Alimentation
Les restos U la jouent écoresponsable
100 grammes de nourriture sont jetés en moyenne par personne et par repas dans la restauration collective, selon l’Ademe. Un gaspillage que cherche à réduire le Crous dans ses restaurants universitaires de Marseille, Aix-en-Provence et Avignon, en s’engageant dans le dispositif “Mon restau responsable”. Cette démarche vise de surcroît à améliorer le contenu des assiettes et l’accueil des étudiants.
Midi. L’heure du rush. Au « resto U » du campus universitaire de Saint-Jérôme à Marseille (13e arrondissement), entre 1 000 et 1 200 personnes sont attendues. Pour que leur déjeuner se passe au mieux, l’établissement est, depuis janvier 2024, inscrit dans la démarche « Mon restau responsable » (lire bonus). Ce qui signifie différents objectifs sur deux ans pour, à la fois proposer une « assiette responsable », améliorer le « bien-être des usagers » et mettre en place des « éco-gestes ». « Ici, le personnel est toujours partant pour expérimenter de nouvelles choses », glisse Denis Beck, directeur de la restauration du Crous Aix-Marseille-Avignon. Ce campus du nord de la cité phocéenne a donc été le premier, des treize que compte cette sectorisation, à changer ses habitudes. Dans le but de « montrer aux autres que ça peut marcher et que ce n’est pas forcément si compliqué ».
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La part belle aux alternatives végé

Exemple concret avec les menus. Au « RU » de Saint-Jérôme, il y en a cinq au choix chaque midi, dont un végétarien. Une alternative déployée depuis quatre ans, mais de façon bien plus élaborée cette dernière année. « Dans le cadre de “Mon restau responsable”, on a créé des fiches techniques de recettes afin de servir de vrais plats cuisinés sans viande ni poisson », indique Frédéric Napoli, responsable de la restauration pour les établissements du Crous du nord de Marseille. Comme un dhal de lentilles au curry ce lundi, élaboré sur place à partir de produits frais et/ou surgelés. Alors que, par le passé, le plat végé se résumait à un substitut ultra-transformé, du type steak végétal, en remplacement de la protéine animale. Deux fois par mois, c’est même l’entièreté des cinq menus qui est végétarienne.
Un changement remarqué par les étudiants, sans les séduire pleinement. « Il y a plus de plats végé qu’avant, mais ils sont souvent secs et bizarres. C’est dommage, ça n’améliore pas les préjugés sur ce type de cuisine », estime Clémentine, en deuxième année de BTS optique. Un avis partagé par Sid, en master Électronique, Énergie Électrique et Automatique, qui y a goûté une fois, sans être convaincu. Reste qu’elle a néanmoins ses adeptes puisque, selon les chiffres du Crous, plus d’un étudiant sur trois (35%) la choisit chaque jour.
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Réduire le gaspillage…

L’offre végétarienne étant plutôt développée, l’équipe de Saint-Jérôme veut se concentrer davantage sur la qualité des produits. À savoir inclure plus de bio, de local et de labels de qualité et d’origine (AOC, AOP, IGP…). Et sur la réduction du gaspillage alimentaire. Les quantités de biodéchets abandonnés dans les assiettes sont ici déjà bien en deçà de la moyenne nationale du secteur : 30 grammes contre 100 dans la restauration collective. Mais l’établissement veut faire encore mieux : les diviser par deux d’ici un an, dans le cadre d’une expérimentation qu’il vient de lancer.
En effet, une caméra intelligente a été installée au-dessus du tapis roulant amenant les plateaux terminés de la salle jusqu’à la plonge. Types de restes, grammage, tout est analysé et répertorié dans une base de données. Le premier mois de test a montré que la majorité des aliments boudés (60%) sont des légumes et des féculents. Ce qui a déjà induit une évolution des pratiques. « On a indiqué aux équipes de diminuer les portions et surtout de les adapter à la demande des étudiants. Sachant que s’ils le veulent, ils peuvent se resservir », souligne Frédéric Napoli.
En la matière, Clémentine et sa camarade de promo Auriane ne se plaignent pas. « Il y a un bon rapport quantité-prix. Pour ce que l’on a, c’est pas très cher », apprécie la première. Et la seconde de reprocher plutôt la disponibilité des plats. « Certains jours comme le lundi, si on arrive sur la deuxième moitié du service, il ne reste plus aucune entrée ». Le plat végétarien est aussi parfois en rupture avant la fin. Un phénomène que le Crous tente de résoudre. « On doit jongler entre l’impératif de fournir suffisamment à manger à tous et le souci de ne pas jeter. Ce n’est pas évident », admet Denis Beck.
…et le temps d’attente

