CultureEnvironnement
Le Festival d’Aix-en-Provence de plus en plus vert
Alimentation, déchets, déplacements… Produire un spectacle, organiser un festival, ça n’est pas neutre écologiquement. Le Festival international d’art lyrique (Fial) d’Aix-en-Provence en est conscient depuis longtemps. Voilà plus de dix ans qu’il est engagé dans l’éco-conception des décors et des costumes. Pionnier, membre de collectifs moteurs en matière de transition environnementale dans le secteur culturel, il poursuit son chemin avec un plan d’action coconstruit avec ses salariés.
À l’accueil des bureaux du Festival international d’art lyrique (Fial) d’Aix-en-Provence (voir bonus), au-dessus de la fontaine d’eau fraîche, figure un petit rappel. Penser à utiliser une éco-cup et réserver les gobelets jetables aux visiteurs. Un détail ? Pas vraiment. D’abord parce que les gestes simples, du quotidien, ont leur importance. Ensuite parce que celui-ci illustre une démarche bien plus large. Le Fial a en effet publié cette année un « plan d’action de la transition écologique» listant 70 actions à mener d’ici 2027. Un document de douze pages répertoriant neuf domaines d’intervention. Des déplacements à la gestion des déchets en passant par la rénovation des bâtiments, l’alimentation et les stratégies de création.
Pionnier des décors éco-conçus

C’est avec ce dernier point que tout a commencé, il y a plus de dix ans, dans les ateliers de Venelles.
« On a démarré avec la direction technique, par un travail sur l’éco-conception des décors, rappelle Stéphanie Deporcq, administratrice déléguée du festival. Un gros chantier pour imaginer des éléments modulables, qui peuvent être désassemblés, réutilisés ou recyclés. » Cela a abouti, en 2018, à la publication d’un guide à destination des professionnels, réalisé en collaboration avec l’Ademe, l’agence de la transition écologique (et mis à jour en 2021). « On crée tous les décors et tous les costumes puis on les fait tourner, prolonge Stéphanie Deporcq. La direction technique reste très investie et en veille sur les développements environnementaux. »
Vers des « structures standards »
Le Fial est d’ailleurs également co-fondateur du Cofees (voir bonus), le Collectif des festivals écoresponsables et solidaires en région Sud, et membre de 17h25. Ce cercle de réflexion et de partage d’expérience autour des enjeux de durabilité réunit également l’Opéra de Paris, celui de Lyon, le Théâtre du Châtelet et celui de la Monnaie à Bruxelles. « On y échange librement sur les initiatives des uns et des autres, en se connaissant bien puisque l’on fait beaucoup de coproductions ensemble, explicite l’administratrice déléguée. On se penche notamment sur des unités de décor standardisées et normées », avec le soutien de l’État dans le cadre du dispositif « Soutenir les alternatives vertes dans la culture ».
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Ces « structures standards » permettront d’équiper les différentes maisons d’opéra des mêmes modules de décors pour limiter la quantité d’éléments à transporter, notamment lors de coproductions et de tournées.
« On est à mi-parcours sur ce projet, complète Céline Guingand, coordinatrice RSO (responsabilité sociétale des organisations) du Fial. Mais des tests seront faits dès cette édition, sur la production Samson, avant de développer et amplifier le procédé. Ça peut aussi être transposé à la muséographie, au cinéma, aux concerts… L’impact est très large. »
La force de l’intelligence collective

Comme celui du « plan d’action de la transition écologique ». Il doit permettre de « construire une politique structurée avec une feuille de route sur quatre ans, d’avoir une visibilité sur les différents axes et de fixer les objectifs » précise Stéphanie Deporcq. Qui tient à avancer « le plus possible en intelligence collective ». « La co-construction, la sensibilisation, l’implication des salariés sont essentielles. Nous ne voulons pas les accabler en multipliant les consignes, au risque de les dégoûter, mais les embarquer. C’était intéressant de les voir découvrir ce que l’on faisait déjà et de leur montrer qu’on n’a pas besoin d’être un expert pour élaborer des propositions pertinentes. »
Céline Guingand a animé des fresques pour le climat et organisé des échanges en interne autour des problématiques environnementales. Tout en commençant à mesurer l’impact du festival pour identifier les points les plus problématiques. « Nous avons recueilli beaucoup de matière, environ 80 pistes d’action, raconte-t-elle. Nous les avons décortiquées, pondérées, priorisées en novembre dernier, lors d’une journée de travail avec une quarantaine de salariés des différents services. »
Priorité à la mobilité et l’alimentation
Verdict : l’accent a d’abord été mis sur la mobilité domicile/travail des salariés et sur l’alimentation. Toujours avec un diagnostic, de la formation et une réflexion sur l’accompagnement au changement de pratiques. Affichage, mailing, newsletter RSO, sensibilisation au covoiturage ou encore à l’écoconduite sont autant de leviers pour les déplacements. Quant à l’amélioration des 10 000 repas induits par le Fial, elle passe par une charte, notamment pour les traiteurs partenaires. Pas de bœuf par exemple, une attention particulière à la provenance de la viande et du poisson, au territoire de production, au bio ou encore choix d’une vaisselle réutilisable ou de produits de nettoyage sain.

Impulser une dynamique
L’idée étant que le plan d’action évolue chaque année. Toujours avec un séminaire d’une journée, en novembre, « pour faire un nouvel état des lieux, résume Stéphanie Deporcq. On pourra alors reformuler certains objectifs et fixer les prochaines actions. Nos salariés sont les premiers à être en demande. Nous voudrions aussi sensibiliser les artistes et les créateurs à notre démarche environnementale, présenter une alternative plus écologique.
À l’échelle du festival et du collectif 17h25. On peut impulser une dynamique dans tout le secteur, qui est mûr pour travailler ensemble. L’opéra, et plus largement la culture, ont pour rôle de donner du sens aux grandes problématiques. Quand on a cette lourde tâche, il faut être en cohérence avec ça. Avec les discours qu’on peut porter vis-à-vis des publics. » Et de conclure, modestement : « Nous ne cherchons pas à nous ériger en modèle ou à donner des leçons mais à utiliser notre notoriété pour faire levier. » ♦