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Par Audrey Savournin, le 25 juillet 2024

Journaliste

« Le Lien Autonomie » aide les aidants

49% des proches qui permettent le maintien à domicile d’une personne dépendante s'interdisent de partir en vacances. © DR

En 2021, la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) recensait plus de neuf millions d’aidants en France. Des proches qui permettent le maintien à domicile d’une personne malade, en situation de handicap ou en perte d’autonomie. Selon une enquête menée en 2020 par le Credoc (Centre de recherche pour l’études des conditions de vie), 46% d’entre eux sont seuls à assurer ce soutien et 49% renoncent à partir en vacances. Pour leur permettre de souffler, Alexandre Guillaume et Johanna Trouillas ont créé Le Lien Autonomie en 2023, à Ceyreste (Bouches-du-Rhône). L’entreprise prend le relais et assure la coordination des intervenants, la prévention et un accompagnement administratif.

« Nous voulions permettre aux aidants de gagner du temps et de retrouver une vie normale. Les décharger d’une présence quotidienne auprès de leur proche », résume Guillaume Alexandre, co-fondateur du Lien Autonomie avec sa compagne Johanna Trouillas. « Souvent, la charge mentale et la culpabilité les poussent à ne pas partir en vacances. Ils ne se l’autorisent pas, parce qu’ils ont peur qu’il se passe quelque chose en leur absence. »

Une formule “répit” pour les vacances

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La toute jeune entreprise de « coordinateurs » a rapidement proposé une formule estivale baptisée « répit ». © DR

La toute jeune entreprise de « coordinateurs », créée il y a un peu plus d’un an sur l’aire marseillaise, a donc rapidement proposé une formule estivale spécifique. Fort justement baptisée « répit ». Pendant quatre à six semaines, Le Lien Autonomie prend le relais, « pour gérer les intervenants habituels, faire un tri dans l’administratif et mettre en place ce qui manque. »

S’il y a le moindre couac, un rendez-vous à décaler ou une livraison de repas problématique par exemple, ils sont les référents. « Et en plus des retours de l’équipe qui passe au domicile, en période de canicule, on appelle tous les matins », précise-t-il.

Un abonnement mensuel sur le long terme

Un gain de sérénité visiblement très apprécié. « Quasiment tous ceux qui ont goûté à cette formule se sont abonnés ensuite et sont toujours chez nous. » Passant des 250 euros forfaitaires le temps des vacances à 90 euros par mois pour l’immense majorité. Même si dans des situations complexes, l’abonnement peut atteindre 300 euros. C’est le cas notamment pour des personnes isolées ayant besoin d’une présence permanente.

♦ (re)lire l’article : Être aidant peut aussi être une richesse

 « Quand on s’habitue à ne plus être embêté par exemple par l’infirmière quand l’ouvre-porte ne fonctionne pas, on ne veut pas y renoncer, prolonge le commercial du tandem. Un aidant peut être dérangé jusqu’à 15 fois par semaine. En plus de sa vie de famille, de son travail… »

80% des aidants souhaitent un soutien

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« La plupart des personnes en Ehpad y sont parce que les aidants ont craqué. Pas parce qu’elles n’étaient plus en état de rester chez elles. » © DR

Car selon le baromètre April-BVA 2022, 70 % des aidants sont actifs et 23% retraités. Et 20% des actifs consacrent au moins vingt heures par semaine à leur proche. Ce qui impacte leurs loisirs (pour 31% des aidants), leur moral et leur sommeil (29%) et plus globalement leur santé (27%). Pas étonnant dès lors que plus de 80% d’entre eux souhaitent des solutions pour simplifier leur quotidien. Notamment « une meilleure coordination entre tous les acteurs et un maintien à domicile facilité » (85%) et « une aide financière et/ou matérielle » (83%).

Des chiffres qu’Alexandre Guillaume et Johanna Trouillas ont bien en tête. Forte de plus de 14 ans de travail auprès des personnes en perte d’autonomie et des aidants, cette ancienne aide-soignante a ensuite occupé des postes de direction de maison de retraite. Elle a pu constater que « la plupart des personnes en Ehpad y sont parce que les aidants ont craqué, parce que le maintien à domicile a été mal géré. Pas parce qu’elles n’étaient plus en état de rester chez elles. »

Du diagnostic au plan d’action

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Documents administratifs, aides financières, recrutement d’intervenants médicaux et paramédicaux, aménagement du lieu de vie, gestion des transport… Tout peut être évoqué. © DR

C’est donc elle qui s’occupe de la coordination à proprement parler, de la prévention des risques et d’une dépendance grandissante. Très concrètement, elle recherche les meilleures solutions pour la trentaine de familles accompagnées. Et les nouvelles. Qu’elles contactent Le Lien Autonomie directement ou soient mises en relation par des professionnels de santé prescripteurs (infirmier, médecin, assistante sociale, magasin de matériel médical…).

Un premier rendez-vous d’au moins une heure permet d’établir un bilan global : administratif, financier, intervenants médicaux et paramédicaux, matériel, aménagement du lieu de vie, gestion des transport, entourage, niveau d’implication… « Tout peut être évoqué, conclue Alexandre Guillaume. Ensuite, on propose un plan d’action à la famille. »

Jusqu’au recrutement d’intervenants

Une adaptation ou un suivi de l’existant pour la période estivale. Davantage pour un abonnement, sans engagement. De la demande d’aides (de la traditionnelle Allocation adulte handicapé à celles proposées par les complémentaires santé, retraite, prévoyance…) à la coordination des différents intervenants, jusqu’à leur recrutement si nécessaire. Aide à domicile, kiné, orthophoniste, taxi… Tout est mis à plat pour soulager les aidants, sécuriser le domicile et « permettre au proche de rester chez lui plus longtemps ».

♦ (re)lire : Plutôt qu’un établissement spécialisé, une famille d’accueil pour les personnes handicapées ou âgées

Une activité et un métier émergents, encore peu connus, que Le Lien Autonomie exerce sur les aires marseillaise, aixoise et toulonnaise. Au sein d’un « tout petit écosystème » dixit son cofondateur. À Toulouse, la conciergerie Grab care dédiée aux séniors, par exemple, en fait partie.♦