorisés. Marc Rosmini, professeur agrégé de philosophie qui enseigne au lycée Antonin Artaud, dans le 13e arrondissement de Marseille y a créé il y a douze ans une CPES (classe préparatoire aux études supérieures) réservée aux bacs pros. Avec des réussites aux concours les plus prestigieux – Centrale, Polytechnique… « La réussite et l’épanouissement reposent sur trois sortes de capital : le capital financier, le capital culturel et le capital social », résume l’enseignant.
♦ (re)lire : D’un bac pro aux portes de Polytechnique
Offrir du mentorat et des réseaux
Il n’est pas question du seul aspect apprentissage d’une discipline, la voile, considérée comme élitiste et que ces jeunes n’ont jamais pratiquée. ll s’agit aussi de leur ouvrir la porte de yacht-clubs prestigieux et de les accompagner grâce au mentorat assuré par des cadres d’entreprises partenaires. Jules Sitruk voit dans ce programme auquel il participe le second étage de la fusée qu’il a, avec succès, mise sur orbite.
La venue du Pape avec ce gigantesque tifo déployé par les South Winners lors de son entrée au Vélodrome avait déjà marqué les esprits. Le 8 mai 2024, jour de l’arrivée de la flamme olympique à Marseille par la mer à bord du Belem, les douze jeunes du programme VIP seront sur l’eau. Répartis à bord des voiliers historiques conçus pour les JO qui vont assurer le spectacle. Comme au stade vélodrome, sous les yeux du monde entier. ♦