C’est d’autant moins aisé que la fréquentation du resto U est en augmentation d’année en année. Avant la pandémie de Covid-19, le nombre de couverts se limitait à 600 par jour à Saint-Jérôme. C’est jusqu’au double désormais. La raison : l’instauration du repas à un euro pour les étudiants boursiers, contre 3,30 euros pour le tarif normal. Sauf que la capacité d’accueil de l’établissement n’a pas changé. Si bien qu’au pic de l’affluence, il faut attendre 20 à 25 minutes pour pouvoir déjeuner.
Une situation que le Crous chercher à corriger dans le cadre de « Mon restau responsable ». Des progrès se sont d’ailleurs déjà fait sentir depuis l’installation d’une terrasse extérieure. « Les étudiants aiment s’y attabler même quand il fait froid. Ça a désengorgé le temps d’attente après le passage en caisse, mais il faut encore trouver des solutions pour l’avant », reconnaît Denis Beck. Ce sera l’un des objectifs de cette année, d’autant plus crucial que le gouvernement souhaite généraliser ce tarif d’un euro le repas à l’ensemble des étudiants (bonus).
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À chacun ses solutions
Cette liste d’expérimentations est loin d’être exhaustive. Et dans un an, l’équipe du resto U de Saint-Jérôme en tirera le bilan pour s’en fixer de nouvelles. Les douze autres restaurants universitaires du Crous Aix-Marseille-Avignon se sont, à sa suite, lancés dans l’aventure. Chacun suivant ses propres pistes d’amélioration et de réflexion. Du reste, d’ici la fin de cette année 2025, c’est même l’ensemble de tous les CROUS de France qui doivent s’y engager.
Loin d’être les seuls puisque plus de 2 000 structures disposant d’un restaurant collectif sont actuellement inscrites dans cette démarche éco-responsable à travers la France (bonus). Une vraie richesse aux yeux de Denis Beck : « Ça nous permet d’échanger sur nos difficultés et de partager nos expériences », apprécie-t-il. La force de tout bon réseau finalement. ♦
Bonus
# Au-delà des restos U – La démarche « Mon Restau Responsable » a vu le jour en 2016. On la doit à la Fondation pour la Nature et l’Homme et le réseau Restau’Co. Elle est destinée à tout type de structure disposant d’une restauration collective (structures d’éducation, administrations et entreprises, hôpitaux et établissements médico-sociaux…). Chacune s’engage sur diverses mesures à mettre en pratique dans un délai de deux ans. 2 192 restaurants font partie du dispositif, servant chaque année 138 millions de repas. Ce n’est toutefois qu’une infime part des 3,7 milliards de repas annuels en restauration collective, dans plus de 90 000 cantines, hôpitaux, EHPAD et entreprises (chiffres de l’Ademe).
# Des repas à un euro pour tous les étudiants ? Depuis la rentrée 2020, suite à la crise sanitaire liée au Covid-19, les étudiants boursiers et ceux en situation de précarité particulière bénéficient de ce tarif dans les restos U (contre 3,30 euros pour le tarif normal). Une proposition de loi visant à le généraliser à tous les étudiants, présentée par des députés du groupe Socialistes et apparentés, a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale fin janvier. Le Sénat doit désormais examiner ce texte et donner son accord afin de l’adopter définitivement, ou non. La majorité sénatoriale étant de droite et du centre, rien ne garantit une issue favorable.
♦ Illustration d’ouverture – En France, 2 192 restaurants font partie du dispositif « Mon restau responsable », servant chaque année 138 millions de repas © Photo d’illustration, Pixabay