ÉducationEnvironnement

Par Philippe Lesaffre, le 30 janvier 2025

Journaliste

« L’écriture n’est pas réservée aux écrivains et aux autrices »

Pour que les moins de 25 ans arrivent à sauter le pas, l'association veut désacraliser l'écriture et le fait de prendre la plume - illustration ©Unsplash

Pour encourager les jeunes à s’exprimer et désacraliser le fait de prendre la plume, Le Labo des histoires organise chaque année des ateliers d’écriture. Pour réfléchir à l’avenir de l’océan, par exemple. Cet hiver, lors d’un festival parisien, plusieurs groupes de jeunes franciliens ont ainsi planché sur des solutions visant à préserver les écosystèmes marins.

« Les jeunes que j’accompagne n’ont pas tous conscience des impacts de leur consommation de produits de la mer. Alors c’est bien utile de les éveiller. » Vincent Defrace, formateur en numérique au sein de l’École de la seconde chance en Seine-Saint-Denis, en a bien conscience. En novembre dernier, il a ainsi suivi avec quelques-uns de ses élèves une conférence de sensibilisation au sujet de l’océan à Paris.

Durant le festival Pariscience, des membres de l’association Bloom, qui se bat pour les écosystèmes marins, ont alors dialogué avec une vingtaine de jeunes âgés de 16 à 25 ans en situation de décrochage scolaire au sujet de la pêche industrielle, peu respectueuse de la vie marine.

<!–more–>

Sensibilisation aux fragilités de l’océan

« Certains acteurs envoient des navires de plus de 12 mètres dans l’océan et, pour récupérer les poissons, raclent les fonds marins », a ainsi rappelé Léna Fréjaville, coordinatrice de projets sur la transition des pêches au sein de la structure créée par Claire Nouvian. Devant son auditoire, elle a expliqué en particulier que de nombreux poissons, comme le saumon d’élevage, le thon ou le cabillaud, massivement consommés en Europe, étaient surpêchés.

Une grande partie des individus sont parfois capturés avant qu’ils n’aient atteint leur maturité. En particulier par des navires volumineux (les chalutiers dits « hauturiers », de plus de 12 mètres, et les navires dits « industriels », ceux de plus de 24 mètres (1). Aux élèves, les trois intervenantes de Bloom ont par exemple recommandé de diversifier le contenu de leurs repas et de privilégier les circuits courts, ainsi que la pêche artisanale, par exemple en passant via Poiscaille (2).

Formuler des histoires sur la protection des écosystèmes marins

Cette conférence a été organisée par l‘association Le Labo des histoires. La structure a invité ces jeunes franciliens à réfléchir à l’avenir de l’océan et à formuler dans des textes des solutions visant à protéger les écosystèmes marins d’ici 2050. Et c’est dans cet objectif que le Labo des histoires a sollicité une série d’experts afin qu’ils partagent au cours d’ateliers pédagogiques leurs connaissances sur les enjeux maritimes : outre Bloom, Tara Océan, Nausicaa, le Centre national de la mer, ou la Fondation de la mer se sont prêtés au jeu, au niveau national.

La suite du programme de l’association a eu lieu dans la foulée de la conférence de Bloom : en fin d’année, les jeunes franciliens se sont revus et, stylo à la main, ils ont planché sur des idées à mettre en œuvre afin de défendre la vie marine.

« Des experts parlent des enjeux et des impacts des activités humaines sur la vie marine »
@ Le Labo des histoires

Aider les jeunes à prendre position

Chaque année, le Labo des histoires, implanté partout en France, organise environ 3 000 ateliers d’écriture. Que ce soit sur l’océan ou un autre sujet. « On s’adresse en général à un public plutôt éloigné du débat public, souligne Margaux Nemmouchi, directrice de l’action culturelle du Labo de l’histoire. Les jeunes, on les invite à s’exprimer et à se positionner sur différents thèmes. » Afin que les personnes de moins de 25 ans arrivent à sauter le pas, l’association veut désacraliser le fait de prendre la plume. Ou, comme elle le dit sur son site web, « démocratiser la pratique de l’écriture dans un but de réinsertion culturelle et sociale ». « Écrire peut paraître impressionnant, mais ce n’est pas réservé aux écrivains et aux autrices », précise encore Margaux Nemmouchi.

