Économie

Par Léa Roncaglione, le 7 juin 2025

Étudiante à l'Institut européen de journalisme de Marseille

La Monnaie Sauvage a un an : quel bilan ?

Une monnaie conçue à partir de plastiques recyclés issus de déchets marins @ Sauvage Méditerranée

Une monnaie citoyenne et écoresponsable, conçue à partir de plastiques de la mer recyclés, remise en échange de déchets… C’est le projet lancé par Sauvage Méditerranée en avril 2024. Un an plus tard, l’association a augmenté la production et signé de nouveaux partenariats. Du côté des commerçants partenaires, le constat est encore nuancé.

Des pièces de Monnaie Sauvage contre des déchets… Pour en obtenir, il suffit de participer à une opération de ramassage de déchets organisée par l’une des trois associations partenaires : Mer Veille, 1 déchet par jour ou Clean My Calanques. Après le nettoyage, les déchets sont ensuite échangés : un kilo de déchets contre deux pièces de monnaies. Elles peuvent ensuite être dépensées dans des commerces partenaires.

Adrien Piquera, chargé du développement pour Sauvage Méditerranée © Sauvage

Un premier anniversaire marqué par un bilan positif pour l’association. « Derrière la Monnaie Sauvage, il y a de l’attente et il y a de l’espoir », s’enthousiasme Adrien Piquera, chargé de développement pour Sauvage Méditerranée. « On est condamnés à l’optimisme et à réussir dans un monde dans lequel on génère de plus en plus de déchets », relativise-t-il cependant.

Un tiers des pièces utilisées

Au lancement du projet, un millier de pièces seulement avaient été confectionnées. Donc entre 800 et 1 000 bénévoles présents lors de ramassages ont obtenu leur dû.

Un an après, 1 300 unités ont été distribuées. « Un tiers a été utilisé. Soit environ 450 pièces », précise cet ancien communicant. Pour les 850 pièces dormantes, les consommateurs attendent parfois le bon moment : « Il y en a qui les oublient dans leur portefeuille et attendent d’être au bon endroit ou d’avoir un besoin. Puisqu’on n’est pas dans l’urgence de consommer directement ». Pour d’autres, c’est aussi un moyen de mettre en valeur cette initiative : « Certains sont plutôt intéressés par cette monnaie sauvage pour en parler autour d’eux. Expliquer qu’à Marseille ce projet existe, et jouer un peu les ambassadeurs de Sauvage ».

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Troquer sa monnaie sauvage

Pour utiliser la monnaie, il suffit de se rendre dans les commerces partenaires marseillais et de la troquer contre les différentes offres proposées. En avril 2024, on comptait dix commerçants engagés. Aujourd’hui, ils sont près d’une vingtaine : épiceries, restaurants, friperie, boutiques d’artisanats, espaces de coworking, ou encore réparateurs de vélos.

« Pour nous, commerces, ça peut donner une visibilité. Nous permettre de créer une économie dans un cercle d’acteurs écologiques marseillais », s’enthousiasme ainsi Marie Goelo. Elle est la gérante de la boutique zéro déchet Les flamants verts, le 6ᵉ arrondissement de Marseille. Ici, une pièce donne une réduction de 5 euros sur un atelier de fabrications de produits naturels. Ou une réduction sur l’espace dédié aux créations Sauvage. À savoir des bijoux, porte-clefs, sacs en toile, objets de décoration, que l’association fabrique dans son atelier à Aix-en-Provence.

Mise en lumière des commerces partenaires

De plus, 10% du montant de chaque vente effectuée par l’association Sauvage, sur son site internet ou dans la boutique agréée, génère de la Monnaie Sauvage.

Parmi les vingt commerces partenaires, certains attirent plus de clientèle que d’autres, comme la brasserie artisanale Zoumaï. « C’est là que 70% des pièces sont réutilisées. C’est celui qui a été le plus mis en valeur, notamment avec un reportage de Brut, qui avait fait 8 millions de vues », se félicite Adrien Piquera. Ici, une pièce de Monnaie Sauvage donne droit à un demi de bière.

Cette mise en lumière est très appréciée par ce commerce partenaire. « Des gens qui ne connaissaient pas le bar ont été mis au courant par les associations. Et on les a revus assez souvent après », se réjouit Zoé, barmaid chez Zoumaï.

♦ (re)lire l’article : Ramasser les détritus, un acte citoyen !

Un projet appelé à monter en puissance

La brasserie attire la majorité des clients, accentuant le déséquilibre avec les autres commerces bien moins fréquentés. Comme en témoigne la tirelire de la friperie Bowie, rangée dans un placard, faute de demande. Seulement trois pièces y ont été déposées, qui plus est par l’association Sauvage Méditerranée, au titre de coup de pouce. Mais pas de quoi décourager Chloé, vendeuse non dépourvue d’humour qui a récemment repris la boutique : « La tirelire attend que les gens en aient marre de boire de la bière et viennent acheter des vêtements de seconde main dans une friperie ».

Si certains commerçants ne rencontrent pas le succès attendu, « ils ne se lassent pas. Parce qu’ils savent que c’est un projet chill qui va monter en puissance », soutient Adrien Piquera. En effet, l’ambition lors du lancement était, rappelle-t-il, « de prendre le contre-pied de ce système financier en créant une monnaie qui répare plutôt qu’une monnaie qui démolit ».

Maintenant que le pari est réussi, l’association souhaite poursuivre son développement dans les prochaines mois. « Notre objectif cette année, c’est de monter à 50% de pièces utilisées », indique le chargé de développement. Une campagne que Sauvage Méditerranée, mènera notamment à bord de son vélo-cargo. Pour « aller encore plus loin dans la capacité de récupérer de la monnaie sauvage ».

© Léa Roncaglio

Un achat = un don de 5 euros pour la défense de l’environnement

D’ailleurs, les pièces pourraient aussi être prochainement disponibles dans de nouveaux commerces engagés à La Ciotat, à Aix-en-Provence ou encore à Salon-de-Provence. « L’objectif est de rendre possible l’arrivée de la Monnaie Sauvage partout en France. Pour toutes les personnes qui la souhaitent », souligne Adrien.

Avec un argument qui compte : pour chaque achat dans un commerce partenaire, l’association Sauvage Méditerranée fait un don de 5 euros à l’une des trois associations de défense de l’environnement dont il est partenaire. Avec le parti-pris de toujours moins polluer. ♦