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Par Paola Da Silva, le 9 juillet 2024

Journaliste

Le Hellfest a impulsé l’inclusion !

« Même si tout est perfectible, on nous dit souvent que le Hellfest est peut-être le festival le plus inclusif de France. Le retour des festivaliers et des bénévoles est notre plus belle récompense » ©Paola Da Silva
L’édition 2024 du Hellfest, qui a pris fin dimanche 30 juin dernier, s’accompagne de nouveaux chiffres impressionnants. Avec plus de 240 000 festivaliers reçus sur quatre jours et plus de 180 concerts proposés, c’est désormais le plus grand festival métal de France, et le deuxième tous styles musicaux confondus en termes de fréquentation. Il se distingue cependant par un autre aspect : sa très bonne prise en charge des personnes en situation de handicap. Un process qui évolue d’année en année.

C’est l’une des particularités du Hellfest que les festivaliers aiment mettre en avant -sans doute du fait même de la mentalité des amateurs de métal. « On n’est pas stigmatisé ici », explique Stéphane, 47 ans, qui a participé pour la seconde fois au plus grand festival de musiques extrêmes de France. Atteint d’une maladie neurologique, il a cette année demandé un accès PMR (personne à mobilité réduite) pour accéder au Hellfest.

« Ma pathologie me fatigue et j’ai moins de masse musculaire. Je peux encore marcher, mais certains de mes déplacements peuvent être difficiles », confie-t-il. Pour autant, à aucun moment il n’a regretté d’avoir passé quatre jours sur le site. Et pas seulement pour les 180 concerts proposés. « On peut profiter de notre festival car on est extrêmement bien pris en charge par les bénévoles de l’équipe PMR-PSH (1). Ils sont souriants, bienveillants, et expliquent très bien tout ce à quoi on a droit dès notre arrivée ».

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Concert des Footfighters sur la scène centrale @nicolasadam

230 bénévoles formés aux différents handicaps

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Cindy Pajot, Responsable sociétale des organisations du Hellfest ©PDS

Car c’est l’un des autres aspects vantés par les festivaliers, dont on retrouve les propos sur la page Facebook dédiée : l’extrême gentillesse des bénévoles. « L’équipe PMR-PSH existe depuis 2010 », détaille Cindy Pajot, qui occupe le poste de Responsable sociétale des organisations (RSO) au sein du Hellfest, dont elle est salariée depuis mars. « À l’époque, nous n’étions que cinq, glisse-t-elle. Les chiffres augmentent tous les ans car le festival a grandi et les besoins évoluent. »

Les 230 bénévoles (2), répartis entre l’équipe PMR-PSH (80 personnes) et l’équipe Hellcare (150 personnes) bénéficient tous de formations en amont du festival sur les différents types de handicaps et leur prise en charge. Une façon d’être parfaitement prêt pour le jour J. « Nous nous sommes interrogés sur les types de handicaps que nous rencontrions, et des besoins que cela engendrait pour ensuite décider quelles mesures pouvaient être mises place humainement et en termes de logistique. Nous ajustons notre dispositif en prenant en compte les retours d’expériences des participants. Cette année, nous avons intégré des festivaliers PMR dans l’équipe pour aller encore plus loin ».

Une plateforme dédiée, coupe-files, salle de repos, dépose minute…

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Nicolas, bénévole : « Je me sens utile. Je ne pensais pas que ça allait autant m’apporter sur le plan humain » ©PDS

En effet, avec 1985 personnes accueillies par le dispositif en 2024(3) (dont 663 accompagnants et 100 aidants), les besoins sont très importants. La liste des prestations fournie l’est également. « Chacune des six scènes dispose d’une plateforme PMR-PSH dédiée qui permet ayant aux personnes ayant des problèmes de mobilité d’assister aux concerts dans de bonnes conditions. Les bénéficiaires disposent de coupe-files, d’une salle de repos où on peut emprunter des déambulateurs, fauteuils roulants, cannes… Ils ont également accès soit à un dépose minute, soit à un parking dédié, à des douches… Enfin, de plus en plus de chemins sont bitumés », note Cindy Pajot. Des gilets immersifs vibrants pour malentendants ou des plans en relief pour personnes aveugles sont aussi proposés.

« Les nouveautés de cette année sont la mise à disposition de casques anti-bruit et la meilleure prise en charge des troubles psy. Les handicaps invisibles représentent 80% des personnes que nous recevons. Nous nous devons de nous en occuper ».

