La Brocante Verte répare le végétal et l’humain

Dans une métropole où le nombre de personnes vivant dans la rue augmente fortement depuis quelques années, deux femmes ont décidé de se relever les manches. Amoureuses de la verdure, Aude Couturier et Solène Mahé ont fondé à Nantes, en février 2021, l’association La Brocante Verte. Cette ressourcerie végétale qui récupère fleurs, plantes et arbustes invendus pour les revendre à petit prix, s’est aussi donné pour mission de permettre à des personnes sans domicile fixe de remettre un pied dans le monde du travail. Un projet qui essaime déjà dans d’autres villes françaises.

Actuellement, 7 500 personnes dorment dans la rue en Loire-Atlantique, sans autre solution. Un chiffre en hausse depuis quelques années. « Il n’y a aujourd’hui que trois structures dans le département qui proposent aux personnes sans domicile de retravailler. Nous en faisons partie », explique Aude Couturier, co-fondatrice de La Brocante Verte. Cette association loi 1901, qu’elle a fondée à Nantes en février 2021 avec Solène Mahé, propose en effet à des personnes sans domicile fixe de travailler au bien-être de plantes invendues, récupérées parfois en mauvais état, bichonnées puis revendues.

« Nous savions en créant cette association qu’il y avait un besoin d’insertion pour ces personnes, et que la ville de Nantes était favorable aux projets dans le domaine de l’économie sociale et solidaire », raconte-t-elle. Toutes deux amoureuses des plantes et conscientes du bien-être apporté par le végétal, Aude et Solène ont donc souhaité créer une structure destinée à ce public spécifiquement. Et qui soit en même temps une réponse à un besoin environnemental.

Huit personnes en contrat d’insertion

La Brocante Verte se définit donc comme une ressourcerie végétale, un lieu d’achat de plantes de seconde main, qui étaient destinées à être jetées. « Actuellement, nous avons huit personnes en contrat d’insertion qui prennent soin des plantes, les remettent en état, les rempotent ou se chargent de leur collecte auprès de nos fournisseurs. » Ces personnes sans domicile bénéficient d’un contrat « premières heures », d’une durée d’un an au maximum. Ce contrat leur permet de commencer par travailler six heures par semaine, puis d’augmenter progressivement leur temps d’activité en fonction de leurs besoins et de leurs capacités.

« Solène et moi les accompagnons en parallèle pendant cette année sur leur projet professionnel, souligne Aude Couturier. Nous leur programmons des stages d’immersion ou des formations dans des secteurs d’activité qui leur plaisent. Certaines personnes réfugiées ont également besoin de cours de français, que nous planifions. Nous faisons des points avec elles régulièrement, afin de les accompagner socialement et professionnellement de manière personnalisée. » Avec succès, puisque quatre ans après le début de l’activité, près de 80% des anciens employés de la ressourcerie ont trouvé un emploi.

141 tonnes de plantes collectées

Mais La Brocante Verte doit aussi sa réussite à son concept tourné vers la récupération de végétaux. « Nous les collectons auprès des jardineries, paysagistes, fleuristes, grossistes, pépiniéristes, crématoriums et supermarchés. Ce sont des plantes « pas assez jolies pour le client », qui auraient pu finir à l’enfouissement. Nous, nous acceptons tout. Nos employés en prennent soin afin que nous puissions les revendre. Bien sûr, à plus petit prix ! », détaille Aude Couturier. La Loire-Atlantique étant un territoire horticole, les fournisseurs sont nombreux (une quarantaine actuellement). Et tous les végétaux récupérés sont des dons. « Nos clients ont un profil très varié. Certains sont des étudiants qui viennent pour le prix, d’autres sont sensibles à l’aspect seconde main, d’autres encore sont touchés par notre démarche d’insertion ». 141 tonnes de plantes ont été collectées par l’association en 2024. Un chiffre impressionnant qui montre qu’un besoin existait spécifiquement dans ce domaine.

