Au fait !
Les coopératives réconcilient économie et société
[au fait !] Le 26 avril dernier, notre causerie sur les Scop et les Scic a réuni une trentaine de personnes dans les locaux de la Chambre régionale de l’Économie sociale et solidaire, partenaire de l’événement. L’occasion de plonger dans le monde de ces entreprises pas comme les autres. Où s’invitent des notions de démocratie en entreprise, de partage de valeur et d’utilité sociale.
On en compte un peu plus de 4 300 partout en France, générant 81 000 emplois. Les Scop (Sociétés coopératives de production) et les Scic (Sociétés coopératives d’intérêt collectif) sont une des grandes familles de l’économie sociale et solidaire, unies par un panel de valeurs. Parmi elles : la démocratie en entreprise, l’utilité sociale, le partage de la richesse créée ou encore l’ancrage territorial.
Mais au-delà des valeurs et des statuts, les sociétés coopératives sont souvent chargées d’histoires. Portées par des « groupes de personnes réunies autour d’un projet », comme le constate Serge Guintoli, directeur de l’Union régionale des Scop et des Scic. Et c’est ce qu’ont incarné les intervenants que nous avons choisi d’inviter lors de notre causerie.

Des histoires humaines
Parmi eux, Olivier Leberquier, président du conseil d’administration de Scop-Ti. Cette Scop – connue pour sa marque 1336 notamment- est née de la reprise par les ex-salariés de Fralib de leur outil de travail. Ils étaient promis par leur propriétaire de l’époque – le géant Unilever- à une délocalisation en Pologne. « Aucun boulon ne sortira de cette usine », avait prévenu Olivier Leberquier en mai 2012, alors qu’il était technicien de maintenance chez Fralib et délégué syndical. Dix ans plus tard, tout est resté en place. Avec 32 salariés-associés à la manœuvre.
À ses côtés, Maxime Picard. Lui aussi cumulait casquettes d’ouvrier et de délégué syndical. Cette fois au sein de Presstalis, société commerciale de messagerie de presse. Là aussi, une liquidation est annoncée au lendemain du premier confinement de 2020.
♦ (re)lire : Une coop pour épauler les médias indépendants
Pour ces deux entreprises, faute de repreneur, la coopérative apparaît comme la seule issue. Et la transformation est profonde. Consultation des salariés sur les décisions stratégiques. Resserrement de la grille salariale… Chez Scop-Ti par exemple, l’écart entre le plus haut et le plus bas salaire passe d’un rapport de 1 pour 220 au temps d’Unilever à 1 pour 1,25. « Pas facile de convaincre un directeur commercial de nous rejoindre avec un salaire de 2 000 euros », reconnaît Maxime Picard.

Solidité économique
Mais la coopérative, avec ses principes de démocratie et d’intéressement peut aussi être un atout pour recruter et fidéliser, observe Delphine Tariot, co-directrice de l’association Losfor. Cet organisme de formation spécialisé dans l’ESS était au départ une association. Mais le modèle s’essoufflait. Les adhérents n’étaient plus au rendez-vous et la direction était sur le départ. La passage en Scic a permis de prendre un nouveau départ, impliquant les salariés mais aussi toutes les parties prenantes. Notamment la cinquantaine de formateurs prestataires. S’est ensuivi une stratégie nouvelle, plus offensive sur le plan commercial. Renforçant la pérennité de l’association.
Car les sociétés coopératives sont plus pérennes que les entreprises classiques. Quand ces dernières sont 61% à être toujours debout au bout de cinq ans d’activité, ce taux atteint les 78% pour les sociétés coopératives d’après l’Insee.
♦ Lire aussi : Les sociétés coopératives veulent transformer l’économie
Engagées par nature
Solides, démocratiques, les coopératives sont aussi souvent plus susceptibles d’agir face aux enjeux sociaux et environnementaux qui les concernent. Parce que les sensibilités des salariés ont plus de facilité à s’exprimer. Et que la décision émane de la réalité quotidienne à laquelle sont confrontés les salariés voire, dans le cas des Scic, toutes les parties prenantes. C’est ainsi que Scop-Ti a choisi de revenir à des arômes naturels – abandonnés par Unilever. Tout en relocalisant certains approvisionnements : le tilleul vient des Baronnies Provençales, le thym de Trets.
Chez CPMM, la défense de la pluralité de la presse s’est traduite par l’ouverture de deux kiosques à Marseille. À la Plaine et à la Joliette.
Enfin, aux côtés de nos Scop et Scic, nous avons accueilli une autre forme de coopérative, assez méconnue : la CAE. Ou coopérative d’activité et d’emploi. On en compte environ 160 en France. Et La Coop’ Potentielles est de celles-là. Le modèle permet à des entrepreneuses individuelles d’être salariées d’une coopérative commune, avec mutualisation de diverses fonctions comme la comptabilité ou le conseil juridique. Et si chacune entreprend pour elle-même, toutes partagent, au travers de leur CAE, un certain nombre de valeurs. Dans le cas de Potentielles : un engagement en faveur de l’égalité entre hommes et femmes dans l’entrepreneuriat.
Preuve de la capacité des coopératives à défendre des valeurs qui les dépassent. Et à contribuer autant à la création de richesse qu’à la cohésion sociale ♦