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Hellcare, répondre aux problèmes sociétaux et festifs

Cette année a également été l’occasion de développer le dispositif Hellcare (anciennement Hellwatch) sur l’ensemble du site. Plus complet et surtout mieux coordonné, il a pour objectifs la prévention, l’écoute et le signalement autour des sujets de discrimination, de harcèlement, d’addiction et de violences sexuelles et sexistes. « Nous accueillons en tout près de 70 000 personnes par jour sur le site, souligne Cindy Pajot. C’est une ville que nous recréons sur quatre jours, avec ses enjeux sociétaux. À cela s’ajoute le côté festif à prendre en charge, avec ses problématiques propres d’alcool, de drogue (4)… ».

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Sur la plateforme PMR face à la scène centrale ©PDS

Le Hellcare disposait donc cette année, en plus des maraudes, de quatre sites d’écoute où se relayaient 14 psychologues. Présents pour sensibiliser le public aux questions de harcèlement et de violences, ils étaient aussi là pour prendre en charge les personnes en souffrance psychique. Parallèlement, l’application Hellcare, téléchargeable gratuitement, permettait de déclencher une alerte en cas de problème, et d’être géolocalisé rapidement (un officier de police judiciaire étant toujours présent pendant le festival pour pouvoir porter plainte directement sur place). « Entre jeudi et samedi matin, 9150 personnes sont passées sur un des espaces du Hellcare. On espère avoir réussi à les sensibiliser ».

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Hellcare, des postes dédiés à la prévention, l’écoute et le signalement autour des sujets de discrimination, de harcèlement, d’addiction et de violences sexuelles et sexistes. ©PDS

Des bénévoles qui resignent

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Nicolas, musicien amateur, et son père, Yannick, 68 ans, tous deux bénévoles dans l’équipe PMR-PSH ©PDS

Aujourd’hui, il est devenu difficile d’être bénévole au sein du Hellfest, la demande étant très forte. Nicolas, 44 ans, musicien amateur, est bénévole -avec son père, Yannick, 68 ans ! – de l’équipe PMR-PSH depuis trois ans. Il était auparavant comme les autres, juste festivalier. Mais ne se verrait plus participer au Hellfest autrement qu’en bénévole. « J’ai refusé au départ quand Cindy m’a proposé. Mais depuis je resigne chaque année ! On se sent utile. Je ne pensais pas que ça allait autant m’apporter sur le plan humain. »

Il est même arrivé aux bénévoles d’être témoins d’histoires de vie très intenses. « On a deux ou trois personnes en fin de vie qui viennent chaque année », rapporte Cindy Pajot. « Ils se rendent au Hellfest pour vivre une expérience forte, c’est leur instant de l’année. Dans ce cas, les familles nous préviennent. À nous de les traiter comme n’importe qui, de ne pas changer de comportement. » L’état d’esprit des métalleux, réputé solidaire et ouvert, et le travail de l’équipe PMR-PSH ont gratifié le Hellfest d’une très bonne réputation. Bien sûr, il traîne quelques bémols. « Même si tout est perfectible, on nous dit souvent que le Hellfest est peut-être le festival le plus inclusif de France. Le retour des festivaliers et des bénévoles est notre plus belle récompense ». ♦

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Bonus
  • Le sigle PMR signifie « Personne à mobilité réduite ». Il s’agit d’une notion très large, qui concerne les personnes en situation de handicap comme celles gênées dans leurs mouvements et leurs déplacements en général.

Le sigle PSH signifie « personne en situation de handicap ». Il existe 5 grandes catégories de handicap : le handicap moteur, le handicap visuel, le handicap psychique, la déficience intellectuelle et les maladies invalidantes.

  • L’équipe compte également 30 bénévoles dédiés au travail avec l’ONG Savage Land. Soit une hausse de 28% par rapport à l’an dernier.
  • Chaque stand Hellcare proposait des protections auditives et des « capotes à gobelet », destinées à protéger sa boisson d’insertion de drogue.

Aller plus loin :

  • Un livre blanc sur l’accessibilité des festivals, nommé « Festivalons tous ensemble », a été corédigé par Cindy Pajot et le groupe Malakoff Humanis, partenaire du Hellfest. Il comporte notamment des retours d’expertise et des fiches pratiques, et a été complémenté par d’autres festivals (téléchargeable ici).
  • Des associations comme APF (association France Handicap), Stop à la violence ou Baraka’teuf sont partenaires du Hellfest depuis plusieurs années.