Afin de les aider à se libérer de certains « blocages » et à les encourager à s’y mettre en dépassant, peut-être, l’angoisse de la page blanche, l’association sollicite des auteurs, des scénaristes ou des journalistes. Autant de professionnels qui peuvent aider les rédacteurs en herbe à prendre confiance en eux et organiser leurs idées. Et donc à coucher sur papier ce que ces filles et ces garçons ont sur le cœur.

« 3 000 ateliers d’écriture sont organisés chaque année en France par Le Labo des histoires » @ Le Labo des histoires

Des textes adaptés en vidéo

Et ça a marché, pour les participants au programme sur l’océan. Huit textes ont au final été produits par des groupes franciliens. Mais il y en a eu plus. « On a reçu via nos différentes antennes hexagonales 64 récits, individuels ou collectifs. Au niveau national, 300 jeunes ont participé au programme Écrire l’avenir de l’océan », précise Stéphane Pocidalo, responsable de la communication au Labo des histoires.

« Lamya Essemlali, de Sea Shepherd France, et d’autres sélectionnent les meilleures contributions » @ Le Labo des histoires

Certains textes auront droit à une seconde vie. Un jury, composé de quelques personnalités, dont la présidente de Sea Shepherd France Lamya Essemlali, l’apnéiste Julie Gautier ou l’architecte océanographe Jacques Rougerie (3), s’est réuni le 23 janvier dernier afin de sélectionner les meilleures contributions.

♦ Lire aussi : La lecture dans la rue, pour sortir de l’exclusion

Des festivals, des conférences

Les récits retenus sont ensuite été transmis à l’école de la création numérique et des arts visuels Gobelins Paris. Des étudiants en Bachelor graphiste motion vont être mobilisés pour adapter les écrits en motion design. Les vidéos d’une minute trente au maximum, les élèves auront l’opportunité de les montrer dans plusieurs festivals. Elles seront au programme de la prochaine édition de Pariscience ou encore d’Atmospères 21.

Les courts-métrages seront aussi à visionner en gare de Nice pendant la troisième conférence des Nations unies sur l’océan. Entre le 9 et le 13 juin prochain, les acteurs politiques et économiques se donnent rendez-vous au cœur des Alpes-Maritimes en vue de réfléchir aux actions à mettre en œuvre pour « conserver et utiliser durablement l’océan ». « Et justement, sur ce thème, insiste Margaux Nemmouchi, les jeunes ont aussi leur mot à dire. » ♦

(1) 84% des prélèvements des poissons issus des stocks surexploités sont réalisés par les gros chalutiers (de plus de 12 mètres). Pour en savoir plus, consultez ce rapport de Bloom. Il a été conçu en collaboration avec The Shift Project, des chercheurs de l’Institut Agro, de l’AgroParisTech et de l’EHESS-CNRS (daté de 2024)

(2) Bloom propose plusieurs recommandations en ligne pour une meilleure consommation.

(3) Dans le jury également, Anne-France Didier, conseillère territoires maritimes et littoraux au ministère de la Mer, Marion Boyer, du Centre national du livre, et Lauren Boudard, cofondatrice du magazine indépendant Climax.

Bonus

# Que veulent raconter les étudiants ? De nombreuses histoires ont été imaginées par les auteurs et autrices en herbe. Nous sommes en 2050, des jeunes ont par exemple mis en scène un entretien entre une journaliste et l’un des premiers pêcheurs condamnés à une… « aqua-peine » pour avoir chassé des baleines. Il raconte avoir évolué durant sa période de réclusion et défend désormais la biodiversité marine.

Autre idée. Des étudiants mettent en scène un youtubeur amoureux des océans… Il devient candidat à la présidentielle, alors que le monde s’engage davantage pour les écosystèmes marins.