Des planètes bien alignées

L’avenir semble se dessiner sous de bons auspices pour l’association. « Les planètes sont bien alignées pour nous, raconte Aude Couturier. Nous sommes une structure innovante qui allie transition écologique et transition sociale. On croit à fond en notre projet et on voit que ça marche car ce sont deux aspects qui matchent bien. On voit de vrais bénéfices sur les personnes soutenues. » Dix à quinze personnes par an sont en effet accompagnées par La Brocante Verte dans leur projet professionnel. Avec des trajectoires parfois douloureuses, notamment pour celles qui ont fui la guerre dans leur pays. « C’est pour cette raison qu’on redouble de sourires, de bienveillance et d’écoute, car leurs parcours de vie sont difficiles. On essaie de recréer un cocon où on se connait et se sent bien. »

Les deux fondatrices sont plus que satisfaites de leur bilan. « Nous sommes bien dans notre travail au quotidien, et c’est très important. Notre idée séduit d’ailleurs d’autres personnes, puisque deux structures se sont déjà montées en France sur le même modèle, à Marseille (Nouvelle Pousse) et Bordeaux (Re-plantes). Nous invitons donc toutes les personnes qui seraient intéressées pour faire de même à nous contacter. Nous sommes prêtes à les accompagner dans ce projet hyper épanouissant ».

D’ici peu, La Brocante Verte aura pourtant un nouveau défi à relever : trouver de nouveaux locaux temporaires. Situé près du centre-ville de Nantes, le tiers-lieu “Le Wattignies” qui les accueille va en effet être démoli avant reconstruction. Avis ! ♦

Bonus

[pour les abonnés] – Le tiers lieu Le Wattignies – Un modèle qui inspire ailleurs – Les finances de Brocante Verte –

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# Le tiers lieu Le Wattignies. Cet ancien garage Euromaster est occupé transitoirement depuis 2018. Une équipe pilotée par Stéphane Juguet (What Time Is I.T) avait saisi l’opportunité et transformé le bâtiment industriel en Wattignies Social Club accueillant sur 800 m2 un bar-restaurant, une friperie-brocante, un disquaire, la Brocante verte, un atelier de rénovation textile et de mobilier, les Coursiers nantais et leur atelier de réparation… Sans compter la terrasse généreuse de 400 m², servant aussi de point d’ancrage à des associations de réinsertion comme Le Carillon ou Etmadouche.

Demain, le “grand Wattignies” sera un bâtiment de 3 200 m² de bureaux et d’activités dédiées d’une part à l’ESS et d’autre part à du tertiaire libre. Le maître d’ouvrage choisi à l’issu de la consultation devra s’inscrire dans la continuité de l’histoire de lieu, en respectant deux ambitions fortes :

-Le maintien des acteurs du site dans un vaste socle dédié au projet de Grand Wattignies, ceux-ci devant être intégrés très en amont à la phase de conception et tout au long du projet.

-Un projet faisant une large part au réemploi, notamment de matériau issu de la démolition du bâtiment existant.

♦ Lire aussi : Semer en ville, le défi des fermes florales

# Ailleurs. À Marseille, Nouvelle Pousse porte bien son nom car cette toute jeune asso n’a que quelques mois au compteur. Cette ressourcerie entend lutter contre le gaspillage végétal. Et, de plus, proposer des ateliers autour du soin des plantes à but de bien-être, de sensibilisation ou de remobilisation.

Même combat à Bordeaux avec Re-plantes : réduire les déchets de végétaux vivants et prolonger leur durée d’usage, faire évoluer les modes de consommation et sensibiliser le citadin au soin des plantes

# L’argent. L’association se finance grâce à des aides au poste (aide financière octroyée aux entreprises adaptées), aux ventes des plantes, et à des subventions publiques et privées (dont mécènes). Reconnue d’utilité publique, elle peut recevoir des dons défiscalisables à hauteur de 66%.

# Liens. La Brocante Verte est en lien étroit avec l’association nantaise Repousse, pépinière participative.

# Contact. La Brocante Verte. Le Wattignies – 13, bd des Martyrs Nantais de la Résistance 44 000 Nantes

Horaires d’ouverture – Du mardi au vendredi de 14h à 18h. Jusqu’à 19h les mercredi et vendredi.